Réunies pendant trois jours à Orléans, 70 auteures de 27 pays ont créé le parlement des écrivaines francophones. / mairie d’Orleans
En 1993, en pleine guerre civile algérienne était créé le parlement international des écrivains pour venir au secours des auteurs algériens en danger. 25 ans plus tard, c’est au tour des écrivaines de se mobiliser sur le sort des femmes sur la planète. Réunies pendant trois jours à Orléans, du 26 au 28 septembre, 70 auteures de 27 pays ont créé le parlement des écrivaines francophones avec pour devise « Liberté, égalité, féminité ». Dans bien des pays, il ne fait pas bon être une femme, écrire et s’exprimer en français.
La fiction fait peur
« La femme est au centre des extrémismes religieux et politiques », relève l’écrivaine iranienne Chahla Chafiq exilée en France et dont les écrits en français et en persan lui valent de toujours figurer sur la liste noire dans son pays. « La fiction c’est ce qui fait le plus peur, elle a une dimension transgressive et révolutionnaire. Elle permet de tout dire entre les lignes », estime l’écrivaine tunisienne Fawzia Zouari, à l’origine de la création du parlement.
Fawzia Zouari, porte-voix des femmes du monde
« Alors que le corps des femmes est confisqué par le religieux, les écrivaines peuvent se permettre d’en parler, de parler de sexualité, de plaisir », ajoute la camerounaise Élisabeth Tchoungui.
« Si le monde nous convenait, nous n’écririons pas ! », ironise Chahla Chafiq. Or ces voix parfois contestataires, par essences singulières sont aussi des voix très isolées et souvent vulnérables. Le parlement permet de sortir du silence, de parler d’une seule voix dans la même langue pour lutter contre toutes les guerres faites aux femmes. « Le patriarcat sous toutes ses formes, le viol, le harcèlement, les mutilations génitales, les féminicides, les violences conjugales (sept femmes en meurent chaque jour au Mexique, deux en Argentine et une tous les trois jours en France). Preuve que le corps des femmes reste, au Nord comme au Sud, un enjeu de pouvoir et un théâtre de conflit », détaille leur manifeste publié par Le Monde.
Orléans ville refuge
Pendant trois jours, les auteures, romancières, essayistes et poètes, ont ainsi débattu et brassé les grands sujets (les femmes dans les conflits et les migrations, l’éducation, le corps des femmes, l’environnement) afin d’esquisser les pistes de leurs actions futures.
Orléans, la ville hôte, s’est engagée à accueillir chaque année les parlementaires et à mettre à disposition des moyens humains et matériels pour créer une plate-forme afin de faire vivre le parlement sur Internet. Olivier Carré, maire et président de la métropole, a aussi accepté de faire d’Orléans une ville refuge pour les écrivaines en danger à l’instar des villes qui accueillaient les Algériens pendant la décennie noire.
Lutter contre la censure
Le parlement a pour vocation première de lutter contre la censure, ou toutes les formes de répression et d’intimidations à l’encontre des écrivaines comme des écrivains.
Il entend aussi faire du lobbying pour l’obtention de visas pour les écrivaines ou plus largement pour œuvrer à l’émancipation des femmes, à leur meilleur accès à l’éducation. Chaque écrivaine devrait devenir marraine dans son pays de jeunes voulant écrire pour inciter à lire et à écrire.
S’exprimer publiquement
Beaucoup de pistes ont par ailleurs été lancées, mais restent à finaliser, pour donner une visibilité et une légitimité à ces paroles de femmes. Ainsi, l’organisation d’un salon du livre des femmes a été évoquée, de même que la réalisation d’une anthologie comportant des éléments biographiques et des extraits d’écrits de chaque auteure du parlement ou d’un recueil de textes dans lequel chaque écrivaine ferait part de son rapport à l’environnement et à la terre. Car l’environnement est aussi leur combat. Une chose est sûre, à entendre Fawzia Zouari, elles donneront collectivement de la voix « à chaque fois que l’actualité l’exigera ».