Dans une tribune, publiée mercredi sur le site du «Monde», des «rescapés» français de ces pseudo-traitements censés «guérir» les personnes LGBT demandent à l’exécutif de soutenir la proposition de loi d’une députée LREM. Depuis trois ans, son examen est sans cesse repoussé.
Ils sont vingt-trois, vingt-trois noms (ou pour certains seulement le prénom) à lancer un «cri d’alerte» après avoir vécu, sur le territoire français, des «tentatives» pour «modifier [leur] orientation sexuelle ou identité de genre». Pour la première fois, dans une tribune publiée sur le site du Monde mercredi, un collectif de victimes des «thérapies de conversion», ces pseudo-traitements censés «guérir» l’homosexualité ou la transidentité, prend publiquement la parole pour presser le gouvernement de les interdire. «Alors que ces pratiques dévastatrices progressent par l’importation des mouvements « ex-gays » américains en France depuis les années 1990, elles ne font pas l’objet d’une interdiction spécifique sur notre territoire, déplorent les signataires du collectif «Rien à guérir». Il est temps d’agir fermement et intelligemment.»
Le texte sonne comme une piqûre de rappel pour l’exécutif, voire une admonestation. Condamnées par le Parlement européen, qui a exhorté les Etats membres à les proscrire il y a plus de deux ans, lesdites «thérapies de conversion» font en effet face à un mouvement mondial de pénalisation ces dernières années, au point d’être désormais sanctionnées par des peines de prison et de lourdes amendes à Malte, en Allemagne, au Brésil, dans certains Etats américains et australiens, certaines régions espagnoles ou provinces canadiennes. En France, le pouvoir tergiverse et peine à légiférer. Et ce malgré, la mobilisation d’associations LGBT confessionnelles et les tentatives d’une député de la majorité, Laurence Vanceneubrock, depuis bientôt trois ans de les faire interdire.
Le risque d’une loi «au rabais»
À l’initiative d’une proposition de loi, qui devait être examinée en janvier prochain, l’élue LREM de l’Allier menace d’ailleurs depuis lundi de quitter le parti présidentiel au sein duquel elle ne se sent plus écoutée. En cause : l’intention de la part du gouvernement, et de la secrétaire d’Etat à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, de faire voter de simples amendements au projet de loi «confortant les principes républicains» (ou contre les «séparatismes») afin de prohiber les «thérapies de conversion». Ce qui revient, selon elle, à s’accaparer à peu de frais le travail parlementaire transpartisan en le vidant de sa substance. «Il y a de l’agacement de notre part, pointe, lui, auprès de Libération Benoît Berthe Siward, du collectif «Rien à guérir». La proposition de loi, née de la mission parlementaire et d’une diversité de prises de parole, fait l’unanimité, chez les victimes comme les associations. Le fait que le gouvernement récupère ça dans un texte qui, lui, fait débat, c’est piétiner et casser le travail des députés. On risque une loi au rabais.»
Et c’est pour cela qu’avec d’autres «rescapés», le trentenaire, qui réside à Londres, monte désormais au créneau. Pour exhorter le pouvoir à enfin passer par la case législative contre des méthodes qui «portent gravement atteinte à la personne humaine». Car Benoît Berthe Siward sait, par expérience, qu’elles occasionnent des dommages psychologiques profonds sur les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles ou transgenres qui les subissent, le plus souvent quand elles sont jeunes. L’an passé, dans le livre-enquête Dieu est amour, des journalistes Timothée de Rauglaudre et Jean-Loup Adenor – doublé d’un documentaire sidérant sur Arte – sur l’épanouissement bien réel des «thérapies de conversion» dans l’Hexagone, il a d’ailleurs longuement témoigné sur les séminaires de «guérison» au sein de la Communauté des béatitudes, un groupement catholique conservateur, qu’il a été obligé de suivre adolescent par sa famille pour «corriger» son homosexualité – sans succès bien entendu. «On demande aussi aux grandes institutions religieuses, comme l’Église catholique, de s’exprimer et de prendre position sur ce sujet, conclut-il. Tout ce qu’on demande c’est un peu de courage, y compris de la part du gouvernement.» Joint par Libération jeudi matin pour obtenir des précisions sur le projet gouvernemental, le cabinet de Marlène Schiappa n’a pas répondu à nos sollicitations.