C’est une initiative qui émane de « chrétiens qui sont aussi des citoyens ». Les forces vives de Témoignage chrétien, magazine issu de la Résistance, demandent la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire « afin de faire toute la transparence sur les crimes de pédophilie et leur dissimulation dans l’Eglise catholique ». Cet appel inédit, couplé à une pétition en ligne, est lancé à l’occasion du retour dans les kiosques, vendredi, sous la forme d’un trimestriel de Témoignage Chrétien. « La chute de la maison catholique ? », s’interroge, en titre de Une, ce numéro d’automne.
Parmi les premiers signataires figurent les avocats Jean-Pierre Mignard et William Bourdon, l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot, le chef d’entreprise Jacques Maillot, la présidente de la Conférence des baptisés Anne Soupa ou encore les fondateurs de l’association de victimes La Parole Libérée, François Devaux et Alexandre Dussot-Hezez.
Des courriels relayant la requête doivent être adressés ce week-end à chacun des présidents de groupe de l’Assemblée nationale comme du Sénat. La démarche est d’ores et déjà soutenue par les sénatrices (PS) Laurence Rossignol et Marie-Pierre de la Gontrie, ainsi que le député (LREM) Jacques Maire. La balle est désormais dans le camp des parlementaires, ce sont eux qui peuvent déposer une demande de création de commission permettant notamment de « recueillir des éléments d’information » sur de grandes questions ayant des « répercussions dans l’opinion publique ».
« On ne peut pas continuer à avoir un scandale tous les trois mois ! »
Cette instance a, pêle-mêle, planché par le passé sur les sectes, le dopage, les tarifs de l’électricité et, ces derniers jours, sur l’affaire Benalla. Pour la première fois, des catholiques engagés en appellent « à la société civile », « à un tiers neutre bienveillant », « à la représentation nationale » pour faire toute la lumière sur « tout un système ». « Pour permettre encore davantage la libération de la parole et briser le silence institutionnel. On ne peut pas continuer à avoir un scandale tous les trois mois ! », martèle Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage Chrétien.
Elle reconnaît que cette proposition « peut aller à rebrousse-poil de notre sentiment de laïcité ». Mais pour justifier l’implication de l’Etat afin de résoudre « un problème qui n’est pas intra-ecclésial », elle rappelle que l’Eglise « n’échappe pas à la loi républicaine », qu’elle « participe à des missions d’intérêt général » et qu’elle « bénéficie, à ce titre, d’aides publiques ou fiscales ». Les crimes pédophiles qui ont été « étouffés » par la hiérarchie catholique constituent également à ses yeux « une atteinte grave à l’ordre public ». « Un désordre généré par le pouvoir du soupçon. Car aujourd’hui, tous les prêtres sont sous la menace d’un soupçon épouvantable », s’inquiète-t-elle.
Reste à savoir si l’Eglise serait prête à coopérer
Pour François Devaux, président de La Parole Libérée, il est urgent qu’un « état des lieux statistique » soit mené par « une autorité incontestable ». « Quel médecin administrerait un traitement à un patient sans avoir fait de diagnostic ? », questionne-t-il. Reste à savoir si l’Eglise serait prête à coopérer, à mettre à disposition par exemple ses archives diocésaines, en particulier celles des tribunaux ecclésiastiques. L’archevêque de Paris, Mgr Aupetit, nous a confié qu’il n’était pas opposé à l’instauration d’une telle commission.
Signataire de l’appel, le prêtre Laurent Lemoine, religieux dominicain et psychanalyste se montre, lui, très favorable à une opération de transparence à grande échelle. « L’Eglise n’a pas d’autres choix que d’affronter la vérité même si elle est terrible. Pour pouvoir entrer dans une nouvelle réalité ecclésiale assainie des scandales, il faut savoir », insiste-t-il.
L’APPEL DE TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN
« Nous demandons la création d’une commission d’enquête parlementaire afin de faire toute la transparence sur les crimes de pédophilie et leur dissimulation dans l’Eglise catholique (…) Aujourd’hui, dans notre pays, l’Eglise catholique se contente de répéter les mots du pape sans prendre d’initiative significative pour rechercher les crimes qui n’auraient pas été dénoncés et surtout leurs causes institutionnelles et structurelles. De fait, nul ne peut être juge et partie ; comment ceux qui ont couvert ces dérives pourraient-il faire ce travail de vérité ? (…) Il nous importe non pas de faire éclater des scandales mais d’en faire cesser un, immense, celui du silence assourdissant de la hiérarchie catholique devant des souffrances qu’elle a, pour l’essentiel, ignorées et cachées pendant trop longtemps. Le retour de la crédibilité est à ce prix. »