Le 13 mars 2021, dans une tribune au « Monde » un collectif de parlementaires , d’universitaires et de médecins appelle à la création d’une agence des médecines complémentaires et alternatives, afin d’en assurer le développement, mais aussi de contrôler les dérives thérapeutiques.
Source : « Il est urgent de structurer les médecines complémentaires et alternatives »
https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/03/13/il-est-urgent-de-structurer-les-medecines-complementaires-et-alternatives 6072978 3232.html
Les signataires appellent à la transformation de l’A-MCA en agence gouvernementale, « capable de piloter la réflexion sur les enjeux des médecines complémentaires et alternatives, de lutter contre les dérives thérapeutiques et de favoriser la mobilisation des pratiques reconnues au service de la prévention, de la santé et de la qualité de vie des citoyens. Une résolution sera portée en ce sens à l’Assemblée nationale dans les meilleurs délais. La création de cette agence serait un acte fondateur pour inventer la médecine de demain au sens d’une articulation efficiente du « cure » (soin) et du « care » (prendre soin) ».
LE PROJET INQUIETE : ALLONS NOUS VERS L’INSTITUTIONNALISATION DE PRATIQUES NON EPROUVEES,VOIRE DANGEREUSES …
Dans une tribune collective parue le 12 avril dernier dans le Figaro, des professionnels de santé, des scientifiques, des associations, s’inquiètent des actions de l’A-MCA. Ce collectif aujourd’hui intitulé AEDES (ALERTE,ETAT,DERIVES SECTAIRES) craint que l’A-MCA « ne favorise l’entrisme, au plus haut niveau de l’Etat, d’intérêts commerciaux et de mouvements sectaires liés aux pseudo-médecines »…
« En février dernier, la Ligue des droits de l’homme exprimait sa vive inquiétude face aux manœuvres d’officialisation des activités de l’A-MCA. Une première étape vient pourtant d’être franchie avec l’enregistrement le 18 mars d’une résolution à l’Assemblée nationale. Au-delà de la démarche singulière de l’A-MCA pour devenir une agence gouvernementale, nous craignons que ses actions ne favorisent l’entrisme, au plus haut niveau de l’État, d’intérêts commerciaux et de mouvements sectaires liés aux pseudo-médecines. Compte tenu des enjeux e est susceptible d’interférer avec l’intérêt des patients. Nous, professionnels de santé, universitaides acres et citoyens engagés contre les dérives de santé et l’emprise mentale, demandons au gouvernement et aux députés de s’opposer à la transformation de l’A-MCA en agence gouvernementale, et plus généralement aux pouvoirs publics de faire cesser la promotion de cette association ».
« Sur cette agence, je dis prudence » confie Georges FENECH , ancien président de la MIVILUDES, à Thomas Rabino ( journal Marianne) source :
Rédacteur en chef de Science et pseudo-sciences, la revue de l’Association française pour l’information scientifique (Afis), Jean-Paul Krivine explique à L’Express pourquoi il est dangereux de vouloir donner une légitimité à des « pratiques douteuses et infondées ».
« L’A-MCA est une association créée en 2020. Elle a adopté dans son libellé le terme d’agence (Agence des médecines complémentaires et alternatives), mais il s’agit d’une simple association loi 1901 .
Les députés qui ont déposé la proposition de résolution ont repris exactement le même libellé pour l’agence gouvernementale dont ils demandent la création. Quatre de ces huit députés signataires sont d’ailleurs « experts politiques » de l’association. Une tribune relayée par le journal Le Mond], signée d’une vingtaine de personnalités dont les fondateurs de l’A-MCA et cinq des huit auteurs de la proposition de résolution, demande « la transformation de l’A-MCA [l’association] en agence gouvernementale ».
Les fondateurs de l’A-MCA mettent en avant une définition des « médecines complémentaires et alternatives » qui laisse complètement de côté la question de leur efficacité et de leur validation.
Leur popularité et le phénomène social incontestable qui les accompagne suffiraient à rendre légitime et souhaitable l’« intégration » dans la « médecine officielle ». La tribune du journal Le Monde appelle à « favoriser l’essor des pratiques bénéfiques tout en luttant contre les dérives thérapeutiques en santé ». Par un glissement habile, le problème de l’absence d’efficacité des pratiques promues est escamoté au profit d’une dénonciation des risques de dérives liées à l’insuffisance de la réglementation.
