Depuis plusieurs mois, des enfants de moins de 4 ans suivent des cours de musique organisés dans une salle du quartier des Carmes, mise à leur disposition par l’Espace Hermès, antenne toulousaine de la Nouvelle Acropole. Enquête.
Ceux qui connaissent l’existence de l’Espace Hermès, rue Joutx-Aigues, dans le quartier des Carmes à Toulouse, ont été surpris : depuis plusieurs mois, les locaux de cette organisation accueillent le mercredi après-midi des enfants, âgés de notamment de moins de 4 ans pour des cours d’éveil musical en anglais.
Des enfants, dans des locaux d’une association placée sous la surveillance des pouvoirs publics « particulièrement au regard de son fort prosélytisme envers la communauté scolaire et estudiantine », selon la Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), cela a de quoi surprendre.
La professeure de musique tombe des nuesContactée par France 3, l’organisatrice de ces cours de musique pour enfants, tombe des nues. « Vous me l’apprenez, je vous l’assure. Je suis extrêmement surprise, nous répond-elle. Je cherchais une salle en centre-ville, pour une mise à disposition ponctuelle, de quelques heures par mois. J’ai cherché sur le site de location de salles ABC Salles sur internet et c’est comme cela que j’ai trouvé l’Espace Hermès ».
La professeure dirige d’autres activités, dans d’autres salles de la métropole toulousaine, sans lien avec L’Espace Hermès. Elle paye la location de la salle mise à sa disposition. Elle affirme que ni elle, ni les parents des enfants ne sont au courant des activités des occupants des lieux.
Sur le site internet de l’Espace Hermès, il apparaît que la salle n’est louée qu’à des « professionnels et les associations qui partagent nos valeurs ».
Ce que le président de Nouvelle Acropole/Espace Hermès confirme à France 3 : « Nous avons en effet considéré que cette activité musicale pour les enfants était en adéquation avec nos valeurs, notamment humanistes ».
L’Espace Hermès, la façade de Nouvelle Acropole à Toulouse
Nouvelle Acropole est un mouvement philosophique qui existe dans plusieurs pays, notamment en France où il compte une douzaine de centres. A Toulouse, sa présence date d’une quarantaine d’années. En fait, c’est le même mouvement qui porte deux identités : Espace Hermès pour ses locaux du quartier des Carmes mais Nouvelle Acropole Toulouse pour ses activités notamment liées au mouvement national du même nom.
Sollicité par nos soins, Thierry Carles, le président de Nouvelle Acropole Toulouse, tient à préciser :
En ces 41 années d’existence à Toulouse et 46 ans en France, elle a fait l’objet de rumeurs et de mise à l’index par un rapport parlementaire en 1995, qui n’ont jamais été confirmées par aucun fait et continuent seulement d’exister, plus de vingt ans après, par le jeu des copier-coller et la permanence d’internet.
En effet, Nouvelle Acropole a toujours eu pignon sur rue et n’a fait l’objet d’aucune plainte. Bien au contraire, au sein de l’Espace Hermès, elle propose des activités qui permettent à ses centaines de participants annuels de contribuer à faire vivre des idéaux de tolérance, de paix et d’engagement citoyen.
C’est pourquoi il est grand temps de réhabiliter une association qui a été désignée à la vindicte au mépris du respect des droits les plus élémentaires dans une démocratie.
Sur la liste des sectes en France dans le rapport parlementaire de 1995 Nouvelle Acropole figurait en effet sur la liste publiée dans le rapport parlementaire sur les sectes en France, réalisé en 1995. Elle était inscrite dans la sous-liste des mouvements comptant entre 50 et 500 adeptes. Nouvelle Acropole y est alors décrite comme un mouvement sectaire, qui sous couvert de philosophie orientale et occidentale, serait un mouvement d’extrême-droite, voire, le terme est employé, « néo-nazi », ce que conteste alors immédiatement ses dirigeants.
La liste établie par les parlementaires en 1995 est globalement contestée, car établie selon des critères discutables. Depuis, même si cette liste circule toujours et est facilement consultable, elle est considérée comme caduque par les pouvoirs publics.
L’organisme officiel qui surveille aujourd’hui les mouvements sectaires en France, la Miviludes, rappelle d’ailleurs qu’elle a « pour mission d’observer et de lutter contre les dérives sectaires. Elle ne définit pas ce qu’est une secte, mais s’intéresse aux dérives sectaires, c’est-à-dire aux atteintes pouvant être portées à l’ordre public, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes par la mise en œuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par des pratiques favorisant l’emprise mentale et privant les individus d’une partie de leur libre arbitre ».
Une organisation « militairement hiérarchisée », des « dérives autoritaires »Selon la Miviludes, contactée par France 3, « l’organisation de la Nouvelle Acropole est pyramidale, militairement hiérarchisée. Six instituts internationaux ont pour but la spécialisation et l’infiltration dans certains milieux : médecines douces, juridique, arts lyriques, arts martiaux, finances, culture et même lutte contre la pollution »
De par son contenu doctrinal et son organisation, de fortes suspicions de dérives autoritaires pèsent sur la Nouvelle Acropole qui, sous ses activités de façade, diffuserait auprès de ses membres les plus assidus un message anti-démocratique voire totalitaire. Compte tenu de ces éléments, et depuis sa création en 2002, la MIVILUDES continue d’exercer sa vigilance à l’égard de la Nouvelle Acropole, particulièrement au regard de son fort prosélytisme envers la communauté scolaire et estudiantine (source : Miviludes)
L’association s’étonne de ces propos de la Miviludes, par la voix de son président :
Nous en sommes étonnés car depuis que nous avons éclairci avec cet organisme, en 2005, nos finalités et activités, nous ne sommes plus cités par celui-ci dans ses rapports annuels comme vous pourrez le constater par vous-mêmes. Que signifierait donc une mise en garde officieuse contre une association qui promeut des valeurs de tolérance, solidarité et fraternité et qui n’a eu aucun démêlé avec la justice en plus de 40 ans d’existence et pas le moindre fait signalé par la Miviludes elle-même dans ses propres documents officiels, alors même qu’elle serait « sous surveillance » ?
