À l’origine de l’invention de l’homéopathie, le quinquina, une écorce qui soignait la malaria
Fin du XVIIIe siècle, un siècle avant Pasteur. L’existence des bactéries n’est pas encore connue. Samuel Hahnemann, un médecin allemand, estime que les substances thérapeutiques dont il dispose sont trop peu efficaces, voire fortement toxiques. En 1790, à l’occasion d’un travail de traduction de Lectures de la Matière médicale de William Cullen, il est amené à s’intéresser aux propriétés du quinquina. C’est ce que relatait Bernard Peyran, médecin homéopathe et directeur du Centre d’études et de documentation sur l’homéopathie, sur France Culture en 1998 :
Au départ, c’est l’observation que les ouvriers qui travaillaient au débitage de l’écorce de quinquina, développaient des pathologies professionnelles qui ressemblaient à ce que l’écorce de quinquina était capable de traiter à l’époque, c’est-à-dire la malaria. Et donc les gens en bonne santé, à l’époque, faisaient une intoxication professionnelle sous l’effet de cette écorce.
Samuel Hahnemann invente ainsi l’homéopathie, dont il tente de justifier les effets en invoquant un « principe de similitude« , pas forcément facile à saisir… Il s’agit de soigner « par le mal« , une maladie qui ressemble sémiologiquement à celle habituellement déclenchée par ce même « mal ». Principe que Bernard Peyran expliquait avec l’exemple de l’intoxication à la belladone :
Une intoxication par des baies de belladone va déclencher un certain nombre de troubles qui définissent l’intoxication atropinique, entre autres. Un malade qui n’a pas fait une intoxication atropinique mais une maladie qui sémiologiquement y ressemble, pourra bénéficier, selon le principe de similitude, de la prescription de belladone.
Deuxième principe de cette médecine alternative empirique ? La dimension infinitésimale du traitement : car Hahnemann dit se rendre compte qu’en donnant des quantités importantes du produit, il aggrave les maladies avant de les guérir, racontait encore Bernard Peyran :
De diminution en diminution de quantité, il est arrivé à constater que moins il donnait de produit, et paradoxalement, plus les gens guérissaient simplement, vite et de façon durable.
Mais à la question de savoir s’il était possible de justifier théoriquement l’efficacité de l’homéopathie, Bernard Peyran bottait en touche, dans cette même émission de 1998 : « On peut très bien imaginer qu’en utilisant un leurre pour stimuler une réaction, un leurre de maladie, on peut obtenir la réaction contre la maladie existante. En l’occurrence, on aura apprécié le mode de fonctionnement de l’homéopathie de la même façon que le vaccin… » Des hypothèses… mais définitivement une pratique qui, d’emblée, ne repose donc sur aucun fondement scientifique.
1988 : on cherche un fondement scientifique à l’homéopathie dans « la mémoire de l’eau » (spoiler : on ne le trouve pas)
En 1988, un professeur à l’Inserm, Jacques Benveniste, déboule dans le débat avec une théorie qui sera immédiatement très médiatisée, et très controversée, avant d’être totalement invalidée en 1993 : celle de la « mémoire de l’eau« . Derrière cette expression, il est question des basophiles, une classe de globules blancs qui libèrent une substance chimique lorsqu’ils sont sous l’action d’anticorps spécifiques. Benveniste était venu soutenir cette thèse – qu’il avait défendue dans la revue Nature – sur France Culture en 1988. Il estimait que ses résultats prouvaient que l’eau gardait la mémoire des basophiles, même à très haute dilution, et tendait ainsi à prouver scientifiquement l’efficacité de l’homéopathie. Mais un comité d’experts, après investigation dans le laboratoire du scientifique, dénonçait une « série d’expériences mal contrôlées. » Grand trouble dans la communauté scientifique… et polémiques violentes, dont cette émission du 26 octobre 1988 se faisait l’écho. Elle était intitulée « La science et les hommes » :
Malgré le non-fondement scientifique de l’homéopathie, cette pratique est reconnue par l’ordre des médecins en 1997.
L’état des débats aujourd’hui : « Pour faire la preuve de son efficacité, l’homéopathie devrait pouvoir faire mieux que le placebo, et ce n’est pas le cas. »
Aujourd’hui, à travers leur communiqué, les scientifiques européens dénoncent l’absence totale de « preuve solide et reproductible de l’efficacité des produits », au delà de leur effet placebo. Des produits populaires malgré leur coût (56% des Français y auraient déjà eu recours, et les traitements sont en partie remboursés par la sécurité sociale depuis 1965), mais dont ils se demandent même aujourd’hui s’ils ne seraient pas nocifs, dans la mesure où ils retarderaient la recherche de « soins médicaux appropriés« . Voici un extrait de ce communiqué :
En se fondant sur une analyse approfondie des résultats disponibles, l’étude révèle que chaque cas, pour lequel une efficacité clinique d’un produit homéopathique a été revendiquée, peut s’expliquer par l’effet placebo, une mauvaise conception de l’étude, des variations aléatoires, une régression des résultats vers la moyenne ou un biais de publication. L’effet placebo peut certes être utile pour le patient, mais on ne connaît cependant aucune maladie pour laquelle l’efficacité de l’homéopathie soit établie par des preuves robustes et reproductibles.
La Méthode scientifique du 7 septembre s’intéressait aux pseudo-sciences et aux raisons de leur succès. L’homéopathie y était longuement évoquée, notamment par le sociologue Gérald Bronner. Même son de cloche :
L’homéopathie fait des propositions qui sont testables. Elle dit qu’en prenant des choses fortement diluées, on obtient un effet thérapeutique qui est sensible d’un point de vue statistique. Très bien ! Testons cela… Il se trouve que ça a été testé, et à ma connaissance, l’homéopathie n’a jamais fait la preuve de son efficacité au-delà de son effet placebo, qui est un effet connu, positif, qui entraîne un pourcentage de guérison quand l’individu croit qu’il a pris un médicament. Donc pour faire la preuve de son efficacité, l’homéopathie devrait pouvoir faire mieux que le placebo, et ce n’est pas le cas.