Un documentaire diffusé récemment sur Arte révélait que des religieuses avaient été violées par des prêtres pendant des années. Ce film n’est plus disponible en replay. Et ce, suite à une décision de justice.
Il arrive souvent que des entreprises ou des personnes mises en cause dans un reportage saisissent la justice pour en empêcher la diffusion à la télé. Là, c’est bien le replay qui est concerné : ce documentaire glaçant a déjà été diffusé sur Arte, le 5 mars. Son titre : Religieuses abusées, l’autre scandale de l’Église. Avec des résultats d’audiences record pour la chaîne, d’ailleurs. Un million et demi de personnes étaient devant leur télé.
Il a fallu deux ans d’enquête à Eric Quintin, Marie Pierre-Raimbault et Elisabeth Drévillon pour obtenir ces témoignages, pour lever l’omerta sur ces cas de viols et d’abus sexuels au sein de l’Église, et mettre au jour un effroyable système d’emprise et d’impunité. Ce documentaire devait être disponible en replay sur le site d’Arte jusqu’au 3 mai. Mais un prêtre allemand, qui n’est pas nommé dans le film, a estimé qu’il était reconnaissable : il a porté plainte en référé et le tribunal d’instance de Hambourg a ordonné à la chaîne franco-allemande de cesser la diffusion.
Cette décision de justice date du 20 mars, on l’apprend maintenant grâce à un article de la presse allemande, repéré par le journal La Croix. Preuve qu’Arte préférait rester discrète sur le sujet et préparer son recours judiciaire. Sauf que maintenant, le prêtre en question risque de connaître l’effet Streisand …
Ce qu’on appelle « l’effet Streisand », c’est quand on espère cacher une information et qu’on amplifie au contraire sa visibilité. Un effet ainsi nommé car Barbra Streisand en fut victime. Oui, ce documentaire, en comptant la diffusion à la télé et en replay en France et en Allemagne, avait été vu par deux millions et demi de personnes, selon les calculs du Süddeustche Zeitung, c’est déjà énorme. Mais il y a fort à parier que l’éclairage médiatique apporté par cette procédure judiciaire va amplifier l’intérêt du public.
Ceux qui ont vu le documentaire ont souvent été marqués par une séquence, en particulier : des cris dans le bureau d’une psychothérapeute canadienne. Des victimes qui racontent ce qu’elles ont subi en hurlant. Des cris pour sortir du silence. Aujourd’hui, en voulant faire taire cette enquête, on leur redonne de la voix.
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Lundi 29 avril 2019