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Cinq membres d’une même famille ont chuté d’un immeuble, quatre sont morts. Le mystère se lève peu à peu autour des profils des cinq membres d’une même famille qui se sont défenestrés le jeudi 24 mars, à Montreux, en Suisse. Le père de famille, ancien polytechnicien, avait coupé les ponts avec ses proches depuis des années. Ils semblaient s’être coupés de la société, adeptes des théories survivalistes.
Un homme, deux femmes, deux enfants. Voilà le résumé, sur le papier, des profils des membres de la famille qui ont chuté, tour à tour, du 7e étage de l’immeuble dans lequel ils vivaient, à Montreux, en Suisse. Scruté à la loupe, ce drame familial qui a pour le moment coûté la vie à quatre membres sur cinq – l’adolescent de 15 ans a survécu et serait dans un état jugé « stable » – apparaît cependant sous un tout autre jour.
Selon les premiers éléments de l’enquête en effet, la thèse du suicide collectif est privilégiée. L’absence de traces de lutte, combinée à la présence d’un petit escabeau sur le balcon de l’appartement dans lequel vivait la famille, ainsi que la chronologie des faits, laissent supposer que les cinq occupants ont chuté volontairement, tour à tour, de l’immeuble. L’élément déclencheur du drame : le passage aux aurores de deux gendarmes devant l’appartement ce jeudi 24 mars, pour un problème de scolarisation à domicile de l’adolescent, dans le but d’exécuter un mandat d’amener. Quelques dizaines de minutes plus tard, le drame survenait.
« De quoi remplir deux camions »
D’après les témoignages recueillis par différents médias, la famille vivait recluse, comme coupée du monde, persuadée que la fin du monde pouvait être proche, comme l’attestent les quantités très importantes de cartons de nourriture retrouvés dans le logement. « De quoi remplir deux camions », selon un témoin. Au point qu’un banal passage des forces de l’ordre au domicile familial puisse pousser ses membres au drame…
Pourtant, rien dans le parcours des « adultes » de la famille ne laissait présager tel destin. Le père de famille, identifié comme étant Éric David, 40 ans, était un élève particulièrement brillant durant sa scolarité, au point d’avoir été diplômé de la prestigieuse école polytechnique. Selon son profil professionnel sur Linkedin, il aurait travaillé pour plusieurs ministères français en tant que spécialiste informatique après la fin de ses études.
Il était marié depuis près de 15 ans à Nasrine Feraoun, 41 ans, dentiste de profession. Elle n’est autre que la petite-fille de l’écrivain algérien Mouloud Feraoun, qui fut proche d’Albert Camus en son temps.
« Ils ont brutalement coupé les ponts »
Mais juste après leur mariage, qui correspond environ à la naissance de leur fils, Allan, seul rescapé de la tragédie, ils avaient « brutalement coupé les ponts » avec l’ensemble de leurs proches, « sans aucune explication », a témoigné l’un des beaux-frères du couple au JDD. Alors que le parcours de Nasrine Feraoun fait mention de son installation en tant que dentiste en 2008 à Vernon dans l’Eure, elle aurait rejoint la Suisse en 2014 avec sa famille. Une date qui correspondrait grossièrement avec sa deuxième grossesse…
Difficile de l’affirmer avec certitude en effet, car le deuxième enfant du couple, une petite fille de 8 ans, morte elle aussi, n’était pas enregistrée auprès des autorités et n’allait pas à l’école. Une existence recluse, qui interroge elle aussi. Tout comme la présence de la troisième adulte de ce macabre fait divers : Narjisse Feraoun. Il s’agit de la sœur jumelle de Nasrine. Selon les derniers éléments de l’enquête, elle était la seule à travailler à l’extérieur du domicile familial. Ophtalmologue de profession, elle exerçait ces derniers mois à temps partiel, à la Clinique de l’œil de Sion, dans le Valais.
Les deux sœurs ont grandi dans un milieu relativement aisé, à Paris, fréquentant notamment le prestigieux lycée Henri-IV, alors que le père, Éric David, a lui été élevé dans les quartiers sud de Marseille, les mieux réputés de la cité phocéenne. Comment la trajectoire de cette famille a-t-elle pu dévier si tragiquement ? La réponse à cette question résidera sans doute dans l’interrogatoire que pourront peut-être mener les autorités avec Allan, l’adolescent de 15 ans, seul survivant du drame, s’il se remet suffisamment de ses blessures…
source : Publié le 29/03/2022 LA DEPECHE