Gabrielle Maréchaux, étudiante en journalisme à Sciences-Po, a reçu le prix 2018 « Religions-Jeunes journalistes » de l’association des journalistes d’information religieuse (Ajir) pour un reportage sur les missionnaires mormons en France.

La Croix : Pourquoi avoir choisi le sujet des mormons pour mener votre enquête ?

Gabrielle Maréchaux : Parce que tout le monde connaît le mot de mormon, mais nul ne sait très bien ce que recouvre cette organisation. Je savais que le rite de passage pour tout jeune mormon est de partir à l’étranger faire du prosélytisme, pendant un an pour les filles et deux ans pour les garçons. Je me demandais comment ceux qui arrivent en France, et qui doivent respecter tous les interdits de la religion mormone – ni alcool, ni tabac, ni café, ni relations sexuelles avant le mariage… –, perçevaient notre pays.

Vous écrivez au début de votre article : « Derrière leur sourire indécrochable, on trouve tout à la fois une institution puissante, une routine millimétrée et une foi optimiste. » Pouvez-vous décrire cette routine ?

G. M.  : Toute la vie des missionnaires mormons, partout à travers le monde, est codifiée de manière identique dans « Le Guide du Missionnaire », petit livre blanc que le missionnaire conservera toujours avec lui pendant deux ans. Ils se lèvent tous les jours à 6 h 30 et se couchent à 23 h 30. Ils vivent assez coupés du monde : ils ne peuvent envoyer qu’un mail par semaine à leur famille et ils n’ont droit qu’à deux coups de fil par an, à Noël et pour la fête des mères. Ils renoncent au cinéma, à la lecture, au suivi des informations…

Ils sont obnubilés par l’idée qu’ils n’ont que deux ans dans un pays et qu’il leur faut consacrer tout leur temps à propager leur religion. Ils ont un rythme intense, extrêmement rigoureux, et ils sillonnent tout le territoire. S’ils ne sont jamais seuls et toujours deux par deux, c’est sans doute à la fois pour se surveiller mutuellement et pour ne pas se démoraliser car ils se prennent beaucoup de refus.

J’ai assisté à un entraînement de missionnaires mormons à leur siège parisien, dans le Marais. Ils s’essayaient à des jeux de rôle, l’un jouant le passant qui pose les habituelles questions autour de Dieu, l’autre cherchant à le convaincre. Ils s’entraînaient à répondre le plus rapidement possible. Les missions coûtent la même somme partout : 400 dollars par mois. Ce sont les jeunes qui se la payent mais ils peuvent trouver une aide financière.

Avant de partir en mission, en France ou ailleurs, ils suivent une formation de six semaines à Salt Lake City (siège mondial de l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, dans l’Utah, aux États-Unis, NDLR), pour apprendre la langue, réviser leurs évangiles et apprendre des rudiments de culture française : faire la bise, fermer la bouche en mangeant, vouvoyer…

Parmi les mormons rencontrés, quel est celui qui vous a le plus frappé ?

G. M.  : William Woods, un directeur d’agence d’intérim originaire de Californie qui est revenu en France une seconde fois après y avoir fait une première mission en 1991-1993. William Woods a été un de mes informateurs, membre du staff au siège dans le Marais. Il m’a rappelé qu’il y a trente ans, on lui riait au nez quand il disait qu’il ne fumait pas tandis qu’aujourd’hui, toute la société française a compris la dangerosité du tabac.

Leurs méthodes ont évolué également : il y a trente ans, les missionnaires apprenaient par cœur un texte pour le réciter, tandis qu’aujourd’hui ils questionnent leur interlocuteur, s’approprient leur propre témoignage et travaillent sur leur site Internet. William Woods, comme d’autres membres du staff, a un rapport particulier à la France puisqu’il a des ancêtres français. Il a fait de longues recherches généalogiques pour baptiser certains de ses ancêtres.

 

source :

La Croix

Recueilli par Claire Lesegretain ,

le 08/02/2019

https://www.la-croix.com/Religion/Gabrielle-Marechaux-vie-missionnaires-mormons-tres-codifiee-2019-02-08-1201001209