Le récent documentaire Bikram : yogi, gourou, prédateur présente un côté sombre du célébrissime yogi Bikram Choudhury, accusé de harcèlement sexuel et moral. Qu’en pensent les propriétaires de « studios Bikram » du Québec, comme celui qui est bien en vue avenue Laurier, à Montréal ? Vont-ils conserver le nom du gourou déchu ?
Bikram Choudhury est le fondateur du yoga Bikram, qui comprend une série de 26 postures à exécuter pendant 90 minutes dans une pièce chauffée à plus de 40 °C. Ses adeptes, parmi lesquels on trouve Madonna, Lady Gaga, George Clooney et Jennifer Aniston, se comptent par millions. Il a réussi à créer un véritable empire avec plus de 650 studios et magasins franchisés dans le monde. Toutefois, plusieurs studios utilisent le nom « Yoga Bikram » sans verser de redevances, dont certains au Québec. Mais après la montée fulgurante de son succès est venue la déchéance. Des femmes ont porté plainte contre lui, notamment pour viol. Une situation qui fait réfléchir les propriétaires de studios Bikram au Québec et ceux qui offrent ce type de cours. « J’étais déçue, sous le choc », explique Valérie Trinh, copropriétaire de Bikram Yoga Boucherville, à propos de sa réaction lorsqu’elle a appris les allégations qui pèsent sur son ancien professeur. Depuis la sortie du documentaire, elle admet que plusieurs personnes lui ont confié ne pas se sentir à l’aise de pratiquer le yoga « dans un studio qui porte le nom de cet homme ». Il faut dire que le gourou, qui enseignait toujours en maillot de type Speedo noir avec une montre Rolex dorée, a finalement été condamné en 2016 à verser 6,47 millions de dollars de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel. Pour ne pas payer sa dette, il a fui les États-Unis, ce qui ne l’empêche pas d’offrir — encore aujourd’hui — des cours un peu partout dans le monde. Cette histoire est connue dans le milieu du yoga. Mais pour le commun des mortels, c’est entre autres grâce au documentaire Bikram : yogi, gourou, prédateur, diffusé sur Netflix depuis quelques semaines, qu’elle est sous les projecteurs. Bikram au Québec Même si l’entreprise Bikram Yoga Boucherville n’est pas une franchise de Bikram, Valérie Trinh comprend les réticences de certains clients et, avec sa copropriétaire Isabelle O’Brien, a décidé de changer le nom de leur entreprise. « Nous avons commencé le processus », dit-elle. Bikram Yoga Montréal non plus n’est pas une franchise et n’a jamais donné un sou à Bikram Choudhury, sauf pour suivre la formation pour enseigner la technique, au coût d’environ 10 000 $. « Il y a trois ans, j’ai changé le nom [de l’entreprise] pour “Yoga chaud Montréal”. Maintenant, j’utilise le nom seulement pour expliquer quel type de yoga nous enseignons », a répondu le directeur Michael Johnston, par courriel, puisqu’il est à l’extérieur du pays. Ainsi, même si l’enseigne « Bikram Yoga Montreal » est toujours bien en vue avenue Laurier, les studios ne portent plus ce nom. « Pour moi, le nom Bikram n’a jamais été plus qu’une série de postures ; 26 postures et 2 exercices de respiration. Rien de plus. Je n’ai jamais ressenti de connexion avec Bikram Choudhury, l’homme », dit Johnston. La technique Certains studios ne portent pas le nom « Bikram », mais offrent des cours de cette technique. Au Centre Inspire, à Brossard, le propriétaire et professeur Alain Robin explique que la sortie du documentaire sur Netflix a apporté son lot de commentaires négatifs. Pour lui, qui a été formé par Bikram à Las Vegas en 2009, il y a longtemps qu’il « sépare la pratique du monsieur ». « Mais après mûre réflexion, nous nous sommes dit que si nous gardions comme nom de cours Bikram yoga, nous blessions des personnes. Et ça, ça va à l’encontre de ce que nous voulons faire », dit Alain Robin. Le cours s’intitule maintenant « Yoga chaud original ». Des professeurs de partout dans le monde communiquent ensemble grâce au web et nous sommes arrivés à un consensus sur ce terme au lieu de Bikram yoga. Alain Robin, du Centre Inspire Il ajoute qu’ils ne peuvent pas « jeter le bébé avec l’eau du bain » et qu’il faut admettre que la série de 26 postures est très efficace. Amélie Beaumont, propriétaire de Yoga Fitness à Québec et Lévis, offre 20 cours différents dans ses studios, dont de Bikram. Puisque les yogis « font une différence entre la pratique et l’homme », elle n’imagine pas la fin de cette technique : « Je crois que le style va rester, mais probablement sous le nom de “yoga chaud traditionnel”. » « Le nom Bikram est appelé à disparaître. Ceux qui ont encore ce nom devront le changer », croit-elle. Même s’il continue d’enseigner sa technique un peu partout dans le monde, sauf aux États-Unis, Choudhury a déclaré faillite en 2017. source : le 05 décembre 2019 VÉRONIQUE LAUZON |