{Le président de la Miviludes, Georges Fenech, dénonce une modification législative qui rend «inopérantes les réquisitions du parquet de Paris contre des structures de l’Eglise de Scientologie».

L’actuel président de la mission de lutte contre les sectes raconte les «conseils, avis et pressions hiérarchiques» qu’il a reçus lorsqu’il instruisait le premier dossier visant la Scientologie, de 1990 à 1994.}

{{Quelle a été votre première réaction lundi en réalisant qu’un texte de loi de mai dernier empêchera probablement la dissolution de la Scientologie ?}}

Georges FENECH : «J’étais stupéfait et consterné. Cette modification de la loi modifie l’échelle des peines encourues en cas d’escroquerie et supprime la peine la plus lourde, la dissolution. Tout cela dans le cadre d’un processus de toilettage et de simplification qui ne doit pourtant jamais toucher à des éléments substantiels des lois ! Sans débat parlementaire, ni avis de groupes politiques ! Des changements du droit qui vont au-delà des sectes mais touchent toutes les associations, les entreprises. Alors, je ne peux pas jeter la pierre au parquet de Paris qui requérait au même moment la dissolution de la secte alors qu’elle disparaissait de la loi. Le parquet a été pris à contre-pied, nous tous ( les associations, la mission interministérielle, NDLR ), et les parlementaires eux-mêmes !»

{{Comprenez-vous la position du député Warsmann (qui a porté la modification de la loi), qui juge que «l’interdiction d’exercer» est suffisante dans l’arsenal répressif ?}}

«Non, il y a une différence de nature entre les deux. Dans l’interdiction d’exercer, l’association ou la secte qui existe toujours peut poursuivre d’autres activités et, sous couvert de celles-ci, prolonger discrètement celle qui a été interdite temporairement ou définitivement. Dans la dissolution, cela va jusqu’à la vente des actifs, la fermeture des immeubles, la disparition juridique et la possibilité de sanctionner en cas de reconstitution ! Qu’on m’explique enfin pourquoi avoir supprimé la dissolution dans le cas de l’escroquerie et pas pour l’abus de confiance, le trafic de stupéfiants ou le trafic d’armes ?»

{{Pour la présidente de l’Unadfi (victimes des sectes), c’est dans la continuité de «bizarreries» qui se multiplient dans les procédures visant la Scientologie…}}

«Ils agissent à visage découvert et à visage couvert. Moi, je comprends les familles de victimes qui se posent des questions. Comment est-ce possible qu’à chaque fois qu’il y a un procès visant la Scientologie, il se passe des choses étranges, des dossiers qui manquent, des tomes qui disparaissent, la loi qui est dorénavant modifiée… Je n’émets aucune suspicion à titre personnel, mais je comprends que les citoyens se posent des questions !»

{{Vous avez instruit le premier procès contre la secte à Lyon, au début des années 90. Racontez-nous les pressions que vous avez subies…}}

«J’ai eu droit à un traitement de faveur de différentes manières : des manifestations de Scientologues devant le palais de justice, d’innombrables télécopies de tous les coins de la planète pour se plaindre, les requêtes en suspicion légitime pour me dessaisir du dossier, arguant d’un combat personnel, des plaintes devant des juges d’instruction. Il y avait aussi les recommandations amicales de ma hiérarchie qui voyait avec beaucoup de scepticisme notre travail de pionniers pour lever le voile sur ces atteintes aux libertés commises au nom de la liberté religieuse. Lors du procès, tout le monde a compris que l’organisation était bien responsable d’un homicide involontaire ( d’un adepte, Patrice Vic, NDLR ), qui s’était suicidé.»

Propos recueillis par Alain MORVAN.

Publié le 16/09/2009

LE REPUBLICAIN LORRAIN