ça se passe au coin du feu, devant la cheminée où Henriette a relancé sa flambée. Dehors, la neige n’en finit plus de fortifier ses quartiers d’hiver sur les Baronnies. Et Henriette ne va pas trop fort. Somnolant, mangeant à peine, une vilaine toux lui coupe tout élan. La preuve de ce rare manque d’entrain ? «Je n’ai pas pu cuisiner. Ce soir, c’est Fadette qui a préparé le lapin», s’excuse-t-elle, sa fille rallumant sous la mijotée à la ronde odeur d’oignons. Un sacré aveu pour qui connaît la vigueur de cette octogénaire. Heureusement, Michel est monté. Le regard d’Henriette s’éclaire.

Parce que voyez-vous… «Monsieur Michel, la première fois qu’il est venu, j’avais très mal au poignet, je ne pouvais plus couper le jambon. Et il faut croire qu’il voulait en manger, du jambon… Il m’a pris le poignet, je n’ai plus eu mal et j’ai pu couper tout le jambon que je voulais» sourit malicieusement Henriette en regardant Michel.

Michel qui la fait asseoir devant le feu et pose son imposante carcasse à côté d’elle, toute menue. Puis qui, une main dans son dos, une main devant la poitrine, fait plusieurs passes avant d’enserrer la tête blanche dans ses pattes énormes, se penchant les yeux fermés, concentré. Un murmure. Un grand sourire. Chacun se lève. à table ? à table. Clin d’œil de Michel à Fadette. Ce soir, sa mère mange normalement et ressuscitée participe à la conversation. Tout à l’heure, il s’occupera de la sinusite de Fadette…

Breton, Michel est né à Plouïnec voilà 53 ans. Lechat est son nom, mais c’est bien une carrure d’ours qu’il balade en Bigorre depuis cinq ans qu’il s’est installé magnétiseur dans les Hautes-Pyrénées. «Ce n’est pas un métier mais un sacerdoce», précise-t-il alors en se recommandant de feu Julien Betbeder (1) comme on se place sous l’égide d’un saint, «Julien Betbeder, sommité, mon maître», ajoute-t-il, en rappelant que l’énergie de cet homme-là était telle qu’il «séchait une orange dans sa main et pouvait soigner plusieurs dizaines de personnes par jour»…

«C’est par les Chanteurs Pyrénéens qui étaient venus chez moi, à Lorient, que ça a commencé. L’épouse de l’un des chanteurs a fait une phlébite, je l’ai soignée. Quand je suis venu dans les Hautes-Pyrénées, un chanteur m’a présenté à Julien. Il a regardé mes mains, mes yeux. «Tu as le don» m’a-t-il dit et il m’a appris», raconte Michel. Avec les mots simples d’un gars grandi à la campagne, plus habitué aux chantiers industriels qu’aux arguties. Sans mystère.

«Aujourd’hui, soigner, c’est ma vie, je suis heureux et à ma place, tout simplement. Je demande la guérison à Dieu, directement, et je désencrasse, j’aère la tête des gens, je débloque leur passé pour que leur futur soit plus doux. Le seul secret, c’est d’aimer les gens dans ce monde mené par la peur pour les libérer de leur fardeau, de leurs trouilles enfouies», poursuit Michel, convaincu qu’il faut d’abord soigner l’âme pour que le corps aille mieux.

«Car je ne suis pas rebouteux, je travaille sur les énergies» précise-t-il. Avant de souligner «celui qui fait ça pour l’argent n’a rien compris». Gratuit jusqu’à 15 ans, cadeau pour les fauchés, 30 € pour les autres : «juste ce dont j’ai besoin pour vivre». Son éthique.

Soulager par le toucher… Fadette acquiesce. Depuis toute petite, elle aussi avait été «repérée» par la guérisseuse qui arrêtait le feu, à Campan. «Mais ça me faisait peur ces choses-là», explique-t-elle. Aujourd’hui ? Elle se perfectionne avec Michel. «On parle beaucoup, je progresse», constate-t-elle, riant encore de ses bévues d’autrefois. «Un jour, on m’a demandé de faire passer la teigne sur une vache, et ça, je l’ai faite passer. Mais c’est celui qui tenait la bête qui l’attrapée.»

