Anne-Charlotte De Langhe du FIGARO
Confronté au vieillissement de ses adhérents, le mouvement use des moyens les plus modernes pour séduire associations, entreprises et collectivités.
Tout y est. En couverture, une photo de l’hôtel de ville, le nom du maire et les armes de la commune. Imprimé en couleurs, le livret est intitulé Le Chemin du bonheur, sous-titré Le Bon Sens pour être heureux. Sur une photo figurant au dos, le maire affiche son plus beau sourire et se dit «ravi de pouvoir offrir ce bouquin (sic)» à ses administrés… Ces derniers mois, plusieurs dizaines de villes en France ont reçu ce type de brochures personnalisées. L’expéditeur se veut discret. Derrière le logo imprimé en bas de page se cache pourtant l’Église de scientologie, disposée à rééditer l’ouvrage si besoin : 525 dollars pour 300 livrets.
Longtemps offensive, la Scientologie semble vouloir révolutionner ses méthodes de communication en douceur. L’Église fondée par l’Américain Ron Hubbard a remisé au placard le démarchage en pleine rue et s’appuie désormais sur la modernité : mailings, DVD, envois massifs de plaquettes d’information aux associations, collectivités territoriales, grandes entreprises… Les gendarmeries ont eu droit l’an dernier à leur brochure sur la lutte contre la drogue, vue par les scientologues. «Il s’agit d’une nouvelle stratégie d’occupation du terrain, relève Jean-Michel Roulet, président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. Ils partent chercher notoriété et respectabilité auprès d’organismes déjà bien établis sur le territoire».
Un système bien rodé
L’Association spirituelle de l’Église de scientologie d’Ile-de-France admet avoir «amélioré le marketing» de ses produits ainsi que la traduction de ses livres sur la «dianétique». En France, un budget de 50 000 euros est également consacré chaque année au lancement de campagnes dites «humanitaires». «Ils avancent masqués et leur système est parfaitement rodé». L’an passé, à l’occasion de la Journée des droits de l’enfant, une chaîne de télévision destinée au jeune public a diffusé sans le savoir un clip «très bien fait» réalisé et distribué par l’Association internationale des jeunes pour les droits de l’homme, «pure émanation» de la Scientologie. Une méthode que réprouve Danièle Gounord, porte-parole de l’Église de scientologie. «Nos stands et nos brochures sont toujours estampillés», rappelle-t-elle, ajoutant que «le prosélytisme de nos adeptes reste notre meilleure publicité».
Interrogée par la Commission nationale informatique et libertés fin 2007, la Scientologie aurait en outre confirmé avoir fait l’acquisition d’un fichier de noms, destiné à mieux cibler son public. Avec 40 000 à 45 000 adhérents en France «dont 10 % de membres actifs» , l’Église de scientologie reconnaît la première que sa population vieillit et qu’elle ne peut encore compter sur aucune célébrité censée jouer les ambassadeurs sur tout l’Hexagone, comme le fait l’acteur Tom Cruise aux États-Unis.
Elle ne lésine donc pas sur le nombre de courriers envoyés à tous les internautes visitant ne serait-ce qu’une seule fois son site Web. Victime d’un mystérieux virus faisant exploser le nombre de demandes de documentation, celui-ci s’est d’ailleurs retrouvé bloqué plusieurs jours en début de semaine.
Un coup dur supplémentaire pour l’Église, déjà affaiblie par moult rapports et commissions d’enquêtes parlementaires, mais également par un récent fait divers italien dans lequel serait impliqué l’un des principaux membres du Celebrity center parisien. Enfin, la perspective d’un procès-fleuve devant se tenir en 2009 en Belgique, et dans lequel sont poursuivis douze membres de l’Église de scientologie soupçonnés d’extorsion, escroquerie et non-assistance à personne en danger, ne laisse rien augurer de bon. Sauf aux yeux de Danièle Gounord, pour qui «le dossier est vide, monté de toutes pièces».