Les journalistes du magazine Complément d’enquête sur France 2 ont mené des investigations minutieuses sur la médecine anthroposophique. Ils révèlent des pratiques inquiétantes qui n’ont rien à voir avec la médecine et la science.
Le journaliste Louis Milano-Dupont consulte avec une caméra caché un médecin anthroposophe qui lui prescrit des injections de gui pour son supposé cancer. Il lui conseille aussi de ne pas informer son oncologue.
MEDICAMENT.
Ce jeudi 12 décembre à 22h50, Complément d’enquête sur France 2 consacre son émission sur les médecines parallèles. Un reportage du journaliste Louis Milano-Dupont est notamment consacré à la médecine anthroposophique, sujet sur lequel Sciences et Avenir a longuement enquêté et publié deux articles disponibles en ligne depuis quelques mois. Cette pratique est l’une des déclinaisons de l’anthroposophie, un courant de pensée spiritualiste, occulte et ésotérique inventé par l’Autrichien Rudolf Steiner (1861-1925). Selon Complément d’enquête, elle revendique près de 3000 médecins et une quinzaine de cliniques privées en Europe. Problème, elle fait appel à des conceptions thérapeutiques qui ne sont pas éprouvées par la science.
Au cœur de cette approche se trouve le Viscum album fermenté, connu aussi sous le nom d’Iscador, un médicament anthroposophe vendu notamment en France en pharmacie et fabriqué à partir d’extraits de gui concentrés (Viscum album est le nom latin du gui). Pour Steiner, la plante détient des forces intrinsèques qui lui permettent de contrôler la prolifération des cellules cancéreuses. Ces affirmations faites il y a plus de 100 ans ne reposent pas sur ses observations ou sur des études scientifiques sérieuses mais sur sa vision de l’univers, de l’homme et de ce végétal, objets d’une succession de réincarnations ! Cette pensée karmique est d’ailleurs détaillée dans son ouvrage Médicaments et médecine à l’image de l’homme.
Des injections de gui pourraient avoir des interactions avec les traitements conventionnels
Aujourd’hui, le Viscum album fermenté est largement utilisé par les médecins anthroposophes qui recommandent de l’injecter sous la peau, au plus proche de la tumeur, et ce en complément des traitements conventionnels contre le cancer. Or, selon la chercheuse allemande Jutta Huebner, professeure d’oncologie intégrative à l’hôpital universitaire d’Iéna que nous avions interrogée lors de notre enquête, ce produit n’a aucun effet positif sur la survie des patients. Plus grave, les injections de gui pourraient avoir des interactions avec les traitements conventionnels et/ou être responsables d’effets indésirables plus ou moins sévères, peu ou pas recensés. : “Il y a très probablement des interactions avec les médicaments antitumoraux – aucun registre n’existant, nous ne savons pas à quelle fréquence -, de possibles croissances tumorales en cas de leucémie, lymphome et mélanome et des réactions allergiques rares”, nous confiait la chercheuse lorsque nous l’avions interrogée.
CANCER.
Dans le reportage de Complément d’enquête Jutta Huebner réitère ses propos devant la caméra. Surtout elle s’inquiète du fait qu’en général, les oncologues ne savent pas que leurs patients se font prescrire du gui par un autre médecin. Et pour cause : dans l’extrait ci-dessous, réalisé en caméra cachée, le journaliste Louis Milano-Dupont s’invente un cancer pour consulter un médecin anthroposophe. Ce dernier lui prescrit en quelques minutes douze semaines d’injections de gui ! Surtout, il lui déconseille d’en parler à son oncologue, rappelant au passage que « la médecine officielle, elle a ses limites ». Edifiant !
Plus inquiétant encore. Le médecin anthroposophe prescrit le gui contre un mélanome, inventé par le journaliste de Complément d’enquête. Or, le mélanome est justement l’un des cancers pour lesquels les injections de gui pourraient au contraire favoriser la croissance des tumeurs, selon la chercheuse Jutta Huebner.
ROUGEOLE.
Mais l’enquête de France 2 va plus loin. Elle se penche sur la question du refus vaccinal dans les écoles Steiner-Waldorf, autre déclinaison de la pensée anthroposophe dans le domaine de l’éducation.
A Colmar, en 2015, l’un de ces établissements avait déclenché une vive polémique. Une épidémie de rougeole avait affecté 93 de ses élèves. L’enquête sanitaire avait révélé que plus de la moitié des enfants de l’école n’avait pas été vaccinée.
Or, cette maladie peut être mortelle pour ces enfants, mais aussi pour les nourrissons trop jeunes pour être vaccinés ou pour les personnes présentant des contre-indications vaccinales, par exemple en raison d’allergie grave à un composant du vaccin.
Ces enfants et ces adultes qui ne peuvent être vaccinés pour des raisons médicales doivent donc compter sur la vaccination des personnes qui les entourent pour être protégées.
Quatre ans après cette épidémie de rougeole, les journalistes de Complément d’enquête sont allés filmer en caméra cachée, dans une école Steiner.
L’entretien avec la médecin scolaire est inquiétant. Non seulement elle ne recommande pas la vaccination, mais en plus elle affirme au contraire que la rougeole est un bienfait pour l’évolution de l’enfant.
Une vision conforme à la pensée de l’anthroposophie qui considère que la maladie est une nécessité dans le processus d’évolution et de réincarnation cher à Rudolf Steiner.
Le propos n’a alors plus rien à voir avec la médecine quand la médecine scolaire affirme que la rougeole est : “une chance de se réorganiser dans ce combat chaleur, température, feu et eau.”
Et d’ajouter : “Et moi j’ai entendu des enfants qui ne bégayaient plus après (la rougeole, ndlr), des enfants qui tout à coup nous disaient que maintenant ils pouvaient dormir tout seul.”
L’enquête de Louis Milano-Dupont pour France 2 révèle donc, images à l’appui, les pratiques non éprouvées de la médecine anthroposophique, des pratiques qui pourraient coûter très chers à ceux qui choisissent de suivre les préceptes de Rudolf Steiner.
source : Olivier Hertel SCIENCES ET AVENIR FRANCE 2 – COMPLÉMENT D’ENQUÊTE 12.12.2019
Louis Milano-Dupont, Complément d’enquête du 12/12/2019 sur France 2