Insatisfaits de l’entente conclue en 2001 avec le gouvernement du Québec, les orphelins de Duplessis récidivent. Ils viennent de déposer un recours collectif contre le gouvernement fédéral, le gouvernement provincial et sept congrégations religieuses, soit les Soeurs de la providence, les Soeurs de la miséricorde, les Soeurs grises, les Petites Franciscaines de Marie, les Soeurs du bon-pasteur, les Soeurs de Notre-Dame et les Clercs de Saint-Viateur.
Un texte de Catherine Kovacs
Les orphelins de Duplessis réclament 875 000 $ par plaignant, pour les sévices physiques et psychologiques qu’ils ont subis pendant des années. L’avocat Alan Stein les représente. Cet avocat est connu notamment pour avoir gagné sa cause en faveur des victimes du docteur Ewan Cameron à l’Hôpital Royal Victoria.
À la fin des années 1950, le docteur Cameron a fait subir une série d’expériences de lavage de cerveau à des patients montréalais dans le cadre d’études financées par le gouvernement fédéral et la CIA.
Selon l’avis de l’avocat Stein, le cas des orphelins de Duplessis est pire. Il explique qu’on a fait des expériences sur ces enfants : électrochocs, isolement, agressions sexuelles, injection de médicaments très forts. « Ils ont été utilisés comme cobayes », précise-t-il. Il a recueilli des témoignages de plusieurs victimes, puisque dans bien des cas les dossiers médicaux ont disparu ou ont tout simplement été détruits.
Cette partie sombre de l’histoire du Québec s’est déroulée entre 1940 et 1970. Des milliers d’enfants abandonnés se sont ainsi retrouvés dans différents instituts au Québec, comme le Mont-Providence, l’Hôpital Saint-Julien à Saint-Ferdinand d’Halifax, l’Institut Doréa, l’Hôpital Sainte-Anne à Baie-Saint-Paul et l’orphelinat Notre-Dame à Huberdeau. Ces orphelins étaient déclarés malades mentaux, c’était la façon d’obtenir plus d’argent du gouvernement fédéral, soit 2,25 $ par enfant.
Marc Boudreau ne s’en est pas remis. Ballotté d’un institut à l’autre depuis sa naissance, c’est lui qui représente les orphelins de Duplessis dans ce recours collectif. « J’ai été maltraité dans tous les endroits », précise-t-il.
« Ils faisaient des expériences sur nous, on était des innocents envoyés à l’abattoir. » Camisole de force, isoloir, agressions sexuelles, il a même perdu l’usage d’un oeil. Après toutes ces années, Marc Boudreau qui vit de l’aide sociale précise qu’il fait des cauchemars, qu’il a peur et pleure tous les soirs. « Je suis malheureux. »
Rod Vienneau est celui qui a ravivé la flamme il y a 25 ans, lorsqu’il a appris que sa propre femme, Claire Duguay, avait subi le même sort. À la mort de la mère de celle-ci, son père a été obligé de la placer. Elle s’est retrouvée à l’Hôpital de Saint-Ferdinand, classée faussement arriérée mentale profonde. Les autorités de l’hôpital ont même inscrit que toute la famille avait des problèmes de santé mentale. « C’est faux, précise Claire Duguay. Ils ont sali toute ma famille. »
Aujourd’hui, elle est encore terrorisée : « Quand je marche dans la rue, j’ai peur qu’ils viennent me chercher pour me renfermer ».
Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral conteste ce recours collectif, ainsi que trois congrégations religieuses, soit les Soeurs grises de Montréal, les Soeurs du bon-pasteur de Québec et les Clercs de Saint-Viateur. Alan Stein espère avoir une réponse de la cour d’ici la fin mars. Mais il ne cache pas qu’il souhaite une entente à l’amiable. Dans les années 1990, il restait 3000 survivants. Aujourd’hui, ils ne seraient plus que 300.
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