Sébastien Fath est chercheur au CNRS et spécialiste des mouvements évangéliques. Il fait le point sur ce courant grandissant en France et dans le monde.
Qui sont les évangéliques en France ?
SEBASTIEN FATH. Ce sont des gens qui appartiennent à la branche la plus active du protestantisme, avec un très gros développement en banlieue parisienne. Ils sont près de 600.000, contre 50.000 seulement au sortir de la Seconde Guerre mondiale. C’est une population très pratiquante qui affiche volontiers sa foi, sans forcément intégrer les codes de la laïcité en France, et qui fait beaucoup de prosélytisme (zèle ardent pour recruter de nouveaux adeptes, ndlr). Les fidèles sont souvent des migrants d’Afrique arrivés récemment en France, ou bien des Français des Caraïbes.
F.-S. Pourquoi l’évangélisme touche-il fortement une population d’immigrés ?
S. F. La raison est simple : l’évangélisme est une Église très chaleureuse, avec une grosse dimension sociale, et un accent mis sur la guérison, le partage, le bien-être. C’est une « Église-Providence », qui fait beaucoup en interne, avec dans certaines églises une aide juridique pour les sans-papiers, des cours de français pour les étrangers, du soutien scolaire, du troc de vêtements… Forcément, cela séduit de plus en plus.
F.-S. Beaucoup de gens associent l’évangélisme à un mouvement sectaire. Pourquoi ?
S. F. La France est historiquement un pays catholique, donc les autres chrétiens ont toujours souffert de méfiance. Par ailleurs, dans un pays laïc comme la France, le fait de vouloir convertir les autres peut heurter certaines sensibilités et peut être perçu comme « sectaire ». On confond parfois les évangéliques avec les Témoins de Jéhovah. Et enfin, les gens sont peu habitués à voir un engagement d’une telle intensité. Vu de l’extérieur, ce militantisme paraît suspect aux yeux de certains. Dites-vous qu’une église de cinquante membres est susceptible de pouvoir payer un smic à son pasteur rien qu’avec les dons de ses fidèles. On est loin du denier du culte dans l’Eglise catholique.
F.-S. Y-a-t-il néanmoins de véritables dérives sectaires ?
S. F. Cela arrive, bien que ce soit minoritaire. La faiblesse du mouvement évangélique est que chaque église est indépendante, en auto-gestion, parfois repliée sur elle-même, ce qui donne parfois lieu à des dérives. C’est une culture très décentralisée. Et il arrive que certains pasteurs confondent le porte-monnaie de leur église avec le leur. Mais c’est très rare.
F.-S. Quelle analyse tirez-vous de l’état actuel des lieux de culte évangéliques ?
S. F. C’est dramatique. Il y a des milliers de fidèles qui se réunissent dans des conditions très difficiles. J’en ai vu certains prier dans des hangars desaffectés, des squats… Le drame de dimanche dernier est susceptible de se reproduire dimanche prochain. C’est d’ailleurs presque surprenant que ca n’ait pas eu lieu plus tôt vu l’état des lieux. Cela me fait penser à « l’Islam des caves » dans les années 80. Il y a eu de nombreux efforts depuis pour construire des mosquées. Mais pour les évangéliques, le problème est moins visible car ils ne prient pas dans la rue…
Une deuxième victime à Stains
Une femme de 47 ans est morte ce mardi, deux jours après le dramatique accident dans un lieu de culte évangélique de Seine-Saint-Denis, qui avait déjà coûté la vie à une fillette et vaut à un pasteur et au gérant du local d’être entendus depuis dimanche par la police. Une petite fille de deux ans a été grièvement blessée et 32 autres fidèles ont été plus légèrement blessés.
En majorité membres de la communauté haïtienne, ils célébraient Pâques dans un local situé dans un quartier pavillonnaire à la limite de Stains et Pierrefitte-sur-Seine quand, vers 14h30, une partie du plancher s’est effondrée au premier étage. L’accident a provoqué la chute de plusieurs dizaines de personnes, selon la mairie de Stains, qui précise que le culte religieux avait rassemblé « au moins une centaine de personnes ».
Source : http://www.francesoir.fr/actualite/religion/np-on-confond-parfois-les-evangeliques-avec-les-temoins-de-jehovah-208651.html#
FRANCE SOIR .FR/
Propos recueillis par Alexandra Gonzalez