L’histoire est arrivée il y a quatre ans, mais, aujourd’hui encore, Florence a la gorge serrée en évoquant ce « souvenir douloureux ». En 2006, la quarantaine approchant, « pas spécialement angoissée », elle décide d’entreprendre une thérapie personnelle pour des « problèmes de couple ». Elle se renseigne sur les méthodes existantes, parcourt des livres, questionne quelques proches et finit par suivre les conseils d’une amie: « Va donc voir mon psy, il est super ! »
« Il n’était pas du tout dans la mouvance analytique, se souvient-elle. Chaleureux, assez bavard, il m’a mise rapidement en confiance. » Jusqu’à cet après-midi de mai 2007: « On était presque à la fin de la séance quand, tout à coup, il s’est effondré en larmes. » Amoureux de l’amie de Florence, son psy avait reçu le matin même une lettre dans laquelle elle opposait un refus définitif à ses avances. « Il hoquetait, répétait en boucle: « Je ne sais pas quoi faire », et moi je restais silencieuse, tétanisée, incapable de réagir. Je suis sortie sans un mot. Quant à aller, un jour, voir quelqu’un d’autre… »
Un risque de manipulation mentale
Même sincèrement malheureux, son psy n’en a pas moins commis une erreur lourde, celle de n’avoir pas su gérer ses propres émotions en présence d’un patient. A plus forte raison, si les difficultés ou la personnalité de ce dernier « résonnent » d’un écho particulier chez lui. Il a donc transgressé une règle absolue et commis, par là même, une faute professionnelle. Mais il y a pire que l’erreur, souvent ponctuelle: un professionnel nuisible, voire toxique. Comme les adeptes du cri primal ou du rebirth, une technique très en vogue aux Etats-Unis dans les années 2000 et qui consiste à aider le patient à revivre (d’où le nom) les émotions premières de sa naissance… Cette méthode a entraîné des phénomènes de décompensation gravissimes chez certains patients fragiles, des décès même, note le Dr Jean Cottraux.
Autre élément, pointé en 2008 par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), et « qui se développe de manière inquiétante »: la prolifération de pseudo-psys prétendant faire resurgir des souvenirs anciens, enfouis dans le tréfonds de la mémoire, et tous à connotation sexuelle. Aux Etats-Unis, le succès de ces « thérapies » à tendance sectaire fut tel que, dans les années 1990, 1 800 enquêtes officielles furent diligentées, aboutissant à plus de 70 procès pour « allégations de viol ou d’inceste », dont la quasi-totalité se sont, par la suite, révélées fausses. Des allégations pourtant difficiles à réfuter, car fort anciennes et se heurtant à un processus de « parole contre parole », dans lequel les plaignants sont sincèrement persuadés qu’ils ont été abusés dans leur toute petite enfance.
Pour ces gourous, inspirés notamment par une relecture superficielle de Freud (la famille comme lieu privilégié de névroses), pas de doute: la cellule domestique est, par essence, malfaisante et constitue le creuset de toutes les perversions. Un peu court, sans doute, mais assez argumenté pour être accepté par des personnes fragiles. Tous les spécialistes insistent d’ailleurs sur un point: quand un psy veut séparer un patient de sa famille, quand il se pose en dernier rempart face à un monde qui serait, par nature, hostile, le risque de manipulation mentale n’est pas loin. Prudence, donc, devant ces individus qui n’ont de cesse d’exercer une emprise qu’ils souhaitent totale sur leurs patients. Les « psys », eux aussi, peuvent être pervers.
Source : L’EXPRESS par Par Vincent Olivier, publié le 13/07/2011