En 1990, huit enfants sur dix terminaient leur parcours de catéchèse en faisant leur confirmation. Désormais, ce n’est plus qu’un seul enfant sur dix qui se rend jusqu’à l’étape finale.
À une époque où la pratique catholique est en chute libre, les jeunes Québécois sans religion se tournent principalement vers la spiritualité, révèle une étude menée par l’Université Laval. S’ils perçoivent la pratique religieuse comme « dogmatique et vieux jeu », la spiritualité représente pour eux une fenêtre vers l’« épanouissement personnel ».
Deux catégories
Les jeunes qui affirment n’appartenir à aucune religion se divisent en deux grandes catégories : les « non-affiliés » et les « désaffiliés ». C’est le constat qu’émet Jean-Philippe Perreault, titulaire de la Chaire « Jeunes et religions » à l’Université Laval, après avoir interviewé une quarantaine de jeunes de 20 à 32 ans « en forte majorité d’ascendances canadienne-française ». Les non-affiliés n’ont tout simplement jamais fait partie d’une religion, tandis que les désaffiliés s’en sont tranquillement désintéressés.
Pas assez de points communs
Le participant type de cette étude n’est pas du tout un « militant athée polarisé », relève Jean-Philippe Perreault. « C’est un jeune qui a 22 ou 23 ans, ayant connu un peu de pratique religieuse, qui est probablement baptisé, explique-t-il. Mais s’il voit une question lui demandant : “Appartenez-vous au catholicisme ?”, il répond “Non” par souci d’authenticité. Il refuse parce qu’il sent ne pas partager assez d’éléments de croyances avec les catholiques. »
Pourquoi la spiritualité ?
« Ça ne fait pas d’eux des personnes qui refusent la religion dans son ensemble », soutient Jean-Philippe Perreault, qui est aussi professeur de sciences des religions. Selon lui, les jeunes ont besoin de progression et de cheminement dans leur vie. « La spiritualité repose sur la question du choix et sur un individualisme qui n’est pas narcissique, explique-t-il. Ça concerne le souci de soi-même, la liberté de chacun, l’épanouissement personnel. Il y a beaucoup de discours “développement personnel” là-dedans. C’est même un peu thérapeutique. »
On veut se réaliser soi-même, on n’est pas du tout dans le “bien faire dans cette vie-ci pour obtenir la vie éternelle”. Autrefois, c’était le salut, et aujourd’hui, c’est le bonheur. La vie spirituelle existe dans le but de mieux vivre dans son quotidien.
Jean-Philippe Perreault, titulaire de la Chaire « Jeunes et religions » à l’Université Laval
Comment ça se manifeste ?
L’univers spirituel est « volontairement flou », selon le chercheur. En fait, la façon de vivre sa spiritualité peut dépendre de chaque personne. Pour certains, ce sont des activités comme la méditation ou le yoga qui permettent de la cultiver. Pour d’autres, c’est plutôt de croire en des phénomènes paranormaux, par exemple. « C’est commode, l’idée qu’un phénomène relève de la spiritualité. C’est un milieu qui se méfie des définitions toutes faites, souligne Jean-Philippe Perreault. En spiritualité, ce qui compte, c’est soi-même. On a besoin de progression et de cheminement. Au contraire, si c’était trop défini, si ça relevait trop d’une autorité, on s’en méfierait parce qu’il y a une crainte de lavage de cerveau. »
Le baptême
En 2001, près de 75 % des enfants nés dans la province ont été baptisés. C’est beaucoup plus que ce qu’aurait estimé le professeur titulaire à l’École d’études sociologiques et anthropologiques de l’Université d’Ottawa Martin Meunier avant de connaître cette donnée. « J’ai calculé ce chiffre plusieurs fois, tellement j’étais dubitatif », indique-t-il.
« Même si les gens ont pris leurs distances par rapport à l’Église et qu’ils critiquent l’institution, le baptême faisait encore partie de l’identité nationale. Certains se disaient simplement : “J’ai été baptisé, donc je vais aussi baptiser mes enfants” », précise Jean-Philippe Perreault. Aujourd’hui, environ un bébé québécois sur trois est baptisé, ajoute Martin Meunier.
Autres données frappantes
En 1965, pendant la Révolution tranquille, le pourcentage de la population québécoise qui participait aux messes dominicales chaque semaine était de 80 %. Près de 60 ans plus tard, ce taux avoisine les 10 %. « Ça donne un beau portrait de la situation sur le plan statistique », commente Martin Meunier. En 1990, huit enfants sur dix terminaient leur parcours de catéchèse en faisant leur confirmation. Désormais, ce n’est plus qu’un seul enfant sur dix qui se rend jusqu’à l’étape finale. Et chez les jeunes adultes, même si les 18-35 ans ont toujours été la tranche d’âge la moins susceptible d’être religieuse, la proportion des « sans religion » continue de grandir.
« Au prochain recensement, on verra un fléchissement important de l’appartenance catholique. Pourquoi ? La thématique des prêtres pédophiles continue, et à cela s’ajoutent les sépultures autochtones, ce qui décrédibilise le catholicisme auprès des Québécois et des Canadiens », conclut M. Meunier.
source :
22/05/2022
WILLIAM THÉRIAULT
LA PRESSE