Magie, sorcellerie, envoûtement, exorcisme et sociétés secrètes sont au cœur d’un nouveau cours qui sera donné cet hiver
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Le mot à lui seul évoque des pratiques et des croyances douteuses, critiquables ou controversées. Un cours universitaire sur l’ésotérisme, vraiment? Pour Alain Bouchard, chargé de cours à la Faculté de théologie et de sciences religieuses et coordonnateur du Centre de ressources et d’observation de l’innovation religieuse, l’initiative allait de soi. «Si on regarde les différents types de religions ou de spiritualité qui circulent actuellement, l’une des formes qui connaît le plus grand succès est celle de l’ésotérisme. Bizarrement, tout ce qui touche la religion et la culture populaires est peu abordé en milieu universitaire, particulièrement au Québec francophone.»
C’est pour pallier ce manque que le sociologue a créé le cours Regards sur l’ésotérisme. L’objectif est d’amener l’étudiant à réfléchir aux enjeux théologiques et philosophiques de ce phénomène. D’un cours à l’autre, diverses manifestations de l’ésotérisme sont abordées, comme le satanisme, la sorcellerie et l’envoûtement.
Un large pan de la formation est consacré à l’histoire de l’ésotérisme et aux dynamiques socioculturelles qui ont permis son essor. Pour Alain Bouchard, il existe un lien clair avec la baisse de la pratique religieuse et la montée de l’individualisme. «Dans l’Antiquité, l’ésotérisme désignait l’aspect mystique ou magique des structures religieuses. Avec la montée de l’individualisme durant la Renaissance, on a voulu s’éloigner des organisations religieuses dans une perspective de développement personnel. Aujourd’hui, l’ésotérisme répond à cette réalité qui a germé au 16e siècle. Il s’agit d’une forme religieuse qui permet aux individus de prendre une distance par rapport aux institutions dans ce monde de performance où l’on a besoin de s’accomplir et surtout de s’autoréaliser», explique le chercheur.
L’ésotérisme est un marché florissant. Dans les boutiques spécialisées, la vente d’objets et de livres consacrés au nouvel âge, au tarot et aux autres sujets du genre ne dérougit pas. Sur Internet, on trouve de nombreux sites où l’on peut commander des produits, suivre des formations ou même recevoir les conseils d’un maître spirituel.
«Notre façon de consommer des biens religieux a complètement changé dans les dernières décennies, remarque Alain Beaulieu. Avant, l’institution donnait le menu; maintenant, ce sont les gens qui composent leur propre menu. Avec l’ésotérisme, nul besoin d’avoir un encadrement très strict. Des organisations comme l’Ordre de la Rose-Croix offrent désormais la possibilité de commander sur Internet toute l’information nécessaire pour cheminer.»
Comment expliquer cette fascination pour le paranormal, le merveilleux, la magie? «Depuis la nuit des temps, l’humain a la profonde conviction qu’il existe autre chose que le monde matériel et visible dans lequel il vit. Certains psychologues expliquent ce phénomène par le fait que l’on ne réussit pas à composer avec la réalité qui nous est imposée par la nature.»
Le sociologue voit dans l’ésotérisme de multiples possibilités de recherche. «Ça me fascine toujours de rencontrer des gens qui croient à l’existence des extraterrestres ou qui posent des gestes extrêmes, comme jeûner ou se mortifier. L’ésotérisme me permet d’étudier l’esprit humain dans l’une de ses plus étranges productions.»
Il est possible de s’inscrire dès maintenant au cours. Plus d’information sur la page Web de Regards sur l’ésotérisme.
source : 13 décembre 2019 le nouvelliste MATTHIEU DESSUREAULT