Ebruitée par nos confrères du journal «Les Echos », l’affaire d’inceste qui secoue Yeumbeul Nord est tout simplement une affreuse. Libération quotidien a pris connaissance des éléments de l’enquête. Chez Souleymane Aïdara, à Djiddah Marine, c’était «la maison de l’horreur ».
«Je suis un guérisseur et je pars souvent au Nigéria pour acquérir des connaissances mystiques. La dernière fois, c’est avant le mois de Ramadan. J’ai adhéré à une secte à Abuja. Après avoir fait mes preuves en matière de «lastar », j’ai eu une rencontre avec le guide suprême. Ce jour-là j’ai dû sacrifier à un rituel consistant à me laver les mains et les pieds avec une eau sacrée. C’est par la suite qu’un membre de la secte m’a annoncé que j’avais conclu un pacte avec le diable et qu’il faudra honorer mon engagement en obéissant à toutes les instructions du guide suprême. J’ai pris peur et j’ai demandé à quitter la secte. Mais pour me libérer, il fallait que je leur apporte soit 30 têtes de singe, un doigt ou encore du sang d’un membre de ma famille. Sinon, ils allaient sacrifier mes deux fils si je quittais la secte. Après moult efforts, je n’ai pu trouver qu’une tête de singe. Cela n’a pas suffi. Et pour éviter la mort de mes deux fils, ils m’ont demandé de coucher avec une de mes filles et de recueillir son liquide vaginal ».
Souleymane Aïdara : «J’avais conclu un pacte avec le diable ».
C’est la terrible confession faite par Souleymane Aïdara, aux enquêteurs du commissariat de Yeumbeul ce 19 novembre, alors que son placement en position de garde à vue venait de lui être signifié. A vrai dire, le «guérisseur » domicilié à Djiddah Marine et père de cinq enfants se savait totalement grillé face aux dépositions accablantes des témoins et des victimes présumées, ses propres enfants.
C’est presque les yeux fermés que le procureur du tribunal de Pikine-Guédiawaye a ouvert une information judiciaire pour viols par une personne ayant autorité, pédophilie, détournement de mineures, corruption de mineures et charlatanisme contre celui qui a vu le jour le 7 juillet 1975 à Pikine.
Tout a commencé au premier jour de la garde à vue du mis en cause, vers 13 heures 30, lorsque M.Sall, «badiénou gokh », s’est présentée devant les policiers pour faire une dénonciation. «Je suis la présidente des «badiénou gokh » de la maternité de Yeumbeul Nord. Cumulativement, je suis déclarant sur la protection de l’enfant et je suis affiliée à la Maison rose. L’oncle des victimes y est membre comme moi. Dans la journée du 18 novembre, vers 12 heures, ce dernier m’a interpellé et m’a rapporté que ses deux nièces l’ont informé que leur père entretenait des rapports sexuels forcés en l’absence de leur mère. Il m’a donné le numéro de leur cousine qui m’a confirmé que les victimes, élèves en classe troisième et de seconde, étaient effectivement violées par leur père. J’ai moi-même interrogé par la suite F. dite H. Aïdara qui m’a confirmé qu’elle a été violée à plusieurs reprises par son père depuis qu’elle à l’âge de 7 ans alors qu’elle était à l’école coranique. Elle a jouté que son père proférait des menaces de mort pour coucher avec elle. Pire, elle m’a rapporté que le mois dernier, elle avait des retards de règles de deux mois et quand elle s’en est ouverte à son père, il lui a donné à boire une potion à base de poudre végétale. Quant à sa grande sœur, elle m’a déclaré qu’elle n’a jamais couché avec son père. Toutefois cette dernière lui a, à maintes reprises, fait des propositions dans ce sens ».
Des faits confirmés par G. Lam face aux policiers : «Dimanche 14 novembre, vers 17 heures 30, ma sœur nommée R.Lam m’a déclaré qu’elle s’entretenait avec notre cousine H. Aïdara . Au cours de la discussion, cette dernière lui a révélé que son père leur a fait comprendre qu’il a intégré une secte qui lui exigeait le liquide vaginal émanant d’une jeune fille de leur âge comme sacrifice. Pour satisfaire cette exigence, il leur imposait des rapports sexuels. J’ai fondu en larmes mais pour ne pas aller vite en besogne, j’ai interpellé H. Aïdara qui m’a effectivement confirmé les faits. C’est en ce moment précis que j’ai informé mon cousin policier. Je dois vous dire qu’en 2012, le mis en cause avait tenté de me violer chez lui alors qu’à l’époque j’avais 14 ans. Il m’avait entraîné dans sa chambre et m’a ôté la jupe avant de me palper les seins. Mais avant qu’il ne passe à l’acte, j’ai poussé des cris de détresse pour me sauver. Pris de peur, il m’a aussitôt relâché et j’ai pris la fuite ».
