Orphelins de Megaupload, téléchargeurs impénitents, une nouvelle religion vous tend les bras. Début janvier, la Suède a officiellement reconnu le kopimisme (dérivé de copy me, autrement dit » copiez-moi » en anglais) en lui accordant le statut d’association cultuelle. Les fidèles de cette communauté missionnaire ne reconnaissent pas de dieu mais défendent que la copie de l’information, au sens large, est sacrée. Pour communier et évangéliser, ils échangent des fichiers. On ne saurait cependant limiter le kopimisme à un détournement potache. Ses fondateurs sont de petits malins. En Suède, où l’on a les idées larges en termes de religion, l’enregistrement d’un nouveau culte se borne à des démarches administratives. Ils se sont donc engouffrés dans la brèche. Depuis ce coup de publicité, les Eglises locales se multiplient comme des petits pains sur le Web. La branche française se résume pour l’instant à quelques préceptes mal traduits mais le nombre de convertis mondiaux est passé en janvier de 3 000 à 5 000.
Le kopimisme (http://kopimistsamfundet.se) est né il y a quelques années d’un pied de nez, raconte sur son blog Peter Sunde, un des fondateurs de l’emblématique site de partage Pirate Bay. L’idée a été reprise par Isak Gerson, 20 ans, étudiant en philosophie à Uppsala, au nord de Stockholm. Le » leader spirituel » compense sa jeunesse et son look très » famille Adams » par un aplomb plus politique que geek. » Tout ce qui nous entoure est amélioré par la copie « , prêche Isak. Son regard pétille comme celui d’un gamin qui a réussi un bon coup mais redevient sérieux quand on aborde l’épineuse question des droits. Du fait des lois suédoises, assez répressives, ses ouailles risquent d’être persécutées.
Le kopimisme ne pousse pas au martyre. » J’explique à ceux qui sont intéressés qu’être membre ne garantit pas une protection juridique « , prévient Isak Gerson, pas naïf pour un octet sur les bienfaits de la reconnaissance de sa foi par l’Etat. Mais alors que le Parti pirate, déclinaison politique de Pirate Bay, fait tranquillement flotter son étendard jusqu’au Parlement européen, pourquoi créer une religion ? » Il faut un travail plus large pour changer les mentalités. J’espère que les gens copieront plus « , soutient-il. » Un jour, l’industrie culturelle abandonnera son combat » contre les pécheurs/copieurs » toujours plus nombreux « , prophétise le jeune homme. Il faut dire qu’il est aisé de prendre son bâton de pèlerin kopimiste : il suffit de s’inscrire en ligne. Le baptême est ensuite à portée de clic.
Source : LE MONDE
http://www.lemonde.fr/m/article/2012/02/03/pour-les-suedois-pirater-c-est-sacre_1637782_1575563.html par Maud Noyon