Et Thierry Carles de renvoyer au rapport de la Cour des comptes de 2017 sur les activités et les moyens de la Miviludes : un rapport qui recommandait notamment une réorganisation de l’organisme interministériel, son rattachement au ministère de l’Intérieur et plus à Matignon et de redéfinir ses missions.
Pas de contact entre les enfants et l’association
A Toulouse, les responsables d’Info-sectes 31 * connaissent bien Nouvelle Acropole/Espace Hermès, dont d’anciens membres ont témoigné auprès d’eux (sans toutefois déposer plainte) sur les pratiques internes du mouvement. Info-sectes s’est étonné de la tenue de cours de musique pour enfants dans les locaux de la rue Joutx-Aigues.
« Ce qui est dangereux, affirme une responsable, ce n’est pas le risque de l’embrigadement des enfants, illégal en France. Mais c’est à travers les enfants, présents pour une activité tout à fait banale, que des parents peuvent être approchés, sensibilisés lors de conférences auxquelles ils peuvent être invités (NDLR : lire encadré ci-dessous) et intégrés progressivement au mouvement ».
La professeure de musique nous a affirmé qu’il n’y a aucun contact entre les enfants et les parents d’une part et les responsables de l’Espace Hermès d’autre part.
Sur les photos déposées sur le site ABC Salles, on voit que des fascicules et des livres sont en place dans les salles proposées à la location mais la responsable de cet éveil musical est catégorique : « les enfants ou leurs parents ne sont pas dans une salle avec une quelconque littérature ».
Des conférences, des stages visant le développement personnel
L’activité de Nouvelle Acropole se fait « par des activités multiples sur toute la France (conférences, dîners-débats, films, expositions sur des thèmes divers avec une prédominance de l’hellénisme et de l’égyptologie), explique la Miviludes. Elle propose tout un panel de « formations au volontariat » touchant aux domaines de l’écologie, l’aide sociale, les situations de crise ainsi que le patrimoine et la découverte des métiers. Elle organise des stages d’été à « La Cour Pétral » regroupant un ensemble éclectique de formations en Feng-Shui, géobiologie, santé chinoise, taille de pierre, chant choral et art martiaux. Elle propose surtout un programme d’étude de « philosophie pratique », programme défini au niveau de l’OINA et composé de plusieurs cycles d’étude dont le contenu s’inspire des « sagesses » de cultures orientales et occidentales et vise au développement personnel ».
A Toulouse, à ses activités, s’ajoutent sophrologie, Qi Gong, conférences philosophiques et même distribution de paniers de fruits et légumes façon AMAP… Des activités diverses, auxquelles il faut ajouter la location de salles, y compris à des cours d’éveil musical pour les enfants.
Pour les associations qui luttent contre les mouvements sectaires, Nouvelle Acropole répond aux critères qui définissent une secte, sous couvert de philosophie et de développement personnel. Une définition que conteste vigoureusement le président de Nouvelle Acropole Toulouse, qui défend « l’honorabilité de notre association et de ses membres ».
Des conférences de la Nouvelle Acropole dans des salles municipales de Toulouse
L’Espace Hermès/Nouvelle Acropole organise régulièrement des conférences, soit dans ses propres locaux du quartier des Carmes, soit dans des salles municipales mise à sa disposition par la ville de Toulouse.
Le 30 octobre prochain, une conférence sur le philosophe Jung, par Laura Winckler, l’une des dirigeantes nationales de Nouvelle Acropole, doit se dérouler salle du Sénéchal à Toulouse.
Interrogée, la mairie de Toulouse justifie cette mise à disposition de la salle municipale avec deux arguments :
- « La demande de salle portée par cette association est conforme puisque toutes les pièces administratives nécessaires à l’instruction ont été présentées. Sauf indisponibilité pour des raisons de service public ou menace de trouble à l’ordre public, qu’il conviendrait de motiver, la Mairie de Toulouse ne peut refuser la mise à disposition d’une salle communale. Sur ce point la jurisprudence est claire comme en atteste une décision du Conseil d’Etat rendue contre la ville de Lyon, à la suite d’un refus de mise à disposition de salle aux témoins de Jehovah ».
Cet arrêt stipule notamment que le refus de mise à disposition d’une salle, si toute la procédure est respectée par l’association, porte « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de réunion, qui est une liberté fondamentale ».
- En outre, la ville de Toulouse précise que « la salle n’est pas mise à disposition gratuitement par la Mairie : l’association en question paye une adhésion annuelle ».
En effet, pour avoir accès à des salles municipales, les associations toulousaines doivent s’acquitter d’une cotisation annuelle. Son montant est de quelques dizaines d’euros. La conférence de la Nouvelle Acropole du 30 novembre est payante (9 euros plein tarif, 7 euros tarif réduit) : si la salle du Sénéchal est remplie (200 places assises), la soirée pourrait rapporter environ 1600 euros dans les caisses de la Nouvelle Acropole/espace Hermès)
source : fr(anceinfo.com
*l ‘association Info-sectes Midi Pyrénées est l’antenne régionale du Centre Contre les Manipulations Mentales ( Centre Roger Ikor)