La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a rendu le 22 juillet son rapport d’activité. Il pointe une augmentation inédite des signalements.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) n’a jamais autant été sollicitée. « Avec plus de 3 000 saisines enregistrées en 2020, les besoins exprimés par le public n’ont jamais été aussi soutenus depuis la création de la mission interministérielle en 2002 », souligne son rapport d’activité 2018-2020 (PDF), publié jeudi 22 juillet.
Entre-temps, la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 en France a notamment pesé sur le nombre de saisines de l’organisme, désormais placé sous la responsabilité de la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Voici quatre chiffres à retenir du dernier rapport, qui a pour objectif de « défendre l’intégrité des individus en reconnaissant les effets délétères du phénomène sectaire sur l’entourage des victimes, et particulièrement les enfants ».
Entre mars et décembre 2020, 120 signalements liés à la crise sanitaire
Le rapport met en avant plus de 120 signalements liés à la pandémie de Covid-19, entre les mois de mars et décembre 2020, marqués par deux confinements en France et un couvre-feu sur tout le territoire national. Elles ont représenté 38% des demandes adressées à la mission interministérielle. La période de crise sanitaire est propice à l’anxiété et au recours à des formes de médecines alternatives parfois dangereuses. « Chacun peut se faire sa religion sur-mesure en fonction de ses craintes, regrette auprès de franceinfo Didier Pachoud, président du groupe d’Etudes des mouvements de pensée en vue de la protection de l’individu (Gemppi), qui fait partie des associations de la Miviludes. Internet est une sorte de supermarché qui offre des solutions pour les gens qui ont peur de la période ».
L’association, qui reçoit environ 1 200 saisines par an, est de plus en plus sollicitée. « Nous sommes débordés de gens qui nous disent qu’ils se sont mis entre les mains de thérapeutes gourous qui font d’eux des patiens adeptes. » La crise sanitaire a donné de nouveaux arguments aux mouvements et personnalités qui « s’opposent à la médecine scientifique », d’après le document. « Ces gens-là disent avoir la solution et comment ne pas tomber malade ou comment se soigner dans certains cas, explique Didier Pachoud. C’est rassurant de voir ces discours fermes et assurés, en opposition au discours scientifique qui s’élabore sur des années après maintes confrontations. Le rapport souligne malgré tout qu’il n’y a pas eu de « hausse massive des signalements » à la justice.
Un total de 3 008 saisines en 2020
Une saisine correspond à un appel à l’une des associations qui travaillent avec la Miviludes ou directement sur le site dédié. La mission interministérielle a été saisie de 3 008 signalements au cours de l’année 2020, dont 686 urgentes. Ces dernières représentaient « un risque immédiat d’ordre public ou de sécurité pour les personnes ». C’est une augmentation de près de 40% par rapport à l’année 2015 et de 7,2% par rapport à l’année 2019.
Seulement 16 signalements à la justice
Entre 2018 et 2020, la Miviludes n’a notifié la justice qu’à 16 reprises. Ce faible nombre de signalements s’explique par les difficultés à convaincre les victimes ou le manque d’éléments concrets. « Il faut des preuves pour faire des signalements, souligne Didier Pachoud. J’ai rencontré il y a peu de temps la famille d’une femme qui n’a pas soigné son cancer à cause d’un chamane et d’une naturopathe. Elle en est morte mais la famille n’a pas pu porter plainte car il n’y avait aucun écrit. » Il en est de même pour les pertes financières, qui peuvent difficilement entraîner une plainte. « Les charlatans peuvent vous soutirer 100 ou 200 euros tous les mois pendant plusieurs années, ce qui n’est parfois pas loin des tarifs de spécialistes. »
Une autre raison qui explique le peu de signalements est tout simplement l’absence de plaignants. « Tant que les gens ne portent pas plainte, les proches ne peuvent pas le faire pour eux », développe le président du Gemppi.
En 2020, 600 saisines impliquant des mineurs
« La Miviludes a enregistré en 2020 plus de 600 saisines impliquant directement des mineurs », écrit le rapport. Parmi les craintes du rapport, celles concernant les écoles hors contrat. « Ce sont des écoles où on ne peut pas avoir de contrôles de l’Education nationale et où on peut apprendre n’importe quoi aux enfants dès le plus jeune âge », alerte Christine Rose, spécialisée dans les questions d’éducation au sein du Gemppi. Le document de la mission interministérielle souligne également « la multiplication des propositions de bien-être et de développement personnel pour les 4-15 ans, sous couvert desquels s’infiltrent des structures aux théories et aux pratiques inquiétantes ».
« Il y a certaines écoles qui proposent un vrai endoctrinement, de très jeunes, dans leur établissement, où il peut y avoir des carences alimentaires dans les cantines ». « Dès qu’il y a des régimes alimentaires qui proposent des jeûnes pendant huit jours, ce n’est pas très bien admis par le corps, surtout pour les enfants ». Pour lutter face à ces phénomènes, Marlène Schiappa avait annoncé en avril dernier sur l’antenne de franceinfo que les missions de la Miviludes allaient être « renforcées ».