Historique
Les premiers rapports publics
En Février 1983, le député Alain Vivien remettait au Premier ministre un rapport sur « Les sectes en France. Expression de la liberté morale ou facteurs de manipulation ? ». Ce rapport décrit une dizaine de groupes présentant un danger soit en raison de leur idéologie politique et de leur empire financier, soit parce qu’ils isolent leurs adhérents et les encadrent au sein d’une structure rigide.
Les premiers rapports publiés, à l’époque, en France et en Europe ont permis de mesurer la difficulté d’une prise en charge politique de la question des sectes. Des interrogations ont été exprimées sur la manière dont il fallait désigner les groupes à risques, sur la réponse à leurs agissements la plus susceptible de ne pas porter atteinte à la liberté de conscience et plus particulièrement, sur la mise en œuvre d’une politique préventive.
Dès 1984, le parlement européen soulignait la contradiction entre « protection du droit, parfaitement légitime, de croire et le droit, également légitime, de nourrir des inquiétudes quant aux conséquences des croyances ».
La première commission d’enquête parlementaire
C’est la répétition en 1994 et 1995, au Canada, en Suisse et en France des massacres des membres de l’Ordre du Temple Solaire qui sera à l’origine d’une première commission d’enquête parlementaire présidée et rapportée par les députés Alain Gest et Jacques Guyard et de la publication, le 10 janvier 1996, du rapport Les sectes en France. Ce rapport présente une vue globale du phénomène. S’appuyant sur des documents de travail des Renseignements généraux, il établit une liste de 173 groupes et développe dix critères de dangerosité justifiant une vigilance à leur égard. Il n’exclut pas la possibilité d’une amélioration d’un arsenal juridique qu’il estime insuffisamment appliqué mais insiste sur l’inutilité d’élaborer un régime juridique spécifique aux sectes. Il propose un travail de communication en direction des magistrats, réaffirme , comme le rapport Vivien, l’utilité d’un suivi des affaires propres aux sectes, tant au niveau national qu’européen et propose la création en France d’un Observatoire interministériel.
La création d’une structure interministérielle
Le 9 mai 1996, est créé, par le gouvernement Juppé, l’Observatoire interministériel sur les sectes (décret no 96-387 du 9 mai 1996 paru au Journal officiel du 11 mai 1996) présidé par le préfet Guerrier de Dumast, auquel succède, sous le gouvernement Jospin, le 7 octobre 1998, la Mission interministérielle de lutte contre les sectes (MILS). Placée auprès du premier ministre, elle est chargée notamment : D’analyser le phénomène des sectes ; à cet effet, elle doit être rendue destinataire par les différentes administrations concernées des informations que celles-ci détiennent sur les agissements des sectes ; elle peut également demander aux administrations de réaliser des études ou d’effectuer des recherches dans ce domaine ; D’inciter les services publics à prendre, dans le respect des libertés publiques, les mesures appropriées pour prévoir et combattre les actions des sectes qui portent atteinte à la dignité de la personne humaine ou qui menacent l’ordre public. A ce titre, la mission signale aux administrations compétentes les agissements portés à sa connaissance qui lui paraissent appeler une initiative de leur part ; elle dénonce aux procureurs de la République les faits qui sont susceptibles de recevoir une qualification pénale ; De contribuer à l’information et à la formation des agents publics sur les méthodes de lutte contre les sectes ; D’informer le public sur les dangers que présente le phénomène sectaire ; De participer aux réflexions et travaux concernant les questions relevant de sa compétence qui sont menés dans les enceintes internationales.
La seconde commission d’enquête parlementaire. En 1999, une deuxième commission d’enquête parlementaire présidée et rapportée par les députés Jacques Guyard et Jean-Pierre Brard publie un rapport « Les sectes et l’argent ». Ce rapport s’attache à démontrer que pour les sectes, « l’argent constitue souvent à la fois le moteur du véhicule, la destination du trajet et les méandres du chemin » (page 10). Il contient des développements importants sur les patrimoines des principaux mouvements identifiés comme étant à caractère sectaire.
La loi About/Picard : Le 12 juin 2001, le parlement votait la loi dite About/Picard, destinée à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires : La conception française de la lutte contre les sectes a suscité de nombreuses réactions internationales, favorables, critiques ou simplement intéressées. De fait, le dispositif français apparaissait comme relativement exceptionnel. Le 28 novembre 2002, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) était créée par le gouvernement Raffarin par décret.
Les missions de la MIVILUDES s’inscrivent dans le consensus français de protection des victimes et de l’ordre public. La veille et la lutte prend en compte les seuls actes et comportements contraires aux lois et règlements, portant atteinte aux droits fondamentaux de la personne ou troublant l’ordre public.
Après Jean-Louis Langlais, de 2002 à 2005, puis le préfet Jean-Michel Roulet de 2005 à 2008, la présidence est assurée par Georges FENECH magistrat, en octobre 2008. Ce dernier a été reconduit à la tête de la MIVILUDES pour trois ans en 2011. Serge BLISKO, actuellement Président, lui succède en 2015.
La troisième commission d’enquête parlementaire : En 2006, une troisième commission d’enquête parlementaire, présidée par Georges FENECH, alors député, et rapportée par Philippe VUILQUE, s’est consacrée à la situation des mineurs. Intitulé « l’enfance volée, les mineurs victimes de sectes », le rapport s’est attaché à montrer en quoi les enfants constituent une proie pour les organisations sectaires et a appelé à une vigilance accrue des administrations concernées en ce domaine en proposant 50 recommandations touchant à l’éducation, à la santé, au droit pénal et au droit de la famille.
Définition juridique
Respectueux de toutes les croyances et fidèle au principe de laïcité, le législateur s’est toujours refusé à définir les notions de secte et de religion, afin de ne pas heurter les libertés de conscience, d’opinion ou de religion garanties par les textes fondamentaux de notre République.
La dérive sectaire. Il s’agit d’un dévoiement de la liberté de pensée, d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l’ordre public, aux lois ou aux règlements, aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.