Depuis 2014, la communauté doit faire face aux révélations d’agressions sexuelles commises par le père Thomas Philippe, père spirituel de Jean Vanier et accompagnateur de ses débuts. Le travail de vérité ne fait que commencer.
Ne pas « éluder cette réalité ». Le jour de la diffusion dudocumentaire d’Arte sur les agressions sexuelles commises contre des religieuses, dans lequel ont témoigné certaines des victimes du père Thomas Philippe, la communauté fondée par Jean Vanier a publié un communiqué.
Elle y redit « sa profonde compassion pour les victimes du père Thomas Philippe », rend « hommage au courage de ces femmes qui font entendre leur parole », et « condamne à nouveau avec force » ces « agissements inqualifiables, comme elle l’avait fait en 2015 lorsque l’enquête canonique a confirmé les faits qui lui étaient reprochés ».
La question de la vigilance
Elle reconnaît aussi le rôle de ce dominicain, frère du fondateur de l’Institut des frères de Saint-Jean (les « petits gris ») dans sa propre « genèse ». « Il a été le père spirituel de Jean Vanier et a inspiré ce dernier dans la fondation de L’Arche en 1964, dans le village de Trosly-Breuil au nord de Paris. Dans les années qui suivent, il continue d’agir dans le cadre de son ministère de prêtre en tant qu’accompagnateur spirituel de cette première communauté », rappelle le communiqué.
Car c’est bien dans le cadre d’une « emprise psychologique et spirituelle sur ces femmes » que ces agressions ont été commises, comme l’a reconnu l’enquête canonique. Cette dimension particulière aggrave à la fois le traumatisme pour les victimes, mais pose aussi la question de la vigilance de toute la communauté de l’Arche, et de Jean Vanier en particulier. Certaines des femmes agressées sexuellement par le père Thomas Philippe étaient des salariées de la première communauté, créée à Trosly-Breuil, avant que Jean Vanier ne décide de l’ouvrir « à une dimension interreligieuse, en désaccord avec le père Thomas Philippe ».
Des « espaces de paroles »
« Nous reconnaissons que cet épisode fait partie de notre histoire, qu’il nous faudra du temps pour le comprendre et l’intégrer dans toutes ses dimensions, écrivent les responsables de l’Arche Internationale. Nous refusons toute tentation d’éluder cette réalité. »
Engagée dans « la révision de ses procédures » en matière d’exploitation et d’abus sexuels, l’association doit présenter prochainement à ses membres un nouveau « code de conduite », validé en décembre par la direction internationale.
Des « espaces de paroles » ont été proposés aux membres choqués par ces révélations, et qui ont – pour certains – encore bien du mal à s’exprimer sur ce sujet, regrette un proche de la communauté. Des « gestes symboliques » ont été posés, comme la messe pour les victimes du père Thomas Philippe, célébrée par Mgr Pierre D’Ornellas, archevêque de Rennes et accompagnateur de l’Arche, dans la chapelle de Trosly-Breuil.
Une question délicate et douloureuse
« Nous avons cependant bien conscience que ces actions ne peuvent être suffisantes pour cicatriser les blessures de ces femmes,reconnaissent les dirigeants dans leur communiqué. Nous continuons à nous interroger sur la façon d’accompagner et de soutenir les victimes du père Thomas Philippe. »
Les 10 000 membres de l’Arche doivent enfin vivre avec cette question aussi délicate que douloureuse : que savait Jean Vanier et depuis quand ? Une question simple, dont la réponse apparaît de plus en plus complexe, même à ses plus proches amis et collaborateurs.
source : lacroix.fr