La cour d’appel de Paris rend aujourd’hui son jugement dans le procès de la branche française de l’Eglise de scientologie, poursuivie et condamnée en première instance pour « escroquerie en bande organisée » et « exercice illégal de la pharmacie ».
A plusieurs milliers de kilomètres de là, en Australie, Valeska Paris attend la décision avec intérêt.
La jeune femme, 34 ans, était destinée à un brillant destin au sein de la mouvance. Née d’une mère suisse et d’un père français, tous deux hauts gradés dans cette organisation pyramidale, elle devient membre, à 6 ans, de l’organisation des cadets, qui forme dès le plus jeune âge les futurs scientologues.
A 14 ans, elle rejoint la Sea Org, l’élite scientologue, et signe un contrat la liant « pour un milliard d’années » à la secte! Ce « bébé sciento », qui vit désormais au pays des kangourous mais a gardé sa double nationalité franco-suisse, a pourtant rompu brutalement avec son « Eglise », il y a bientôt trois ans, après douze années de ce qu’elle décrit comme « un véritable calvaire » à bord du « Freewinds », le navire amiral de la Scientologie.
Ce magnifique paquebot croise toute l’année en mer des Caraïbes et accueille les scientologues des plus hauts niveaux. Pour Valeska, il a au contraire été synonyme de prison.
« Ma mère a violemment rompu avec la Scientologie lorsque j’avais 17 ans, explique la jeune femme. Il fallait donc que nous, ses enfants, soyons déconnectés d’elle. » Le leader de la scientologie, David Miscavige, un Américain de bientôt 52 ans aujourd’hui, affecte Valeska à bord du « Freewinds ». « Impossible d’en partir, ils avaient pris mon passeport. Les huit premières années à bord, je ne pouvais descendre en escale qu’escortée. J’ai longtemps travaillé dans la salle des machines, ou alors je vendais des quotas de livres scientologues. Je ne me suis pas rebellée, j’étais prise dans un engrenage, et je ne connaissais que cela de la vie. »
Finalement, Valeska quitte le bateau fin 2007, à condition de se plier à un « projet de réhabilitation forcée » : une « retraite », selon la Scientologie, un camp de rééducation punitif pour ses opposants. Elle atterrit alors en Australie, y rencontre son futur mari et décide de quitter la secte.
Contacté, le siège américain de la Scientologie estime que le témoignage de Valeska Paris est totalement erroné.
Le Parisien
http://www.leparisien.fr/espace-premium/air-du-temps/j-ai-perdu-tout-un-pan-de-ma-vie-02-02-2012-1841313.php
Une ancienne scientologue : «J’ai perdu tout un pan de ma vie»
Valeska Paris est une ancienne membre de l’Eglise de Scientologie. Elle travaille dorénavant dans l’événementiel en Australie.
Elle parle un peu notre langue, souvenir de six années vécues à la frontière franco-suisse, quand elle fréquentait une école française. C’est la première fois que Valeska Paris s’adresse à un média français.
Comment est votre vie depuis que vous avez quitté la Scientologie?
VALESKA PARIS. Je mène une vie heureuse, j’attends mon deuxième enfant.
Je travaille dans l’événementiel.Cela n’a pas été facile pour trouver ce job. J’ai arrêté mes études à 14 ans, je n’ai aucun diplôme, hormis des grades scientologues. Il a fallu me réadapter au monde. J’ai subi un lavage de cerveau pendant les vingt-neuf premières années de ma vie. Les femmes de mon âge ont eu une adolescence, des histoires d’amour, de jeunesse, pas moi. J’ai l’impression d’avoir perdu tout un pan de ma vie.
Quelles relations avez-vous aujourd’hui avec votre famille?
Ma mère et ma sœur ont quitté la Scientologie, elles vivent désormais aux Etats-Unis, heureuses. Mon père, et mon frère sont toujours scientologues. Mon père vit à Chicago, et il a fait en sorte que toute sa famille nous éjecte de sa vie. Mes grands-parents vivent à Paris, je ne les ai pas vus depuis des années, et j’aimerais sincèrement reprendre contact avec eux.
Envisagez-vous de porter plainte ?
Je suis assistée de juristes et d’un avocat, car je sais à qui j’ai affaire. Mais il faut être lucide, je ne roule pas sur l’or, et en face, je me retrouve face à une multinationale richissime. Je n’ai pas les moyens d’attaquer la Scientologie. C’est une de leurs forces.
Pourtant, vous estimez que la place de David Miscavige (le chef de cette Eglise) est devant un tribunal.
Oui, et je ne suis pas la seule à le penser, même à l’intérieur de la Scientologie. Cet homme est bien éloigné des préceptes religieux de Ron Hubbard. Il ne parle que de money, money, money… et de pouvoir. Pour avoir le maximum de contrôle, il divise les familles. Il y a déjà eu de nombreux problèmes au sein de l’Eglise, jamais il ne s’est remis en question. Mais de plus en plus de monde sait ce qu’est vraiment la Scientologie aujourd’hui : un tissu de mensonges.
Vous suivez l’actualité judiciaire française de la Scientologie ?
Bien sûr, j’espère qu’elle sera condamnée. David Miscavige déteste la France. Un jour, nous avions organisé une fête pour Alain Rosenberg (NDLR : l’un des prévenus) sur le « Freewinds », il venait recevoir une récompense. Tout était décoré aux couleurs de la France. Miscavige, de rage, avait ordonné qu’on arrache tout! Il déteste la France, parce qu’il ne peut pas y faire ce qu’il veut. C’est un caillou dans sa chaussure.
Source : http://www.leparisien.fr/espace-premium/air-du-temps/la-scientologie-en-accusation-02-02-2012-1841312.php
Propos recueillis par Anne-Cécile Juillet 02.02.2012