C’est indéniable, il y a des pratiques thérapeutiques alternatives dangereuses et il y a un risque réel à recourir à des traitements non validés ;D’un autre côté, il y a aussi une aspiration de tous à bénéficier des soins les plus efficaces et les moins invasifs possibles. Mais n’oublions pas que c’est d’abord la maladie qui n’est pas « douce » et qui est « invasive ». Le fondement d’une réponse appropriée, la pandémie de Covid-19 l’a confirmé, passe d’abord par l’identification de l’efficacité des traitements et des prises en charge. La vérité scientifique n’est pas quelque part « au milieu », entre une médecine dite « conventionnelle » ou « officielle » et des « médecines alternatives », qui auraient chacune leurs excès et qu’il faudrait savoir intégrer l’une à l’autre.
La tentative de reconnaissance de pratiques pseudo-scientifiques en se réclamant de la lutte contre les charlatans n’est pas nouvelle. Ainsi, un Institut des arts divinatoires a été créé en s’affichant en défense des consommateurs et en « soutien des professionnels sérieux de la voyance ». La bonne foi et l’empathie supposées des uns, pas plus que les bienfaits ressentis par certains, ne sont des gages d’efficacité ni d’utilité thérapeutique.
Cette Agence des médecines complémentaires et alternatives, si elle voyait le jour, serait en réalité un véritable cheval de Troie pour des pratiques douteuses et infondées ».
Propos recueillis par Thomas Mahler publié le 01/05/2021 à 11:00
Cyril Vidal , président de l’association FakeMed s’insurge : « Suissa part du constat qu’il y a une demande pour ces thérapies et qu’il faut organiser la filère. Cela ferait perdre de l’argent public avec des choses qui ne fonctionnent pas, sans parler des dérives sectaires ».
L’AEDES signale que les fondateurs de l’A-MCA : Véronique Suissa, Philippe Denormandie et Serge Guérin poursuivent depuis trois ans une démarche de lobbying en particulier parmi le monde politique.
Le rapport 2021 de l’A-MCA confirme sans ambiguïté cette affirmation :
« Cette prise de conscience nous avait réunis, la docteure en psychologie, clinicienne en oncologieet en gériatrie, le professeur et sociologue acteur des questions liées au vieillissement et le médecin chirurgien, expert du handicap. Non dans le but de s’inscrire dans une approche binaire « pour ou contre », dans l’exercice d’une pensée réductrice et débridée, mais bien au contraire pour établir un dialogue constructif, décloisonné et nuancé.
« Pour ouvrir un tel débat, nous avions d’abord fait le choix de publier un ouvrage particulièrement dense, véritable état de l’art des questions liées aux MCA, à partir de contributions multiples et de regards fondés sur des expertises variées. Publié chez Michalon en septembre 2019, et intitulé « Médecines Complémentaires et Alternatives. Pour et contre », le livre suscitera le débat, aura du succès, sera présenté dans de nombreuses villes de France, entraînera du mouvement…
« Dans la continuité de cette publication, nous organiserons au Ministère des Solidarités et de la Santé, le premier colloque sur le sujet rassemblant autour d’une même table, des chercheurs, des Élus, des médecins, des patients, la Miviludes, etc. Là encore, il s’agissait de permettre à des pensées différentes, voire opposées de dialoguer sereinement, de s’écouter pleinement et de partager leur expertise. Nous tenions à l’idée d’exercer un débat élégant et respectueux du dissensus pacifique. Bref, de l’exercice de la démocratie. Mais ce qui devrait être une évidence dans une France, relève parfois de la haute voltige à l’ère des réseaux,des professeurs d’indignation, des militants intouchés par le doute, des professionnels de la polémique. Nous étouffons parmi des gens qui pensent avoir absolument raison, disait Camus.
« Nous rencontrerons une multitude d’acteurs de renoms, tous impliqués dans le domaine : universitaires, institutionnels, élus, anciens ministres, etc. avec lesquels nous coopérerons dans le cadre de différents projets, d’événements, de conférences et de publications sur le sujet. Nous participerons ainsi à plusieurs études pour contribuer à éclairer les attentes en matière de MCA, celles des malades, des seniors, des soignants, etc. Dans cette dynamique, nous publierons en 2020 plusieurs articles scientifiques centrés sur la première proposition de définition des MCA, la signification des MCA en gériatrie, le recours aux MCA en oncologie, les attentes des soignants en matière d’accompagnement, la nécessité d’une personnalisation du soin, etc.
« Nous organiserons aussi les premières rencontres parlementaires des MCA prévues à l’Assemblée Nationale, et reportées pour cause de Covid. Parrainées par Madame la Députée Jeannine Dubié, elles seront – lorsque la situation sanitaire le permettra – le moyen de questionner le lien entre les MCA, la prévention, la santé et le vieillissement.
