Shin Ok-ju a été condamnée à six ans de prison pour «violence, maltraitance infantile et fraude», sur des adeptes qu’elle a poussée à l’exil aux Îles Fidji. «Les victimes ont été torturées et ont subi des violences groupées», a statué un tribunal sud-coréen.
Elle avait forcé un fils à porter 200 coups à son père pour que ce dernier puisse «expier ses démons». Shin Ok-ju, cheffe de «l’Église de la Voie de la Grâce», a été condamnée ce lundi à six ans de prison ferme par la justice coréenne pour des faits de «violences, maltraitance infantile et fraude», aux côtés de trois autres membres de l’organisation. «Il est nécessaire d’appliquer une lourde peine contre de tels actes illégaux, tous commis au nom de la religion», a estimé le tribunal régional de Suwon, cité par The Independent . Et de continuer: «Les victimes ont été torturées et ont subi des violences groupées. Elles ont également souffert de traumatismes psychologiques considérables».
Seoyeon Lee, qui s’est échappée de la secte en 2014, a confié à la BBC être «déçue» de la peine prononcée: «La sentence n’est pas du tout à la hauteur du crime. (Shin Ok-ju) devrait rester derrière les barreaux beaucoup plus longtemps». Mais «j’imagine que c’est mieux que rien», a-t-elle ajouté. «J’espère que la peine poussera le gouvernement fidjien à prendre les mesures qui s’imposent et à se dissocier complètement de cette organisation».
Exil forcé aux îles Fidji
En 2014, Shin Ok-ju a convaincu des centaines de fidèles de s’exiler aux îles Fidji, sur un territoire qu’elle avait loué, en prophétisant une famine qui s’abattrait sur la péninsule coréenne et qui entraînerait sa destruction. Pour y échapper et se préparer au «retour de Jésus-Christ», certains ont abandonné leurs métiers, d’autres leurs familles. «Nous pensions que seuls quelques élus avaient été choisis pour aller aux îles Fidji, donc je ne pouvais pas refuser quand (Shin Ok-ju) m’a proposé», avait déclaré un ancien membre du culte à CNN en 2018.
Mais à leur arrivée, les croyants ont été privés de leurs passeports, puis forcés à travailler dans un camp fermé d’une trentaine d’hectares. Toute fuite était prohibée et des «gardiens» contrôlaient toutes les entrées et sorties. «Nous étions sujets, tous les jours, à 14 heures de travail, de surveillance, de punitions et de violences groupées», a expliqué au média américain un ancien adepte qui a fui l’organisation. «Shin Ok-ju est la cheffe d’une secte et l’Église de la Voie de la Grâce est une secte», a indiqué à CNN Lee Soon-deok, qui a également quitté le groupe. «Elle raconte qu’elle est la seule sur qui on peut compter, et qu’on ne peut être sauvé que par elle. Shin est une femme démoniaque». Les membres de l’Église «subissent un lavage de cerveau», estime auprès du média américain Song, un autre ex-adepte. «Pour eux, le seul moyen de faire fuir un esprit démoniaque du corps d’une personne, c’est de frapper cette personne», continue-t-il.
De multiples témoignages que le fils de Shin Ok-ju, Daniel Kim, a formellement démentis auprès de CNN en octobre 2018: «Ils ne disent pas la vérité. Ils ne font que raconter une histoire». À l’annonce de la sentence, plusieurs adeptes de l’Église, présents au tribunal de Suwon, ont fait savoir leur mécontentement. «C’est outrant! Dites (aux victimes) d’arrêter de mentir!», a crié l’une des membres.
Un fils a pourtant été forcé à porter une centaine de coups à son père, devant les autres membres de l’Église, rapporte le South China Morning Post . Un adepte a également été frappé 600 fois, ce qui aurait provoqué sa mort à la suite de graves lésions cérébrales, informe l’agence de presse japonaise Jiji. Une vidéo, relayée par le Guardian, montre aussi Shin Ok-ju porter des coups à un jeune membre.
L’Église de la Voie de la Grâce, une entreprise florissante
L’organisation a créé un groupe financier impressionnant, le Grace Road Group, responsable de l’ouverture d’une chaîne de restaurant aux îles Fidji et d’une entreprise de BTP. Le GR Group a d’ailleurs gagné un prix pour son activité de riziculture, rapporte le South China Morning Post, et a également contribué à la reconstruction de bâtiments détruits par le cyclone Winston, en 2016.
L’Église de la Voie de la Grâce a également ouvert un site web. Nous «sommes un groupe de Chrétiens qui voit, entend, croit et agit en se fondant sur la Bible», peut-on y lire. «Nous écoutons les paroles de Dieu par l’intermédiaire de notre révérend (…) Nous croyons que les îles Fidji sont les terres promises» comme écrit «dans la Bible. Nous sommes venus pour faire des îles Fidji la lumière du monde, et pour faire en sorte que les paroles de Dieu deviennent réalité».
Il resterait 400 adeptes de l’Église de la Voie de la Grâce aux Îles Fidji. Environ 200 personnes auraient fui les lieux ou seraient «parties volontairement», comme le raconte Daniel Kim à CNN. Pour rappel, de nombreuses organisations religieuses considérées comme des sectes sont présentes en Corée du Sud, comme la World Mission Society Church of God, qui avait prédit la fin du monde le 31 décembre 1999, ou Schincheonji, qui explique que son fondateur a porté les habits de Jésus-Christ. 50 millions de Sud-Coréens s’identifient au catholicisme ou au protestantisme.
source :