C’est l’un des cinq cadres de la secte. Clare Bronfman, héritière du géant canadien des spiritueux Seagram, devait être jugée ce jeudi dans l’affaire Nxivm. Elle encourt jusqu’à 25 ans de prison pour avoir joué un rôle clé au sein de cette secte qui a fait de dizaines de femmes, les esclaves sexuelles de Keith Raniere, fondateur et gourou. Entre 2009 et 2018, la milliardaire de 40 ans a été membre du conseil d’administration de l’organisation basée dans la région d’Albany, dans l’État de New York.
Avec sa sœur Sara, Clare Bronfman a apporté plus de 100 millions de dollars à Nxivm. Des fonds qui lui ont permis d’utiliser de fausses identités pour espionner les messageries électroniques des supposés critiques de la secte, financer des assignations en justice contre les ennemis présumés de Keith Raniere et aider le gourou à se servir de la carte de crédit d’une ex-maîtresse défunte.
Interpellée en juillet 2018, l’héritière de l’empire canadien plaide coupable huit mois plus tard pour association de malfaiteurs et usurpation d’identité. Ce faisant, Clare Bronfman échappe au procès. «Plaider coupable permet d’éviter un procès public et ainsi, ne pas divulguer trop d’informations», explique Jean-Pierre Jougla, avocat et spécialiste de l’emprise sectaire.
DOS, «noyau dur» de Nxivm
Tout commence en 1998. Cette année-là, Keith Raniere fonde Executive Success Program (ESP). L’organisation propose des ateliers dont le but officiel est de «réaliser le potentiel humain» des participants. Un grand classique de l’emprise sectaire, selon Jean-Pierre Jougla. «Pour séduire et mettre en confiance, les sectes proposent du développement personnel sous diverses formes», indique l’expert. Dès les débuts, le gourou charismatique à la longue chevelure noire, barbe et lunettes, entretient un cercle de 15 à 20 femmes sous influence, avec lesquelles il a des relations sexuelles à son gré. L’une d’entre elle était âgée de 15 ans.
En 2003, celui qui se faisait appeler «Vangard» élabore une deuxième entité baptisée Nxivm. Elle chapeaute désormais ESP. Chaque participant aux sessions de formation accepte de payer jusqu’à 5 000 dollars par atelier de 5 jours. Souvent endettés, nombre d’entre eux travaillent pour Nxivm dans l’espoir de rembourser leurs dettes. Selon le New York Times, environ 16.000 personnes ont suivi ces enseignements, depuis 1998.
Douze ans plus tard, le gourou crée l’organisation parallèle, «DOS», qui comprend des «esclaves» et des «maîtres». Tous les membres sont des femmes avec, au sommet de la pyramide, Keith Raniere lui-même. «On retrouve toujours même schéma. Les sectes se composent de plusieurs cercles. La sphère ‘’extérieure’’, celle qui rassemble l’ensemble des adeptes, sert de caution aux cercles plus restreints. Vu de l’extérieur, on ne fait pas la différence entre le cercle extérieur Nxivm et le cercle restreint DOS, le noyau dur».
«Esclaves» marquées
Parmi les missions des «esclaves», figure l’obligation d’avoir des rapports sexuels avec Keith Raniere sur demande. Mais avant d’être acceptée comme «esclaves», les femmes doivent fournir des «garanties». Photos, lettres, document… chacune doit livrer des éléments compromettants et Nxivm se réserve le droit de les divulguer si elles quittent DOS. «Keith Raniere s’est inspiré de la scientologie qui organise des confessions, appelées ’’auditions’’. L’objectif est d’avoir un moyen de pression sur l’adepte», analyse Jean-Pierre Jougla.
Les «esclaves» doivent aussi subir un «marquage». La pratique consiste à tracer sur la peau du pubis des lettres – souvent les initiales de Keith Raniere – à l’aide d’un stylo à cautériser qui brûle les chairs. Pendant la cérémonie, la victime est maintenue immobile par d’autres femmes. Chaque séance est filmée. Autre exigence du gourou, les membres doivent suivre un régime pauvre en calories, pour les transformer physiquement selon ses goûts. «C’est aussi un moyen d’épuiser et d’affaiblir les adeptes pour leur ôter tout esprit critique», explique Jean Pierre Jougla.
Le 19 juin, Keith Raniere est déclaré coupable par le jury d’un tribunal fédéral de Brooklyn de tous les chefs d’accusation. «Ce procès a montré que Raniere, qui se présentait comme un savant et un génie, était en réalité un maître de la manipulation, un escroc et un chef de bande criminelle», avait déclaré le procureur fédéral de Brooklyn, Richard Donoghue, après le verdict. «Ses crimes et ceux de ses complices ont détruit des mariages, des carrières, des patrimoines et des vies». Les cinq autres inculpés dans ce scandale ont tous plaidé coupable. Parmi elles l’actrice Allison Mack, l’un des personnages principaux de la série «Smallville».
source : lefigaro.fr