« Je n’ai pas voulu inventer une religion. J’ai voulu essayer d’expliquer de façon différente les religions qui ont existé. J’ai voulu les exprimer toutes. » Georges Lucas, le créateur de Star Wars, assume parfaitement la dimension religieuse de sa saga, qu’il a évoquée à de nombreuses reprises.
De parents méthodistes, mais élevé par une gouvernante luthérienne, et lui-même agnostique, George Lucas a emprunté à toutes les religions et toutes les spiritualités possibles : monothéismes, spiritualités orientales, et aussi chamanisme indien et mythologies antiques. Cette dimension religieuse, ou spirituelle, repose sur le concept de la Force, invention qui a largement contribué à la constitution du mythe Star Wars.
{{Qu’est-ce que la Force ?}}
Dans le film, la Force est à la fois un principe de vie et un champ d’énergie, présent dans toute chose et tout être vivant, les reliant tous entre eux et assurant ainsi l’harmonie et la stabilité de l’univers. Cette idée d’un « grand tout » unifié par une même énergie emprunte au bouddhisme, mais aussi aux sagesses grecques présocratiques : le « Tout est dans tout » d’Anaxagore ou le « Tout est eau » de Thalès.
{{Les Jedis sont-ils des moines comme les autres ?}}
Capables de percevoir et d’utiliser la Force, les Jedis forment une confrérie dirigée par le Conseil, qui siège dans le « Temple Jedi », dont la principale mission est de garantir l’ordre et la paix dans la galaxie. Si leur art spectaculaire du combat au sabre laser rappelle les samouraïs japonais, ils sont par bien des aspects comparables à des moines chrétiens. Ils font vœu de chasteté et sont dévoués à la Force et au service des autres. Les chevaliers de la table ronde ne sont pas loin.
Quant à leur tenue, comment ne pas voir dans leurs amples robes brunes, un écho à la robe de bure franciscaine ? Certains commentateurs se sont même risqués à comparer le maître Jedi Yoda, créature tout en sagesse vivant un humble exil dans la forêt, à François d’Assise lui-même !
Il existe en revanche des différences fondamentales entre le culte rendu à la Force par les Jedis et la foi chrétienne. Toute forme d’attachement et d’émotion est proscrite, étant systématiquement considérée comme le chemin qui mène au « côté obscur », c’est-à-dire un usage maléfique de la Force. Les futurs Jedis sont d’ailleurs retirés à leurs parents dès l’enfance.
Ce culte est par ailleurs fondé sur un déterminisme biologique fondamental, et s’oppose en cela à l’universalisme chrétien. En effet, les capacités de perception et de maîtrise de la Force des Jedis, si elles se développent au cours d’un long apprentissage, ne s’acquièrent pas : elles sont biologiquement déterminées. Il n’y a donc dans cette « religion », ni conversion, ni initiation possible. Les films ne disent d’ailleurs rien, ou presque, du rapport à la Force qu’entretiennent les personnages autres que les Jedis ou les adeptes du « côté obscur ».
{{ Jedis et Siths, une opposition pas si binaire}}
D’un côté, des Jedis amicaux et pleins d’humour, défendant la démocratie et les innocents en maniant des sabres lasers bleus et verts. De l’autre, les seigneurs Siths, disciples du côté obscur : un empereur Palpatine au visage repoussant caché sous une capuche et un Dark Vador dont l’humanité a disparu derrière le mythique masque, tout de noir vêtu et imposant un Empire malfaisant à coups de sabres rouges. Inutile de chercher d’où viennent les critiques qui ont longtemps qualifié la saga de « manichéenne »…
Et pourtant, la trilogie la plus récente, qui raconte la genèse de Dark Vador, montre une approche tout en nuances du bien et du mal. La transformation d’Anakin Skywalker, jeune Jedi aux capacités sans précédent, en l’un des méchants les plus célèbres de l’histoire du cinéma, n’est pas une chute brutale mais un lent basculement fondé sur les meilleures intentions, de celles qui, paraît-il, pavent les chemins de l’enfer.
{{Tentation et refus de la mort}}
Alors que le jeune Skywalker vit dans la terreur à l’idée que quelque chose puisse arriver à sa femme enceinte, épousée en secret, arrive la figure du tentateur. Dans une scène clé, le sénateur Palpatine, seigneur Sith dissimulé sous les traits d’un politicien vertueux, insinue dans l’esprit d’Anakin l’idée que le côté obscur permet d’apprendre les voies de l’immortalité…
Tournant le dos à la sagesse des Jedis face à la mort (« Réjouis-toi pour ceux qui ont rejoint la Force, ne nourris ni remords, ni regrets », lui conseille Yoda), Anakin Skywalker se laisse séduire par la promesse d’un pouvoir sans limite. La conséquence est en forme de morale : à l’instant où s’achève sa transformation physique en Dark Vador, sa femme meurt en accouchant. « Qui veut sauver sa vie la perdra » : le drame semble raisonner avec cet enseignement du Christ.
Sous des dehors « new age », qui font aussi le « charme » de la saga, Star Wars regorge d’éléments compatibles avec le message chrétien, à commencer par l’inextinguible espérance des Jedis et de leurs alliés, même dans la plus terrible adversité. Au terme des six épisodes, c’est d’ailleurs la rédemption de Dark Vador qui permettra l’anéantissement du côté obscur. Quant à la légendaire formule : « Que la Force soit avec toi », on serait à peine étonné que la réponse soit « et avec ton esprit ».
source : 14/12/15 – 17 H 30 – Mis à jour le 14/12/15 – 17 H 52
Gauthier Vaillant
Propos cités dans « Star Wars décrypté », de Fabrice Labrousse et Francis Schall, Bartillat, 2015, 639 p., 25 €.
http://www.la-croix.com/Religion/Actualite/Pourquoi-les-chretiens-se-retrouvent-dans-Star-Wars-2015-12-14-1392828