La Croix
24/09/2008
Le magistrat du Rhône Georges Fenech, ancien président de la commission d’enquête sur les sectes et les mineurs, a été nommé mardi 23 septembre à la tête de la Miviludes. Un organisme dont il veut renforcer les missions
{{La Croix : Quels sont vos projets en matière de lutte contre les dérives sectaires ?}}
Georges Fenech : En juin, j’ai été chargé d’une mission sur « la justice face aux dérives sectaires ». J’y présente douze préconisations. En premier lieu, je pense qu’il faut doter la Miviludes d’une dimension plus décisionnelle et opérationnelle. On pourrait imaginer, en accord avec les ministères de la justice et de l’intérieur, la constitution de cellules spécialisées avec des fonctionnaires, des psychiatres, des psychologues, des enquêteurs, etc., qui pourraient se déplacer sur le terrain lorsqu’il y a une suspicion de dérive sectaire.
{{Début 2008, l’Élysée disait vouloir recentrer l’action de la Miviludes sur les « mouvements dangereux ». Là, ne risque-t-on pas au contraire d’étendre ses prérogatives ?}}
D’abord, c’est la loi qui guidera mon action. Nous serons vigilants sur tout ce qui se situe en dehors de la loi. Je suis très attaché au respect des libertés. La dérive sectaire est une atteinte aux libertés individuelles. Mais j’aurai toujours à l’esprit le respect de la laïcité et la liberté de conscience. Ensuite, je pense que la Miviludes ne doit plus se cantonner à la réflexion et à l’information. Il faut aller plus loin. Et pour cela, lever toute ambiguïté sur le statut de la Mission. C’est pourquoi je propose d’inscrire la Miviludes dans la loi, alors qu’elle ne relève, pour l’heure, que d’un décret.
{{Mais faut-il se concentrer sur les mouvements dangereux ?}}
Encore faudrait-il définir ce qu’est un « mouvement dangereux ». La mouvance sectaire est hétérogène. Un mouvement en apparence non dangereux peut très bien, du jour au lendemain, se révéler dangereux. Il faut donc être attentif, sans exclusive.
{{D’autres évolutions vous semblent-elles nécessaires ?}}
La spécialisation de certains juges aux affaires familiales me paraît nécessaire, à l’heure où un certain nombre de conflits familiaux se développent sur fond sectaire. Il faut aussi à mon sens installer un correspondant « dérives sectaires » dans chacune des neuf directions régionales de la PJJ (NDLR : protection judiciaire de la jeunesse). Par ailleurs, je souhaite ouvrir une réflexion sur le point de départ de la prescription : aujourd’hui, elle court à partir de la commission de l’infraction. Je suis favorable à ce qu’on la fasse démarrer à compter de la majorité de la victime, comme pour l’inceste.
{{Faut-il dresser une liste des sectes ?}}
Non, car il s’agit d’un phénomène très mouvant. Une dérive sectaire peut être le fait d’un grand groupe comme d’un seul charlatan qui va s’installer comme naturopathe.
Recueilli par Marianne GOMEZ
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