Publié le mardi 26 février 2008 à 16h39 – Raphaël Tassart
{Le procès en appel s’est tenu en février 2008. L’arrête est tombé un an plus tard, ce 17 février 2009 et a totalement blanchi le docteur Gérard Guéniot}
{{[ARCHIVES] Qui est Gérard Guéniot ? Ce que les colonnes faits divers et justice en montrent : « un gourou en blouse blanche » comme le titrait sans ambages encore cette semaine le magazine Marianne ? Ou bien un homéopathe pris pour cible par les « combattants » de l’ADFI (association de défense des familles et de l’individu) dans leur lutte contre les mouvements sectaires ? Deux ans après la condamnation en première instance du médecin pour non assistance à personne en danger, on se repose la question ces jours-ci en cour d’appel de Douai.}}
{{Un homme, deux visages}}
Le médecin homéopathe Gérard Guéniot continue de traîner derrière lui deux images et deux réputations diamétralement opposées. La première, la moins commentée dans la presse, est celle d’un praticien qui fut en son temps – les années 90 – l’un des homéopathes les plus prisés du pays. L’autre, qui détruit la première, veut en faire le gourou d’un mouvement pour le moins ésotérique, un druide en blouse blanche qui agirait dans un secret mille fois brisé pour le compte du Graal, association un moment répertoriée comme secte (cf rapport parlementaire de 1996 plusieurs fois contesté et aujourd’hui rangé dans un placard).
Avec plus de dix ans de procédure, un dossier de d’instruction hermétique comme une passoire, et des procès sans fin ni fond incapables de tirer le vrai du faux pour coller une bonne fois pour toutes sur le cv du toubib « coupable » ou « innocent ». On sait juste qu’au milieu de cette effervescence de soupçons et d’accusations – Gérard Guéniot parle plutôt pour sa part de « procès en sorcellerie » – il y a l’affaire Marsaleix. C’est le fil conducteur qui continue de dresser l’ADFI et ses « clients » contre Guéniot et inversement Guéniot et ses fidèles patients contre l’ADFI.
{{Rappel : l’affaire Marsaleix c’est quoi ?}}
C’est celle qu’on rejuge cette semaine en appel à Douai et qui a valu en première instance à Gérard Guéniot (seul accusé à avoir interjeté appel du jugement) de la prison avec sursis + une interdiction définitive d’exercer la médecine (A noter que l’appel étant suspensif, Gérard Guéniot a repris symboliquement du service depuis en apposant à nouveau sa plaque dorée de médecin sur le mur d’un cabinet à Tourcoing).
Les faits sont de 1996. Evelyne Marsaleix, jeune et jolie femme originaire de la région parisienne, apprend subitement qu’elle est atteinte par un cancer du sein. Elle voit, un peu tard, des spécialistes à plusieurs reprises, se rend à l’institut Gustave-Roussy de Villejuif, mais d’une certaine façon se refuse d’abord à une cruelle évidence : la chimiothérapie est bel et bien le seul remède. Elle cherche des solutions, pense aux médecines alternatives et atterrit par l’intermédiaire d’une de ses meilleures amies, Catherine Ohl, chez le docteur homéopathe Saint-Omer à Tourcoing. Un an et demi plus tard, Evelyne Marsaleix se retrouve avec une tumeur qui a plus que doublé de volume en train de suivre un jeûne (naturellement très contre-indiqué dans son état) chez le couple des Ohl, parents de son amie.
Quelques mois encore et la jeune femme meurt dans des conditions pour le moins atroces. Que s’est-il passé entre deux ? La jeune femme s’en expliquera, juste avant de mourir. Selon elle, elle a été la victime d’un piège tendu par les membres d’une secte appelée Graal et à laquelle appartenait, toujours selon ses déclarations, les Ohl (qui l’auraient littéralement séquestrée et poussée au jeûne), le docteur Saint-Omer et enfin le docteur Gérard Guéniot présenté comme le grand gourou de la communauté. Ces spécialistes lui auraient romis la guérison. Pas de traitement lourd, seulement des plantes : bref le remède idéal pour une femme qui ne voulait au départ pas attendre parler de chimiothérapie. Voilà le procès tout trouvé pour une affaire de « druides en blouse blanche » comme on le retrouvera souvent formulé dans les divers articles de presse, y compris Nord éclair. Sauf que Gérard Guéniot ne verra qu’une seule fois Evelyne Marsaleix et ce, selon lui, pour lui dire de retourner voir son cancérologue, un certain Dr Coscas avec qui Gérard Guéniot a d’ailleurs l’habitude de travailler. Dans le dossier d’instruction, on retrouve ce même constat :
Evelyne Marsaleix et Gérard Guéniot ne se sont quasiment jamais entretenus tout le temps qu’a duré la descente aux enfers de la cancéreuse.
La thèse de l’accusé Guéniot est d’évoquer une sorte de complot monté par la victime approchée juste avant sa mort par l’ADFI et destiné à reporter les éventuels manquements de suivi médical de l’institut Gustave-Roussy (clairement visé ici le Dr Coscas qui doit venir témoigner ce mercredi en appel et contre qui l’accusé a d’ailleurs porté plainte devant le conseil de l’Ordre). Pour Gérard Guéniot, tout est là. Une malade qui refuse de se soigner par voie classique et qui se trouve des chemins alternatifs toute seule (elle ira notamment voir une sorte d’hygiéniste, M.Mérien, un peu illuminé lui aussi et partisan sous certaines conditions de la pratique de jeûne comme acte d’épuration). Plus, des cancérologues qui négligent un dossier médical et ne parviennent pas à ramener à la raison (c’est-à-dire à la chimio) une jeune femme terrassée par l’annonce de son cancer.
