Le procès d’un homme aux prétendus dons de magnétiseur s’est tenu hier à Libourne. Jugé pour abus de faiblesse et agressions sexuelles, il a été condamné à quatre ans de prison ferme.
Du temps de sa splendeur, il portait les cheveux longs, un grand manteau de cuir noir et des bagues, un costume qui lui conférait un air mystérieux et provoquait fascination et crainte parmi ses ouailles. Pour elles, il était Florenzo Giovianni, homme tout-puissant qui, selon sa légende personnelle, aurait hérité d’un don de magnétiseur que Papa Gino, son père décédé en 2001, lui aurait transmis sur son lit de mort.
Hier, devant le tribunal correctionnel de Libourne (Gironde), le personnage romanesque avait cédé la place à un homme nerveux : Philippe Lamy, 41 ans, titulaire d’un BEP en menuiserie, plusieurs fois condamné et jugé hier pour abus de faiblesse et agressions sexuelles sur trois femmes. Son acolyte, un ostéopathe grâce à qui il écoulait des gélules prétendument magnétisées, était comme lui poursuivi pour exercice illégal de la médecine.
{{Tour de passe-passe avec une capsule de faux sang}}
Toute la journée, ses victimes ont fait le récit d’une mise sous emprise aussi rapide qu’édifiante grâce à un discours ésotérique, distillé auprès de femmes fragilisées par une dépression, une rupture ou même, pour l’une d’elles, un cancer. « En trois jours », raconte cette dernière, la jeune femme abandonne un traitement crucial pour sa santé, renonce à ses médicaments au profit des gélules, puis met en vente sa maison, rompant avec sa famille et se plaçant sous les ordres de Florenzo. Elle s’installe alors avec lui chez Guy, l’ostéopathe tombé en fascination après que Florenzo a « désenvoûté » son cabinet en ayant fait apparaître du sang de poulet sur sa plaque professionnelle. Un tour de magie — sans doute une capsule de faux sang achetée dans un magasin de farces et attrapes — qui suffira à emporter la conviction de cet homme, déjà impressionné par la « puissance sexuelle » de Florenzo, alias Félin sensuel, rencontré via un site échangiste.
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Pendant trois mois, le thérapeute et la jeune femme se mettent au service de leur gourou. Privés de sommeil et soumis à un régime strict, ils se réveillent la nuit pour lui faire à manger et regarder avec lui la retransmission de « Plus belle la vie »… son programme préféré. Vient ensuite pour la jeune femme le moment de se farder, d’enfiler jupe sexy et bas résille pour assouvir les fantasmes de Philippe Lamy.
{{Humiliations et séances sadomasochistes}}
Un même scénario fétichiste répété avec trois femmes. L’une d’elles, qui a vécu deux ans avec Philippe Lamy, raconte avec douleur son emprise. Secouée de sanglots, celle qui est allée jusqu’à se faire refaire la poitrine et tatouer «Flo pour la vie» sur la fesse, décrit d’invraisemblables séances sadomasochistes tout entières dédiées au plaisir de Philippe Lamy. L’expert psychologue qui l’a examinée parlera d’elle comme d’une femme transformée en « objet de consommation », en « outil à plaisir », et réduite, in fine, à l’état de « cadavre psychologique ».
« C’est très dur d’être sous l’emprise de quelqu’un, il faut le vivre, on ne peut pas l’expliquer », pleure-t-elle à la barre. En 2013, elle a fait une tentative de suicide et a longtemps refusé de porter plainte. « Je me disais : Qui va me croire ? »
Philippe Lamy, lui, se contente de crier au complot. « Ils veulent me nuire mais j’ignore pourquoi. J’ai assouvi leurs fantasmes, et ça se retourne contre moi », ose-t-il même, justifiant une scène d’exhibitionnisme imposée à l’une des jeunes femmes, contrainte à faire l’amour sur une aire d’autoroute puis à masturber un inconnu. Prenant en photo une autre victime dans une position dégradante, il justifie : « Regardez le cliché, elle a le sourire, elle est épanouie. » La présidente tousse. « Depuis ce matin, vous nous parlez de complot, mais c’est alors tout Libourne qui complote ? »
Hier soir, le gourou a été condamné à quatre ans de prison ferme et écroué. Son coprévenu, l’ostéopathe qui avait répété avoir été lui-même sous emprise, a finalement été relaxé.
« Sud Ouest »
envoyée spéciale Louise Colcombet À Libourne (gironde)