La Commission indépendante sur les Abus sexuels dans l’Eglise (CIASE), créée à l’automne dernier à la demande de l’épiscopat français, a lancé le 3 juin un « appel à témoignages », qui passe notamment par une plateforme téléphonique d’écoute des victimes.
Depuis ce lancement, « nous avons reçu 2 000 appels téléphoniques, mails et courriers », a affirmé Jean-Marc Sauvé. « 650 ont accepté de répondre à un questionnaire détaillé [questionnaire pour mineur au moment des faits ou questionnaire pour adulte dit “vulnérable “], de manière très complète.
« Seize victimes ou témoins d’abus ont déjà été entendus par la Commission », a-t-il poursuivi. En outre, « une quinzaine de signalements vont être faits aux parquets, pour des faits non encore jugés et manifestement pas prescrits ».
« Nous avons été très surpris par l’afflux des tout premiers jours », commente-t-il, ajoutant être également « impressionné par la disposition des victimes à raconter leur histoire ».
« L’ensemble de ces témoignages révèle beaucoup de souffrances et une grande détresse. »
« Ils ne laissent guère de doute sur la gravité et l’authenticité de ce qui s’est passé et sur les conséquences à long terme de ces abus », ajoute l’ancien vice-président du Conseil d’Etat.
Sur l’ensemble des personnes s’étant manifestées, une « très grande majorité a plus de 50 ans, deux tiers sont des hommes ». Le territoire national est représenté, avec une prééminence des « métropoles et départements fortement urbanisés (Paris, Lyon, Marseille, le Nord) » et « beaucoup de témoignages des départements de l’Ouest », une zone marquée historiquement par l’influence de l’Eglise catholique.
« Beaucoup de victimes n’ont pas forcément rompu avec l’Eglise catholique, mais il y a un sentiment de trahison de l’enseignement de l’Eglise et de l’Evangile », a-t-il encore souligné.
Tour de France
« Si nous recevons beaucoup d’appels, nous avons cependant la conviction que beaucoup de victimes en détresse n’ont pas encore osé parler », affirme Jean-Marc Sauvé, qui veut « libérer la parole » et va entreprendre « un tour de France », à l’automne, afin de faire connaître auprès du public, des paroisses, ou encore des médias la démarche et le travail de sa Commission.
En outre « plusieurs témoignages oraux et des extraits de témoignages écrits seront prochainement rendus publics sur le site de la CIASE pour faire comprendre la douloureuse réalité des abus », ajoute son président.
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L’appel à témoignages (numéro de téléphone 01-80-52-33-55) doit encore durer jusqu’à juin 2020. La CIASE, composée de 22 membres, doit, elle, rendre ses conclusions fin 2020. Elle dispose d’un budget de fonctionnement de 3 à 3,5 millions d’euros, deux tiers étant à la charge des évêques et un tiers des congrégations religieuses.
Par ailleurs, un travail de recensement des archives a été lancé, notamment auprès des archives ecclésiastiques. A ce stade « nous avons les réponses [à un questionnaire, NDLR] de 20 diocèses, 26 congrégations féminines et 24 congrégations masculines », a dit Jean-Marc Sauvé. Ce recensement sera ensuite approfondi. « Pour être en règle au regard du droit canonique, nous avons introduit au Saint-Siège une demande d’”indult”, c’est-à-dire de dérogation pour accéder aux archives les plus secrètes », explique Jean-Marc Sauvé.
Des initiatives pour explorer les archives centrales de l’Eglise (l’Entraide sacerdotale), les archives civiles, départementales, et de la presse ont aussi été lancées.
Des contrats de recherche avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’Ecole pratique des hautes études et la Maison des sciences de l’homme ont été passés pour exploiter toutes les données recueillies et mener des auditions approfondies.
L’Eglise catholique à travers le monde est en pleine tourmente avec les révélations successives sur des scandales d’agressions à caractère pédophile commises pendant des décennies par des religieux et souvent étouffés par leur hiérarchie.
source :
Par L’Obs