Une possible expérimentation de la méditation dans les établissements scolaires suscite le débat. La Ligue des droits de l’homme y voit une atteinte à la laïcité.
Mieux gérer le stress, réguler les émotions, faciliter la concentration et l’apprentissage, améliorer les relations en classe… Les promesses de la pratique de la méditation à l’école ont de quoi séduire aussi bien les enseignants queles élèves et leurs parents. Elles semblent tout près également de convaincre Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation nationale. « L’idée fait son chemin, nous avons eu de nombreux échanges avec le ministère. Le conseil scientifique de l’Éducation nationale va se saisir de la question », assure le député Gaël Le Bohec. Ce grand fan de la méditation pleine conscience – il souhaitait même voir l’Assemblée nationale rembourser des séances aux élus – a remis en début d’année un rapport proposant de lancer une expérimentation dans 200
classes.
Sollicité par L’Express, le ministère temporise : « Ce document est un rapport d’initiative parlementaire, que nous n’avons pas commandé. Il n’a débouché sur aucune conclusion de notre part », indique-t-on rue de Grenelle, où l’on confirme tout de même la saisie prochaine du conseil scientifique présidé par le Pr Stanislas Dehaene. Il n’en fallait pas plus pour émouvoir un certain nombre d’observateurs, à commencer par la Ligue des droits de
l’homme (LDH). L’association vient de publier un communiqué demandant au ministère de renoncer à tout projet en ce sens, au nom de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Si les tenants de la méditation pleine conscience y voient une pratique laïque, celle-ci trouve en effet ses origines dans la mouvance New Age et le bouddhisme.
« Nous avons voulu alerter l’opinion publique, car en poursuivant dans cette direction, le ministère sortirait du cadre de l’instruction pour aller vers une démarche comportementale, avec un point de vue idéologique et médical. Cela nous paraît très éloigné de la mission de l’Education nationale », explique Malik Salemkour,
président de la LDH.
« L’Etat n’a pas les moyens de contrôler les intervenants »
Pourtant, la méditation pleine conscience a déjà fait son entrée par la petite porte au sein des établissements scolaires. Comme le rappelle d’ailleurs Gaël Le Bohec dans son rapport, près de 425 écoles, collèges ou lycées ont déjà proposé cette pratique à leurs élèves. S’il s’agit à chaque fois d’initiatives locales, du fait de professeurs, d’animateurs, ou de chefs d’établissements convaincus, cette tendance n’avait pas échappé à la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, désormais rattachée au ministère de l’Intérieur). « Le problème, c’est que l’Education nationale et les mairies (pour les activités périscolaires, NDLR) n’ont pas les moyens de contrôler les intervenants », s’inquiétait ainsi l’an dernier son ancienne secrétaire générale. Et de fait, en Bretagne, une école a accueilli une intervenante formée à la méditation par une organisation appelée Palais doré des lémuriens, spécialisée dans la « récupération d’énergie vitale par le saut quantique » (sic)…
« En acceptant la méditation dans les enceintes scolaires, on lui accorde une forme de reconnaissance et de légitimation », regrette l’avocat honoraire Jean-Pierre Jougla, membre du groupe phénomène sectaire de la LDH.
Si cette méthode, qui consiste à se concentrer sur sa respiration et laisser venir ses pensées sans les contrôler, est aujourd’hui très populaire, elle n’est pas exempte de risques. Serge Blisko, l’ancien président de la Miviludes, alertait ainsi régulièrement sur la possibilité de mise sous emprise mentale en cas de pratique encadrée par des personnes mal intentionnées. La mission a d’ailleurs reçu 150 saisines à ce sujet entre 2018 et 2019. Sans aller jusque-là, sait-on si la méditation peut réellement apporter un bénéfice aux élèves ? « Nous avons des retours très positifs des enseignants qui la proposent dans leurs classes. L’idée de l’expérimentation est justement de le démontrer scientifiquement. Des travaux existent à l’étranger, mais une seule étude a été réalisée en France à ce
jour : elle était encourageante, mais de petite taille », défend Gaël Le Bohec.
Pour le moment, les preuves de l’efficacité de la méditation à l’école s’avèrent de fait plus que limitées. L’étude française, menée sur 139 enfants, soit 85 participants à un programme de méditation et 54 dans un groupe contrôle, n’a pas montré de différences significatives entre les deux groupes. Sauf pour les 30% les plus en difficulté, souffrant d’anxiété notamment. « Mais cela ne veut rien dire car si on s’occupe de ces enfants, qu’on leur accorde du temps et de l’attention, ils iront forcément mieux que ceux à qui on ne propose rien », assure un scientifique membre du groupe phénomène sectaire de la LDH. De même, les dernières revues de la littérature scientifique sur le rôle de la méditation en milieu scolaire montrent surtout que les travaux réalisés jusqu’ici étaient entachés de tels biais méthodologiques qu’il n’est en réalité pas possible d’en tirer des conclusions fiables.
source :
Par Stéphanie Benz
publié le 26/06/2021 à 10:48 , mis à jour à 12:43
https://archive.ph/2Ffs2
&
https://www.lexpress.fr/actualite/faire-‐mediter-‐les-‐enfants-‐a-‐l-‐ecole-‐une-‐bonne-‐idee-‐
vraiment_2153674.html