Des dirigeants de la secte juive Lev Tahor, autrefois établie au Québec, sont traduits un à un devant la justice américaine pour faire face à des accusations de kidnapping et d’exploitation d’enfants.

Deux dirigeants de la secte Lev Tahor, Yaakov et Shmuel Weingarten, seront extradés du Guatemala pour leur procès aux États-Unis, a annoncé The Yeshiva World lundi. Tous deux sont accusés d’avoir pris part à un complot visant à enlever une adolescente de 14 ans afin qu’elle puisse procréer avec son « mari », en 2018.

Ces mêmes accusations ont mené derrière les barreaux le leader du culte, Nachman Helbrans – fils du feu fondateur Shlomo Helbrans – en compagnie de son bras droit, Mayer Rosner, fin mars. Ils ont été condamnés à 12 ans de prison, suivis de cinq ans en liberté conditionnelle.

 

Les dirigeants de Lev Tahor « ont embrassé des pratiques extrêmes, comme la surveillance intrusive de ses membres, des raclées fréquentes et des mariages entre des mineurs et des membres adultes, indique le département de la Justice des États-Unis. Les enfants de Lev Tahor sont souvent sujets à des abus physiques, sexuels et émotionnels ».

Yoel Weingarten, dernier membre des cinq hommes liés au kidnapping, se trouve toujours au Guatemala et fait face à l’extradition vers les États-Unis. Son père, Yisrael Weingarten, purge déjà une peine de 30 ans dans un établissement carcéral américain pour des « infractions pénales graves ».

La fin de la secte ?

Ces procès à répétition pourraient sonner le glas du mouvement réputé pour la maltraitance des enfants et des femmes, selon Sonia Sarah Lipsyc, directrice du Centre d’études juives contemporaines.

« ​​C’est une secte ultra-minoritaire qui a été fondée par un homme qui est décédé, et dont le fils est en prison, explique-t-elle. Non, je ne pense pas qu’elle va pouvoir perdurer comme ça. En tout cas, je ne l’espère pas. »

Dans la foulée de l’enquête de 2018, des membres de Lev Tahov ont demandé l’asile en Iran, soulevant un tollé, notamment en Israël, pour des raisons de sécurité. Ils n’ont toutefois pas été en mesure de s’y rendre.

En février 2022, des membres de la secte ont été aperçus dans les Balkans et seraient désormais en Macédoine du Nord. Un autre leader, Uriel Goldman, a été vu il y a plusieurs mois à Brooklyn (New York), où il tentait de récolter des fonds.

PHOTO RICK MADONIK, ARCHIVES LA PRESSE

Uriel Goldman, en 2014

Une histoire québécoise

La secte Lev Tahor (qui signifie « cœurs purs ») a été créée dans les années 1980 à Jérusalem. En 2003, le fondateur Shlomo Helbrans obtient le statut de réfugié au Canada en raison de son opposition politique à l’existence d’Israël et malgré une condamnation pour enlèvement aux États-Unis.

Les membres de Lev Tahor s’établissent à Sainte-Agathe-des-Monts, dans les Laurentides.

Dix ans plus tard, Lev Tahor compte environ 45 familles. « Ce n’est pas le fait qu’ils sont ultraorthodoxes qui fait que c’est une secte, souligne Mme Lipsy. C’est le fait que ça a été créé par cet homme qui a fait subir, et son fils après lui, des violences aux femmes, aux enfants et aux autres membres. Ça implique, comme toutes les sectes, un endoctrinement et une obéissance totale au chef. »

Dès 2011, les services sociaux québécois et la Sûreté du Québec sont appelés à enquêter auprès des familles de Lev Tahor. En novembre 2013, la secte s’enfuit, à la faveur de la nuit, en Ontario, pour échapper aux services de protection de la jeunesse du Québec. Le printemps suivant, le mouvement s’envole vers le Guatemala.

De fuite en fuite

La secte compte alors entre 150 et 200 personnes, dont la moitié sont des enfants. Au Guatemala, des problèmes avec la population autochtone locale les obligent à déménager dans la capitale, où de nouvelles enquêtes de protection de la jeunesse les poussent vers Bovel, dans le sud du pays.

En 2017, Lev Tahor fuit à nouveau les services sociaux en s’envolant vers le Mexique. La même année, Shlomo Helbrans se noie dans une rivière au Mexique. Son fils Nachman Helbrans prend son relais et rapatrie la secte au Guatemala.

La violence au sein du mouvement augmente d’un cran à l’arrivée au pouvoir de Nachman Helbrans. Dans la même période, il impose le « mariage » et des relations sexuelles entre sa nièce de 12 ans et un homme de 18 ans. Sara Feige Teller, mère de l’adolescente, décide alors de fuir avec ses six enfants. Elle se réfugie à New York. C’est à cet endroit que deux de ses enfants seront kidnappés, puis retrouvés quelques semaines plus tard. D’autres tentatives d’enlèvement ont lieu en mars 2019 et en 2021.

« L’important, c’est que ce soit dénoncé et que des circuits de sauvetages puissent s’établir, affirme Sonia Sarah Lipsyc. Tout ce qui peut mettre un terme à ça, on peut s’en réjouir. »

source : https://www.lapresse.ca/actualites/2022-04-28/le-debut-de-la-fin-pour-la-secte-lev-tahor.php