La teigne, cette mycose qui fait tomber cheveux ou poils, c’est justement la spécialité de Jean Védère, 86 ans, l’ancien maire de Castillon, le village un peu plus loin. Une toile cirée, le verre de vin au visiteur… Le «truc» ? «C’est mon père qui me l’a transmis et je l’ai marqué dans un cahier pour mon fils, plus tard. Il y a neuf mots, une prière à dire le matin à jeun, en pensant à la personne et à un saint précis, mais on ne donne jamais la formule sinon on perd le pouvoir» explique-t-il. Et «même par téléphone, ça marche. Les gens viennent de Paris, de partout. C’est un service que je rends, je ne demande rien», poursuit Jean, très simplement, précisant : «ça m’est souvent arrivé d’avoir des gens envoyés par le vétérinaire».

La relation à la médecine normale ? C’est vrai qu’elle est ambiguë. Mystère -du grec «initié»- et mystification ayant même racine, les charlatans sont en effet légions qui racolent et les médecins constatent les dégâts.

Derrière lui, briquets et paquets de cigarettes soigneusement rangés par dizaines disent sa spécialité : l’arrêt du tabac pour «les gros fumeurs qui me sont même parfois envoyés par leur pneumologue», souligne cet homme de 65 ans qui, après 22 années dans une banque, a autrefois troqué la cravate pour le pendule et l’antenne de Lecher, version moderne de l’antique baguette du sourcier, «encouragé par ma femme à qui j’avais fait passer une crise de coliques néphrétiques».

Allure vous rappelant le regretté Louis Seigner de la Comédie Française… poignée de main ferme qui ne peut s’empêcher d’ausculter le nouveau venu, il distingue alors «le rebouteux qui «remet en place les os, le nerf qui coince» du magnétiseur qui «utilise son fluide et transmet de l’énergie sans forcément toucher». Lui fait les deux, en invoquant Sainte-Germaine de Pibrac et Saint-Jean pour l’aider dans sa tâche contre zonas, brûlures et autres. Mais dans son bureau aux allures de cabinet médical «nous ne sommes pas dans le miracle» souligne-t-il. D’abord dans l’écoute car «il y a un gros travail psychologique». Ensuite ? «On se branche sur le cosmos pour recevoir une part de cette énergie magnifique au-dessus de nous et sous nos pieds, dans nos racines. Le thérapeute s’inscrit dans cet équilibre cosmo-tellurique pour développer son énergie, disposer de celle de l’univers et débarrasser la personne de ce qui l’empêche d’être bien afin de lui redonner la santé et la joie de vivre.»

énergie positive, énergie vibratoire, énergie spirituelle… Quel que soit le nom, «en fait, il faut aimer les gens, car dans cette affaire, l’amour est le moteur de tout», conclut-il, lui aussi…

(1) Cf «Le Bigourdan aux mains précieuses», C. Larronde, La Dépêche, 13 janvier 2012.

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L’évolution des pratiques
Ces derniers proposent régulièrement des conférences de formation à Toulouse, en «reboutement», «radiesthésie» et «magnétisme». Car «le métier de guérisseur n’est plus aujourd’hui ce qu’il était voilà 30 ans. Il a évolué techniquement», explique Pierre Marcouire. «Il y a toujours les guérisseurs «fer à repasser» avec une très forte énergie positive qui vont balayer l’énergie négative, mais on s’est rendu compte que notre intervention, c’est d’abord une question de vibration, l’énergie vitale qui donne la santé étant une énergie vibratoire» selon ce magnétiseur pour qui il reste encore beaucoup à découvrir et à explorer. Témoin le livre de son collègue toulousain Jean-Claude Vergnes, «Du Magnétisme à la Physique quantique», que Pierre Marcouire a sur son bureau.

Source : LA DEPECHE.FR par Pierre Challier