« Le report de l’événement nous conduira à porter un nouveau projet lors du premier confinement : nous monterons en mai 2020, les États Généraux de la Séniorisation (EGS) pour penser collectivement la future loi « grand-âge » aux côtés de 60 experts, de 50 partenaires et de 8000 citoyens. Il s’agissait de réunir des acteurs de la société dans leur diversité : des chercheurs, des élus, des institutionnels, des citoyens, etc. La consultation citoyenne avait d’ailleurs montré la demande massive d’une intégration des MCA au bénéfice des seniors. Le rapport sera remis aux pouvoirs publics le 6 mai 2020.
« En Juillet 2020, nous rencontrerons le Pr Salomon, Directeur Général de la Santé (DGS) auprès duquel nous communiquons notre volonté commune de contribuer à structurer le champ des MCA. Nous lui présentons notre projet de création d’une Association dédiée à ce projet en échangeant précieusement autour des enjeux de santé liées à ces pratiques. C’est à l’issue de cet entretien, devant les portes du ministère de la santé que nous décidons de fonder l’Agence des Médecines Complémentaires et Alternatives (A-MCA). Elle sera créée en Septembre 2020. Il aura fallu tout juste un an, et un long confinement, pour passer du livre à l’A-MCA !
« En 10 jours à peine, une centaine d’acteurs sollicités pour intégrer l’A-MCA a répondu présent ! Si cette association est certes initialement le fruit d’une rencontre humaine entre trois acteurs du care, elle est tout autant le résultat d’un mouvement collectif rassemblant une multitude d’experts et de partenaires venus l’accompagner depuis sa création. À la fois pour contribuer à une réflexion collective inédite autour des enjeux de ces pratiques mais aussi pour agir concrètement sur le terrain en accompagnant une diversité de projets et d’initiatives (recherches, sondages, publications, débats, etc.).
« Cette dynamique collective permettra à l’A-MCA de se développer de manière fulgurante. L’association signera dès sa création avec le groupe ENEAL pour accompagner sa stratégie de déploiement des MCA au bénéfice des résidents. Elle remportera un appel à projet lancé par la Fondation de France pour accompagner les salariés d’EHPAD en leur proposant un accès structuré aux MCA. L’Association pilotera également une recherche aux côtés de « France Alzheimer et maladies apparentées » pour évaluer les bénéfices des MCA auprès des aidants. Elle nouera de nouveaux partenariats, notamment avec la Fondation de l’Académie de Médecine et plusieurs Universités internationales (Québec, Toronto…). Elle organisera plusieurs événements à thématiques, dont un colloque sur les dérives en santé parrainé par la Députée Laurence Vanceunebrock et avec la participation de la Miviludes.
« Le 18 mars 2021, l’A-MCA fera l’objet d’une Résolution inédite en France à l’Assemblée Nationale2. Portée par huit parlementaires3, cette résolution appelle à la transformation de l’AMCA en une « Agence gouvernementale d’évaluation des approches complémentaires adaptées et de contrôle des dérives thérapeutiques et des pratiques alternatives ». Elle préconise de renforcer l’action de l’A-MCA : Il est temps d’aller plus loin et envisage sa transformation gouvernementale comme « un acte fondateur pour inventer la médecine de demain au sens d’une articulation efficiente du cure (soin) et du care (prendre soin) ».
Source : Rapport 2021 de l’A-MCA « Asseoir les pratiques complémentaires adaptées et lutter contre les méthodes alternatives ».
Sous la Direction de : Véronique SUISSA, Pr Serge GUÉRIN, Dr Philippe DENORMANDIE, Pr Antoine BIOY.
A–MCA
www.agencemca.org
Quelques brèves :
- en janvier 2021, Véronique Suissa a été reçue à l’Elysée par Brigitte Macron
- Philippe Denormandie est le père du ministre Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation
- Le Dr Philippe Denormandie est le Directeur Relations Santé de la mutuelle MNH GROUP
- Serge Guérin dirige le master des établissements de santé à l’Inseec
En guise de conclusion :
« Quatre Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives, dont 60 % parmi les malades du cancer. Il existe plus de 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. 4 000 psychothérapeutes autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre. Et on évalue à près de 200 le nombre de bio-décodeurs, à plus de 800 le nombre de kinésiologues, à environ 3 000 le nombre de médecins qui seraient en lien avec la mouvance sectaire », liste la Miviludes sur son site internet.
Le CCMM souhaite que la promotion de l’A-MCA ne soit pas un nouveau coup porté à la MIVILUDES.
Pourtant, la ministre déléguée à la citoyenneté qui en a la charge, dit vouloir la renforcer !
Auteur : CCMM