A quelques jours de l’examen du texte confortant le respect des principes de la République, la majorité sénatoriale de la droite et du centre entend durcir le texte et faire respecter le principe de neutralité aux accompagnants des sorties scolaires, mais aussi aux élus locaux.
Le Sénat commence mardi prochain l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République. Un texte que la droite souhaite durcir, en commençant déjà par récrire son intitulé. La semaine dernière sur Public Sénat, le président du groupe LR, Bruno Retailleau avait promis d’y apposer la mention « séparatisme islamiste ». L’amendement du groupe se limite finalement à la « lutte contre le séparatisme ».
« Nous avons choisi le mot séparatisme au sens large car on ne sait pas à l’avenir quelle religion peut poser problème », explique Jacqueline Eustache-Brinio, co-rapporteure LR du texte.
La volonté de la majorité sénatoriale de droite d’imprimer son empreinte sur le projet de loi s’était ressentie dès la désignation des rapporteurs. Un temps annoncé, la sénatrice PS, Marie-Pierre de La Gontrie avait finalement été écartée du poste à la demande de Bruno Retailleau. Ce sera finalement Jacqueline Eustache-Brinio sénatrice LR, défenseure d’une ligne de fermeté et proche du président du groupe LR, Bruno Retailleau, ainsi que la sénatrice UDI du groupe Union centriste, Dominique Vérien.
Pour autant, les travaux en commission s’étaient soldés par plusieurs déconvenues pour la ligne défendue par le patron des LR du Sénat, laissant apparaître une division au sein de la majorité. Lors du vote des amendements portant sur l’article 1 qui renforce le principe de neutralité dans le service public, celui des rapporteures, Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien (Centriste), qui visait à étendre le principe de neutralité aux accompagnants des sorties scolaires n’avait pas été adopté par la commission des lois. Il permettait notamment d’interdire le port du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires. Après avoir fait l’objet d’âpres discussions, il a été rejeté suite à une égalité de votes. Des sénateurs centristes et LR s’y étaient opposés.
Bruno Retailleau avait indiqué que cet amendement ferait son retour en séance publique, c’est chose faite. Un amendement du sénateur LR, Max Brisson reprend la proposition de loi tendant à assurer la neutralité des personnes concourant au service public de l’éducation déposée par Jacqueline Eustache-Brinio, déjà adoptée par le Sénat, fin 2019.
« L’obsession de certains élus de droite »
A gauche, on fustige « l’obsession de certains élus de droite » sur ce sujet. « Si on voulait renvoyer tous les élèves de confession musulmane vers les écoles hors contrat, on ne s’y prendrait pas autrement », fustige Didier Marie, sénateur PS, membre de la commission des lois. « Certains considèrent que ce texte doit régler une question qui est déjà tranchée par le Conseil d’Etat. Le principe de neutralité ne s’impose pas aux collaborateurs occasionnels du service public », rappelle-t-il. Son groupe a d’ailleurs déposé une motion préalable visant à rejeter ce qu’il juge être un texte « de défiance à l’égard des associations et des cultes, sous prétexte de lutter contre le séparatisme ».
Principe de neutralité pour les élus locaux : « Un symbole extrêmement fort »
En commission, la rapporteure LR, Jacqueline Eustache-Brinio avait dû retirer un amendement lui aussi sujet à controverse. Il imposait aux élus locaux, d’exercer leur mandat dans le respect du principe de laïcité. Le sénateur LR, Olivier Paccaud a lui déposé en séance un amendement visant à « inscrire dans la charte de l’élu local la nécessité pour celui-ci de ne pas porter de signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse durant les réunions des organes délibérants des collectivités ». Le champ d’application est ainsi plus limité et, selon son auteur, proportionné au respect de la liberté d’opinion.
« En commission mon amendement avait été très mal interprété c’est la raison pour laquelle je n’ai pas voulu m’acharner », rappelle Jacqueline Eustache-Brinio qui salue le retour prochain de sa proposition en séance publique ; « J’y suis très attachée. C’est un symbole extrêmement fort. Nous sommes des élus de la République, les signes ostentatoires n’ont pas leur place dans les conseils municipaux, départementaux, régionaux… »
Interdiction du port du voile pour les mineures
Un amendement déposé par la sénatrice LR, Valérie Boyer sera, à n’en pas douter, l’objet de débats assez vifs entre la majorité et l’opposition. Comme le proposaient avant elle, les députés LREM, Aurore Bergé et Jean-Baptiste Moreau, la sénatrice souhaite interdire le port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse dans l’espace public. A lecture des motifs de l’amendement, le port du voile est ici visé. « Nous devons considérer que le voilement des mineures peut représenter des risques pour l’épanouissement physique, mental, moral et social des enfants », est-il mis en exergue. « Je me suis placée sur le plan de la maltraitance des enfants. On ne peut pas faire une distinction entre des filles qui seraient soi-disant pudiques et d’autres impudiques. Il faut tout simplement respecter le principe de fraternité », fait valoir Valérie Boyer.
Son amendement a toutefois peu de chance d’être adopté comme le rappelle Jacqueline Eustache-Brinio. « Je ne veux pas anticiper vote dans l’hémicycle, mais la commission des lois s’est déjà positionnée et a rejeté l’amendement. Je trouve inadmissible le voilement des fillettes mais c’est un sujet qui doit être travaillé au niveau de la protection de l’enfance », souligne-t-elle jugeant que le véhicule législatif n’est pas le bon.
Interdiction du burkini et du voile dans le sport
Dans la même veine, un amendement du sénateur LR, Michel Savin vise à interdire le port du burkini dans les piscines et espaces de baignades publiques. Un autre interdit le port du voile dans les compétitions sportives organisées par les fédérations.
Contrôle accru des fédérations sportives
Comme nous l’avions détaillé la semaine dernière, la majorité sénatoriale souhaite que toute personne sollicitant une licence sportive s’engage à respecter un contrat d’engagement républicain comme les dirigeants de ces associations et fédérations. Un contrat où est incluse la « promotion des principes de la République, notamment la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. De ce fait, un amendement déposé en séance impose aux fédérations agréées, de signaler « tout fait contraire aux principes du sport et toute atteinte à la laïcité ou à l’intégrité physique et morale des personnes, constaté ou porté à sa connaissance ». Un amendement qui entend répondre également à la vague de témoignages, l’année dernière, de plusieurs athlètes abusés sexuellement dans leur jeunesse par leurs entraîneurs.
Président du groupe d’études sur les pratiques sportives, Michel Savin demande également d’élargir le contrôle de « l’honorabilité » des encadrants des activités physiques et sportives par la consultation du fichier des auteurs d’infractions terroristes (FIJAIT). En clair, une personne définitivement condamnée pour crime ou délit à caractère terroriste, ne pourra enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive.
695 amendements ont été déposés à ce jour, le Sénat examine le projet de loi à partir du mardi 30 mars au Sénat et jusqu’au jeudi 8 avril.
Voir les amendements phares déjà adoptés en commission des lois et de la culture ici et ici.
source : https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/loi-separatisme-comment-le-senat-souhaite-renforcer-le-principe-de-neutralite