La version de Gérard Guéniot n’a jusqu’ici jamais convaincu, ni la famille de la défunte, ni l’ADFI en guerre contre le mouvement du Graal auquel il a à un moment appartenu, ni les juges qui l’ont condamné en septembre 2006 à Lille à une interdiction définitive d’exercice de la médecine ainsi qu’une peine de deux ans de prison avec sursis.
{{Pourquoi le mystère Guéniot ?}}
Gérard Guéniot défend donc l’idée qu’il est le gourou inventé-imposé qui manquait au dossier « secte dangereuse » que l’ADFI, dans son esprit véritable secte anti-sectes, voulait à tout prix monter. Il refuse de jouer les druides hallucinés, les guérisseurs modernes… Sauf qu’il a contre lui un passé d’auteur d’écrits édités pour la Graal sous le pseudo de Louis d’Asté. Ce qui n’aurait rien de bien compromettant si le Graal n’avait été classé par le rapport parlementaire de 1996 comme mouvement sectaire. Rapport dont la pertinence et la réelle objectivité a il est vrai depuis été discuté. Il a contre lui une émission Droit de savoir diffusée en 1996 puis remis à jour dans une nouvelle mouture en 2007 dans laquelle on l’entend donner des conférences et tenir un discours disons un rien sibyllin pour le premier cartésien venu. Des histoires d’équilibres en énergies, des réflexions sur les mécanismes cachés du corps, bref le genre de théories ou concepts qu’on retrouve à foison dans la littérature orientaliste. Réincarnation hybride d’une nouvelle « new age » ? On est en réalité plus dans le domaine du philosophique et du spirituel que dans le domaine médical.
C’est tout le problème. Gérard Guéniot est accusé d’avoir mélangé ses convictions et sa pratique de médecin. Evelyne Marsaleix dira qu’elle avait le sentiment de devenir une sorte de sacrifiée à la cause graalienne, un corps à donner pour une réincarnation destinée à faire progresser cette conscience spirituelle. Ses proches martèleront : « ils se sont servis d’elle, les monstres ». Gérard Guéniot parle alors de procès en sorcellerie et assure qu’on déforme dans un premier temps les fondements qui assoient le dit mouvement du Graal dont il ne fait d’ailleurs plus partie et dans un second temps qu’il n’a jamais imposé à ses patients dans son cabinet le fruit de ses réflexions spirituelles et personnelles.
Mais là encore, les clichés accrochés aux sectes reviennent. A chaque procès ou disons impair judiciaire que connaît le Dr Guéniot, s’en suit un mouvement de soutien assez considérable de ses patients ou anciens patients. Quand Gérard Guéniot est écroué en Belgique (où il est aujourd’hui installé comme conseiller en médecines naturelles à Tournai) pour une affaire d’escroquerie (pas encore jugée), c’est une souscription dans le groupe de soutien qui permettra selon le procureur du roi au Parquet de Nivelles (B) à Gérard Guéniot de payer la caution pour sa remise en liberté. Vu de l’ADFI, le tableau est limpide (trop ?) et c’est clair : c’est une secte avec des disciples qui défendent embrigadés leur gourou.
Vu de l’autre côté, c’est la défense d’un innocent.
{{L’appel, bis repitita ?}}
A priori, non. Car pour la première fois, certaines fragilités dans le dossier d’instruction sont en train d’apparaître. Et comme nous l’évoquions déjà dans les colonnes de Nord éclair en juin 2006 lors du procès au TGI de Lille, des scellés ont disparu. La cour d’appel de Douai a donc ce mardi été contrainte de reconnaître la disparition et donc la non validité partielle de documents dont on ne plus produire le contenu. On sait qu’ils ont existé, mais on ne sait plus vraiment ce qu’il y a dedans. Or c’est bien sur ces scellés que reposaient une bonne partie des arguments en défaveur du Dr Guéniot.
Certains documents s’évanouissent dans la nature donc, et d’autres refont surface ? Les conseils de l’accusé ont hier obtenu l’ouverture d’autres scellés.
Ils seront produits au cours des débats mais on croit savoir qu’ils contiennent tout le dossier médical d’Evelyne Marsaleix. « On pourrait y trouver des choses intéressantes » estime Me Jacquot qui espère bien révéler avec ces pièces la non-implication totale de son client dans le suivi médical d’Evelyne Marsaleix. « Pfff, un écran de fumée ridicule », récuse Me Denis Lequai pour les parties civiles. A suivre donc.
{{Agitations}}
Agitations avec en début d’audience ce mardi à Douai des querelles dignes de la cour d’école, un jeu de provocs bien senti pour faire monter la pression. Guéniot qui menace un journaliste de TF1 et une proche d’Evelyne Marsaleix qui dessine sur sa gorge à l’intention d’une stagiaire avocate de la défense le geste du couteau qui tranche. Petites insultes, » vous les journalistes, vous mentez ! Il n’y a pas de secte « … Et de l’autre côté » les avocats de Guéniot sont tous scientologues « … C’est peut-être là un non-problème, mais le président de la cour fait, dans un souci de méthode assez éprouvant, prendre acte de tout.
NordEclair