80% des enfants marocains passent le plus clair de leur temps sur internet et sur les réseaux sociaux. Une cyberaddiction qui les expose dangereusement à des contenus radicaux, violents, racistes ou encore pornographiques. C’est ce que révèle un rapport du Conseil économique, social et environnemental  (CESE). 

Tout comme les autres enfants du monde, les petits marocains sont également sous l’emprise des réseaux sociaux et n’arrivent pas à se soustraire au monde virtuel. Les chiffres révélés par le CESE quantifient une cyberaddiction qui ne cesse de s’amplifier en entrainant dans son sillage des dangers de différentes natures.

« Le présent avis, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, s’inscrit dans un contexte marqué par l’utilisation massive, aux niveaux mondial et national, des réseaux sociaux par les enfants. Si ces plateformes numériques offrent certains avantages tangibles, elles exposent également les enfants à des risques importants pour leur santé physique et mentale ainsi que pour leur développement social et scolaire », explique le CESE dans la présentation de son rapport intitulé « Pour un environnement numérique inclusif et protecteur des enfants ».

Zone de danger

Citant les résultats d’une enquête récente portant sur 1.293 enfants et jeunes marocains âgés de 8 à 28 ans, le CESE révèle que 80% d’entre eux utilisent régulièrement Internet et 70% fréquentent les réseaux sociaux. Parmi cette catégorie, 43% des sondés souffrent de troubles du sommeil, 35,6% rapportent des conflits avec la famille ou des amis, et 41,5% observent une baisse dans leurs performances scolaires.

Autre donnée alarmante, un tiers de ces jeunes sont confrontés au cyber-harcèlement, 40% partagent des données personnelles avec des inconnus et 40% ne maîtrisent pas les paramètres de confidentialité de leurs profils en ligne, énumère le rapport. « Des données qui sont corroborées par les résultats d’un rapport de 2023 sur la violence en milieu scolaire au Maroc mettant en lumière une augmentation de la cyber-violence », note le CESE.

Menace avec grand M

Ce rapport nous apprend par ailleurs que l’intimidation psychologique ou sexuelle en ligne s’intensifie et atteint des proportions alarmantes dans certains milieux. En termes chiffrés, près de 10% des élèves de primaire ont reçu « des messages désagréables, méchants ou insultants sur Internet », et un nombre significatif d’entre eux ont été victimes de publications non désirées ou d’exclusion de groupes en ligne. Des risques et des dangers que la présence accrue sur les réseaux sociaux exacerbe et accentue davantage.

Sous l'emprise...

Sous l’emprise…



En 2023, les plateformes comme Facebook, WhatsApp et Instagram comptaient des milliards d’abonnés à travers le monde. Au Maroc, 23 millions de personnes ( plus de 66% de la population) les utilisent, y compris les enfants de 5 à 18 ans. « Il demeure, néanmoins, que l’utilisation excessive et inappropriée du numérique, en particulier des réseaux sociaux chez les enfants, constitue une menace sérieuse pour leur santé mentale et physique », alerte le CESE.

Ce dernier pointe du doigt une série de troubles psychologiques et comportementaux préoccupants liés à l’utilisation excessive et inappropriée du numérique chez les jeunes allant des perturbations du sommeil et de la concentration aux comportements violents, addictions, troubles anxieux, isolement social, dépressions, voire même des tentatives de suicide.

On en oublie de manger !

Pire encore, le rapport révèle que près de 43 % des jeunes interrogés négligent leurs besoins fondamentaux tels que l’alimentation et le sommeil en raison de leur usage excessif du numérique. Leur vie sociale est également affectée tout comme leurs performances scolaires, soulignant les effets d’une consommation excessive d’écrans sur les résultats scolaires. « Une spirale de conséquences désastreuses telles que le décrochage et l’abandon scolaire, diverses addictions, les fugues, le développement de troubles mentaux, l’exclusion sociale, les cas de vie marginale dans la rue ou encore le statut de « NEET » (ni emploi, ni éducation, ni formation) », déplore le CESE.

Exposés à des contenus dangereux

Exposés à des contenus dangereux



Ce dernier alerte également par rapport à l’exposition des jeunes esprits à des contenus inappropriés. Le rapport nomme les contenus extrémistes, haineux, violents, sanglants et racistes, les jeux d’argent en ligne, les contenus à caractère sexuel et pornographique, les fausses informations, les contenus filtrés par des algorithmes à des fins de manipulation. Sans protection, les enfants sont également exposés à la cyber-violence et au cyber-harcèlement, l’exploitation et les abus de différentes natures, l’incitation à l’automutilation et au suicide.

Sans protection

« Les réseaux sociaux peuvent favoriser la désinhibition en raison de l’absence de confrontation directe. Dans ce contexte, l’enfant se trouve doublement vulnérable : il peut être victime de ces contenus, mais il peut aussi, potentiellement, en devenir l’auteur, portant ainsi préjudice à ses pairs », soulignent les auteurs du rapport. Des dangers qui guettent à tout recoin d’internet et qui requièrent une riposte adaptée comme le recommande le CESE. Ce dernier note par ailleurs l’insuffisance des dispositifs actuels face aux défis spécifiques posés par les plateformes en ligne.

« L’absence de réglementations précises encadrant l’utilisation des réseaux sociaux par les mineurs obère la capacité à garantir une protection efficace et durable dans l’espace numérique. De plus, les initiatives en faveur de la protection des enfants en ligne restent fragmentées et souffrent d’un manque patent de coordination et de convergence des parties prenantes concernées autour d’une vision stratégique nationale partagée », ajoutent les auteurs du rapport.

Une responsabilité partagée avec les parents qui, selon le même rapport, sont loin de prendre conscience de l’ampleur et de la gravité des risques associés aux réseaux sociaux. Ils fautent également par leur connaissance limitée des outils de contrôle parental, exacerbant ainsi la vulnérabilité de leurs enfants face à la grande menace cybernétique.

source : l’Observateur Hayar Kamal Idrissi le 22 novembre 2024