La cour administrative d’appel de Paris a demandé, lundi 30 mai, au garde des sceaux de réexaminer dans un délai de deux mois des demandes d’agrément déposées par trois Témoins de Jéhovah pour exercer comme aumônier de prison bénévole. Faute de réponse, le ministère sera condamné à verser une astreinte de 100 euros par jour.
Le ministère de la justice a jusqu’à présent refusé d’accéder à cette demande spécifique, estimant notamment le nombre de personnes concernées trop faible et assurant que les détenus Témoins de Jéhovah pouvaient pratiquer leur culte en prison. Le porte-parole de l’association des Témoins de Jéhovah, Jean-Claude Pons estime quant à lui à « une centaine » les demandes enregistrées au niveau national et souligne des situations différenciées selon les lieux de détention et les régions.
Le ministère de la justice « prend acte de cette décision qu’elle va analyser », a indiqué le porte-parole du cabinet du garde des sceaux. « Le ministère se réserve le droit de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’Etat », a-t-il ajouté.
RECONNUE COMME ASSOCIATION CULTUELLE
Depuis huit ans, en portant une trentaine d’affaire de ce type devant la justice, l’association des Témoins de Jéhovah a fait de ce droit une des dernières étapes de son processus de reconnaissance par les pouvoirs public. Inscrites en 1995 sur la liste des 172 « sectes », publiée par l’Assemblée nationale et considérée depuis comme caduque, les associations locales des Témoins de Jéhovah ont été reconnues comme des associations cultuelles par le Conseil d’Etat en 2000, tandis que des arrêtés préfectoraux ont conféré ce statut aux instances nationales du mouvement.
La jurisprudence de ces dernières années est régulièrement allée dans le même sens. Fin février 2010, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde) a en outre estimé que le refus d’aumôniers était « de nature à limiter l’exercice de la liberté de religion des détenus ».
Contestant l’argument du faible nombre de détenus Témoins de Jéhovah dans les établissements pénitentiaires, la Halde a aussi rappelé que cet argument, qui n’est pas utilisé pour les autres religions, « constitue une rupture d’égalité devant la loi ». La cour d’appel du tribunal administratif de Paris demande au ministère de la justice de se prononcer « en prenant en compte les attentes de la population pénale ainsi que la répartition au niveau interrégional des agréments demandés et délivrés aux ministres du culte concerné ».
« RELIGIONS MINORITAIRES »
En avril 2011, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a, de son côté, souligné le manque d’aumôniers dans plusieurs cas de figure : pour les « religions minoritaires » et l’islam mais aussi pour les cultes que l’administration pénitentiaire ne veut pas reconnaître comme tel en dépit de décisions de justice – comme les Témoins de Jéhovah.
Il a en outre estimé qu’il ne revenait pas à l’administration pénitentiaire de déterminer ce qu’est un culte. Depuis 1997, six cultes sont autorisés à intervenir dans les prisons : catholique, musulman, protestant, juif, orthodoxe et bouddhiste.
Source : LE MONDE par Stéphanie Le Bars