La religion fait un retour remarqué sur le devant de la scène politique. Notamment en Espagne, où la hiérarchie catholique est entrée en campagne contre le gouvernement socialiste à la veille des élections législatives du 9 mars. Ou au Québec, où le cardinal Marc Ouellet a pris position dans le débat sur les accommodements raisonnables. Courrier International s’interroge cette semaine sur cette nouvelle croisade.
«L’heure semble être à la Reconquista politique, avertit le quotidien autrichien Der Standard dans un article du dossier de Courrier International sur le retour de l’Église catholique en politique. En Espagne, en France et en Italie, le catholicisme militant reprend du poil de la bête. C’est un clergé décomplexé qui s’invite aujourd’hui dans l’espace public, où les hommes politiques retrouvent la foi, le tout avec une assurance que l’on n’avait pas vue depuis longtemps dans notre Vieille Europe. < A Madrid, en ce début d’année, les évêques mènent une fronde contre le gouvernement socialiste à propos de la politique familiale. Le clergé espagnol cache à peine ses tentatives de rapprochement avec le parti d’opposition, le Parti populaire (PP), à quelques semaines seulement des élections législatives du 9 mars.» El Periódico de Catalunya, un quotidien catalan, rappelle en effet que «Sans le citer nommément, mais de manière claire et nette, les évêques ont appelé les croyants [dans une lettre rendue publique le 1er février] à ne pas voter pour le Parti socialiste (PSOE) lors des élections du 9 mars. José Luis Rodríguez Zapatero essuyait déjà une litanie de reproches concernant la législation sur le mariage gay, l’instauration de l’éducation civique obligatoire ou la loi sur la mémoire historique, mais les prélats viennent d’ajouter un nouveau grief: la négociation avec ETA.» En Italie, L’Eglise renforce son emprise sur la politique grâce à un ensemble d’associations militantes qui font pression sur tous les partis, explique l’hebdomadaire L'Espresso. «C’est le cardinal Camillo Ruini, président de la Conférence épiscopale italienne (CEI), qui a rénové les modalités d’action politique de l’Eglise italienne. Pour les lois en cours d’élaboration, la CEI est dotée depuis une douzaine d’années d’une machine extrêmement efficace : l’Observatoire juridique et législatif. Dirigé par le Pr Venerando Marano et composé de juristes experts dans les domaines concernés, il suit en temps réel ce qui se passe au Parlement, à la Cour constitutionnelle, à la Cour de cassation, au Conseil d’Etat, à la Cour des comptes, dans les administrations régionales, prêt à argumenter et à analyser à chaque instant toutes les questions qui intéressent l’Eglise. Ainsi, les batailles qui ont abouti à l’enterrement des projets de loi sur les unions de fait ont bénéficié de l’appui déterminant de l’Observatoire juridique et législatif. Aucun parti politique ne peut se prévaloir d’une capacité de pression comparable.» Mais le clergé n’est pas le seul à enfreindre les limites entre foi et politique. Le président français Nicolas Sarkozy a multiplié les critiques la laïcité française, un principe dont le président français doit pourtant être le gardien du fait de sa fonction. Il déclarait ainsi le 20 décembre au Vatican. «[…] la morale laïque risque toujours de s’épuiser quand elle n’est pas adossée à une espérance qui comble l’aspiration de l’homme à l’infini. […]Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur, même s’il est important qu’il s’en approche, parce qu’il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement porté par l’espérance.» Le quotidien espagnol El Pais qui cite ces propos rappelle la nécessité de la laïcité. «L’alibi religieux n’est pas un argument pour échapper aux lois démocratiques. Et, cependant, la liberté d’expression et de croyance est un principe fondamental de l’Etat démocratique. C’est pourquoi il ne doit pas intervenir dans les idées religieuses. C’est cette nette répartition des rôles qu’une nouvelle sainte alliance de la droite et de l’autel voudrait remettre en cause en Europe.» Marc-Olivier Bherer 07/02/2008 16h47 http://www2.canoe.com/infos/international/archives/2008/02/20080207-164705.html