Derrière la fondation Drug free world, officiellement installée à Cayenne la semaine dernière, on retrouve l’église de la scientologie. Cette organisation d’origine américaine considérée comme sectaire en France a notamment été condamnée pour « escroquerie en bande organisée ». Décryptage.
Si les buts affichés par la fondation Drug free world (Un monde sans drogue), implantée à Cayenne depuis la semaine dernière, sont louables, son origine, elle, est controversée. Même si aucun des tracts ne le mentionnent et qu’a aucun moment de la conférence de presse la semaine dernière, où de nombreux politiques ont répondu présents, le sujet n’a été évoqué, cette fondation est une émanation de l’église de la scientologie. Les élus affirment ne pas avoir été informés du lien entre la fondation et l’organisation. Celle-ci, considérée comme sectaire en France a déjà été condamnée a de multiple reprises (voir ci-dessous) et fait l’objet d’une surveillance de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Cette mission interministérielle confirme que « la fondation participe à des campagnes visant à recruter de futurs adeptes de la scientologie sous le masque de la lutte contre la consommation des drogues ».
L’église de scientologie se définit comme une religion, fondée par Lafayette Ron Hubbard, auteur de science-fiction dans une précédente carrière, qui a pour ambition de « fournir à l’individu une voie précise menant à une compréhension totale de sa vraie nature spirituelle et des rapports qu’il entretient avec lui-même, sa famille, les groupes, l’humanité, toutes les formes de vie, l’univers matériel, l’univers spirituel et l’Être suprême ». Afin de recruter ses adeptes, cette organisation composite avance masquée, en créant une multitude d’associations ou de structures dont les liens avec l’église de scientologie ne sont pas clairement mentionnés. « Elle se caractérise par son prosélytisme, l’un des usages de ce mouvement étant de convertir autrui à l’occasion d’un test de personnalité gratuit, de la diffusion de tracts ou de brochures, de conférences « d’introduction » gratuites, ou de toutes autres manifestations « culturelles » ou à visée humanitaire », précise la Mivilude. C’est la première fois que la fondation Drug free world s’implante en Guyane, mais elle est déjà présente dans d’autres régions françaises, sous un nom différent mais avec des objectifs semblables, comme nous l’explique la Miviludes, « autour des manifestations sportives ou festives qui rassemblent des jeunes, il nous a été signalé la diffusion de tracts « Non à la drogue, oui à la vie » qui est une émanation de la Scientologie. »
« J’ai mes convictions religieuses »
Sous couvert de désintoxication, la scientologie propose des cures dans des centres Narconon, que l’on retrouve dans le monde entier bien qu’en France aucun ne soit officiellement déclaré. « Dans ces centres on prône une « purification » avec une prise intensive de vitamines, des séances de sauna ainsi que des régimes alimentaires particuliers, qui s’accompagne d’une forte incitation à adhérer aux idées de la scientologie », précise la Mivilude. La journaliste Alizé Utteryn, ambassadrice pour la fondation Drug free world pour les Amériques, dont l’association Alizé la vie est le pilier de la mise en place de ce programme, explique cependant n’avoir aucun lien avec la scientologie. « Je suis catholique, j’ai mes convictions religieuses et aujourd’hui je fais une campagne dans l’intérêt général. L’idée c’était de pouvoir profiter de ce programme qui est mis à disposition gratuitement et qui permet de lutter contre la drogue. Je précise que la scientologie n’a rien financé, tout ce qui a été dépensé, l’a été sur mes fonds propres et ceux de mes partenaires. Aux États-unis, la scientologie n’est pas vue de la même manière, c’est une religion et je n’avais pas imaginé que ça créerait une telle polémique ! » Elle n’a en revanche, pas renoncé à finaliser l’installation de la fondation Free drug world, fin novembre.
Premier signalement en Guyane
La préfecture explique que« l’implantation de la fondation dont il est question n’est pas connue pour l’heure, mais le groupe de travail sur les dérives sectaires prévu par la circulaire du 6 septembre 2018 du ministre de l’Intérieur a prévu de se réunir au mois d’octobre, en présence de représentants de la Miviludes. »
« Déstabilisation mentale »
L’approche analytique des risques de dérives sectaires des mouvements dont les agissements sont attentatoires aux Droits de l’homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l’ordre public ou sont contraires aux lois et règlements conduit la Mivilude a apprécier le risque sectaire sur plusieurs critères. En ce qui concerne la scientologie, les critères les plus éclairants sont : la déstabilisation mentale ; les exigences financières exorbitantes ; les ruptures avec l’environnement d’origine ; le détournement des dispositifs et les fraudes économiques ; l’opacité de la gestion et des circuits financiers ; et l’existence de procédures judiciaires et de contentieux administratifs ou commerciaux.
En 1997, par la cour d’appel de Lyon, de l’ancien président de la scientologie à Lyon, pour homicide involontaire et escroquerie, ainsi que pour sa responsabilité dans le suicide d’un adepte.
En 1999 à Marseille, de cinq scientologues pour escroquerie.
En 2003, de l’ « Église de scientologie Île-de-France » pour le fichage illicite d’anciens membres.
En octobre 2013, condamnation définitive par la cour de Cassation de deux des principales structures françaises de la scientologie (l’« Association spirituelle église de scientologie-celebrity center » et sa librairie SEL), pour escroquerie en bande organisée, recel aggravé, extorsion, à des amendes d’un montant cumulé de 600 000 euros, de quatre de ses dirigeants à des peines de prison avec sursis et des amendes pour les mêmes faits, et enfin de deux autres responsables à des peines d’amendes pour exercice illégal de la pharmacie.
source : Samedi 14 Septembre 2019 – 03h15