G. Lam : « En 2012, alors que j’avais 14 ans, il a tenté de me violer ».
L’oncle des victimes présumées, qui héberge leur maman, a aussi livré un témoignage poignant aux enquêteurs. A.Kane révèle : «Les victimes sont mes nièces. Elles se nomment A. Aïdara et F.dite H. Aïdara. Elles sont âgées respectivement de 18 et 16 ans. Elles sont les filles de ma sœur M.Kane qui est malade depuis un moment et vit avec moi pour les besoins de son traitement contre les troubles psychiques. Elles sont restées vivre avec leur père qui est tout sauf un bon père. Il y’a quelques jours, une nièce à moi, vivant en Europe m’a rapporté les confidences de H. Aïdara à sa sœur qui est à Dakar. La petite s’est alors confiée à moi.
Comme sa sœur, elle m’a raconté toutes les horreurs que leur père les faisait subir. Il faut savoir que dès que leur mère a été amenée chez moi, le mis en cause a commencé à dormir dans la même chambre que ses trois enfants à savoir les deux victimes et leur frère âgé de 12 ans. Ne pouvant pas contraindre l’aînée, il a fait de F. son objet sexuel. Un jour, son père a menacé de la jeter du balcon si elle refusait. Il est même allé jusqu’à le torturer physiquement. F. a affirmé que son père a commencé à la violer depuis qu’elle a 7 ans, elle en a 16 aujourd’hui. L’ainée m’a certifié que son père a toujours essayé mais elle a tout le temps refusé. Elle rapporte que son père a rejoint une secte maçonnique qui lui a réclamé leur liquide vaginal pour le rendre riche et puissant ».
A.Kane : «Dès que la maman des enfants est venue chez moi, il a commencé à dormir avec eux ».
Mais, c’est de la propre bouche de F. dite H. Aïdara que les enquêteurs allaient cerner les actes abominables du père : «Quand j’avais 7 ans, mon père avait loué une petite chambre non loin de chez nous pour y recevoir ses visiteurs et formuler des prières comme il se disait marabout. De retour de l’école arabe, ma sœur A. Aïdara, ma cousine K.Ba et moi-même passions le voir là-bas. Il envoyait toujours ma soeur et ma cousine lui faire des commissions. Il me caressait et me pénétrait. Depuis, il n’a pas cessé de me violer jusqu’au jour où il a voyagé au Nigéria. Je n’en avais jamais parlé car il m’avait menacé. Durant le mois de ramadan 2021, il est rentré au Sénégal. Il est resté un moment sans rien faire, mais mon calvaire a repris. Récemment, il a commencé à me faire des attouchements et j’ai résisté. Il m’a menacé. Deux jours plus tard, il est venu me déclarer qu’au Nigéria, il faisait partie d’une secte maçonnique. Il m’a proposé d’entretenir avec lui des rapports sexuels tous les deux jours. Il m’a aussi déclaré que si je ne le faisais pas, son organisation allait tuer un de mes frères. Il m’a supplié de l’aider et j’ai alors accepté. Le mois d’octobre 2021, il a constaté lui-même que je n’avais pas vu mes règles.
Il m’a donné une potion avant de me faire un test de grossesse qui est revenu négatif. Après il a sorti son sexe et m’a demandé de le sucer. J’ai fait ça jusqu’à ce qu’il jouisse. Non seulement il menaçait de me jeter du balcon si je parlais mais il me disait aussi que certains secrets doivent rester au sein de la famille au risque de la diviser ».
H. Aïdara : «Il a commencé à me violer quand j’avais 7 ans et j’en ai 16 aujourd’hui ».
Sa sœur aînée, A. Aïdara confirme et enfonce le clou : «Souvent, durant la nuit, je voyais une ombre et j’entendais un bruit étouffé, émanant du côté où se trouvaient mon père et ma sœur. Ceci m’a intrigué quand, il y’a de cela trois semaines, mon père est venu me demander d’avoir des rapports sexuels avec lui. J’étais sidérée. Pour me convaincre, il m’a avoué entretenir des rapports sexuels avec ma sœur depuis des années. Il a ajouté appartenir à une secte maçonnique basée au Nigéria qui lui a demandé de coucher avec sa progéniture pour assurer sa survie. Il m’a dit que ma vie et celle de mes frères dépendaient de mon obéissance. Il a indiqué qu’il lui fallait juste 20 tiges de coton imbibées du liquide vaginal de ses filles. Je me suis levée et je suis partie sans dire un mot. (…) Une nuit, je l’ai surpris en train de de me caresser. Dès que je me suis levé, il a sursauté avant de partir. Il a essayé à plusieurs reprises mais j’ai refusé ».
A.Aïdara : «Mon père m’a dit qu’il lui fallait 20 tiges de coton imbibées du liquide vaginal de ses filles ».
Pourtant, les enquêteurs allaient découvrir une autre abomination, après avoir constaté, sur réquisition, que A. Aïdara avait une déchirure ancienne de l’hymen. Quand elle avait 9 ans, elle a été violée à plusieurs reprises par le fils de sa tante qui fait l’objet d’une autre procédure.
source :Libération quotidien/édition du 25 novembre 2021.