Techniques de déstabilisation
Pour amorcer le processus d’embrigadement, il faut déstabiliser la personne.
1. La conscience connaît des variations progressives qui vont de l’extrême vigilance au sommeil.
Pour déstabiliser rapidement, on utilise des techniques de modifications de la conscience. Les états modifiés de conscience (EMC) fascinent et font peur. Ces états sont aussi appelés états de conscience supérieure, cinquième état de conscience, vie intérieure. De nombreux chercheurs en neurophysiologie pensent que ces états correspondent à ceux du sommeil, sommeil profond, coma avec expérience de mort imminente.
Nous pouvons distinguer trois types d’EMC :
Les EMC par induction psychologique : méditation, transe, stress violent, régression hypnotique profonde, expériences de mort imminente, expérience hors du corps,
Les EMC par induction physiologique : sommeil, relaxation, déshydratation sévère, intoxication médicamenteuse, troubles métaboliques,
Les EMC mixtes qui associent l’induction psychologique à la modification de la physiologie du corps humain. Dans un EMC l’individu devient la proie ou peut se mettre sous l’emprise de tout individu qui cherche a faire fortune et à embrigader :
2. Le désir d’emprise peut être défini comme une tendance très fondamentale à la neutralisation du désir d’autrui et nous pouvons là aussi distinguer deux types :
l’emprise obsessionnelle qui vise à traiter l’autre comme une chose manipulable jusqu’à ce qu’il soit dans une position de servitude,
l’emprise perverse qui cherche la fusion, qui entretient la confusion et refuse la séparation : l’autre est fasciné, capturé par le discours et par les rituels.
Procédés de manipulation
Les très nombreux procédés de manipulation utilisés ont tous en commun d’organiser la régression psychologique de l’adepte. Manipuler, c’est utiliser à son profit l’immédiateté et la similitude pour y enfermer une personne et la diriger à sa convenance.
La similitude :
faire croire à l’autre qu’on est identique à soi, qu’on a les mêmes intérêts, qu’on le reconnaît et qu’on l’approuve pour ce qu’il voudrait être,
substituer la simplicité des images partielles à la complexité de la réalité,
remplacer la réalité par des images artificielles qui font écran.
L’immédiateté : c’est enfermer l’autre pour rendre impossible toute prise de distance et donc tout questionnement.
L’immédiateté concerne :
l’espace : promiscuité dans le groupe,
le temps : urgence permanente, répétition du même emploi du temps avec des lectures, chants, mantras, prières…
Il en résulte une immersion dans le groupe et une dilution de la personnalité de l’adepte entretenue par des manoeuvres hypnotiques, des régimes carencés, le manque de sommeil, l’excès d’occupation, l’enfermement dans une promiscuité permanente et imposée par le biais de stages.
La logique employée utilise exclusivement les amalgames induits seulement par des similitudes ponctuelles donc non justifiés :
identifications pour répartir le monde en « absolument bien »: le groupe et son chef, et « absolument mauvais »: l’extérieur,
pratique du bouc émissaire : rejet de tout ce qui va mal sur l’extérieur ou sur les « traîtres »,
utilisation du déni pour faire disparaître toutes les objections et les faits gênants.
Il s’ensuit :
L’enfermement dans une sorte de citadelle peuplée uniquement de semblables achevés ou en formation, assiégée par des étrangers ennemis et qui sont dans l’impossibilité d’accepter les différences des autres non-conformes.
L’obligation de prosélytisme permanent : plus l’adepte rencontre une forte résistance « des ennemis » du groupe, plus sa croyance au groupe se renforce. Ces organisations mettent en oeuvre délibérément des méthodes de manipulation de personnes cibles, dans la perspective de les transformer en agents dociles, imperméables à toute autre influence et à leur service exclusif. La personne cible attirée par les objectifs présentés sera l’objet d’un véritable programme de transformation faisant appel aux techniques les plus sophistiquées de la psychologie moderne.
Schématiquement, le programme se déroule en quatre phases :
I/ Attirer, séduire et motiver
en prenant en compte les motivations et la vulnérabilité de la personne, • en utilisant différents masques respectables : culturels, religieux, thérapeutiques, • en mettant à profit le contexte social dans lequel celle-ci évolue.
II/ Déstabiliser en créant un cadre où la personne est :
inexperte,
mise en cause,
privée de repères et d’autocontrôle,
mobilisée émotionnellement.
III/ Mettre la personne en condition de dépendance par la déconstruction des repères internes :
nouvel univers de références
dépendance et soumission volontaire.
IV/ Mettre en œuvre un travail de reconstruction
par des effets d’identification au groupe mobilisant les émotions
par des méthodes de suggestion dérivant de l’hypnose
par l’exploitation des insatisfactions, doutes, refus, révoltes inexprimées
par des séances d’isolement, de perte de repères, de mise à distance du quotidien
par la culpabilisation, l’humilité imposée au néophyte, sous couvert d’abandon de l’ego.
Quelques techniques de déstabilisation
La plupart des psychothérapies et des formations à forte implication personnelle comportent une part de remise en cause et une déstabilisation psychologique transitoire nécessaires pour une évolution personnelle.
L’énorme différence entre les méthodes qu’elles emploient et la manipulation mentale réside dans les suites et les finalités :
une thérapie vise à autonomiser et à libérer la personne,
les groupes sectaires visent, au contraire, à la rendre dépendante et conforme, à plus ou moins long terme, au modèle préétabli.
Techniques ponctuelles :
la réactivation, la reviviscence des stress,
l’analyse des motivations profondes
« l’inavouable »,
la provocation des émotions,
le réveil de la culpabilité,
le psychodrame : interactions dramatisées,
le témoignage – le « dire-vrai »,
la répétition dans l’obéissance, y compris à des ordres délibérément absurdes,
l’implication progressive : escalade provoquée, • les exercices physiques : le corps mis en situation exposée,
le silence ou les interactions menaçantes,
l’invalidation des mots par la récusation des vocabulaires usuels,
l’insolite : ruptures logiques et associations incongrues,
l’utilisation de médiateurs non verbaux, • les consignes paradoxales ou floues.