Un an de prison avec sursis a été requis, mardi 23 novembre contre la femme gourou Éliane Deschamps, jugée à Dijon pour dérives sectaires, et qui, selon l’accusation, a enfermé ses adeptes dans une « prison spirituelle » au nom de la Vierge Marie. « Tout cela est une vaste supercherie », affirme Pascal Labonne-Collin pour le ministère public, à propos des messages qu’Éliane Deschamps dit recevoir de la Sainte Vierge tous les 15 du mois à 00 h 06.
Dès 2002, comme l’a rappelé le procureur adjoint, « l’archevêque de Dijon avait interdit à la prévenue de faire du prosélytisme autour de ces apparitions, qu’il considérait comme farfelues ». Mais ces apparitions, que « la gourelle théâtralise, attirent du monde » dans la communauté dont le nom « Amour et miséricorde » masque un « abus de faiblesse parfaitement constitué », a-t-il souligné. Par la « soumission », la prévenue a enfermé les membres de sa « secte » dans une « prison spirituelle » de laquelle « on ne peut s’extraire ». Elle « les menace d’exclusion, de bannissement et mène des procès quasi-staliniens où on accuse en public », selon l’accusation. Le procureur adjoint a cependant estimé que l’état de santé de la prévenue, âgée de 67 ans, était incompatible avec un emprisonnement, requérant donc du sursis, tout comme pour son coprévenu, sa « petite main », Daniel Delestrac, 75 ans.
« Pas d’emprise »
À rebours de ceux qui ont dénoncé des abus, des membres actuels de la communauté sont venus mardi 23 novembre devant le tribunal pour jurer de leur « liberté » et saluer la « générosité » d’Éliane Deschamps. « Il n’y a pas eu d’emprise », a ainsi assuré à la barre Anne-Marie Antiphon, 61 ans, en affirmant être « libre ». Démentant les accusateurs, elle assure qu’il n’y avait « pas du tout » d’esclavage – « les tâches étaient partagées » – ni « punitions ».
« Je ne suis pas sous influence », a lui aussi affirmé Julien Guyader, 45 ans, démentant les déclarations de sa mère, Marie-France de Beaucourt, qui dit ne pas l’avoir vu depuis quinze ans en raison de « l’emprise de la secte ». « Je ne suis pas enfermé » dans ce « groupe de prière », aujourd’hui installé à Petit-Noir (Jura), martèle-t-il.
Rodolphe Bosselut, un des avocats des parties civiles, a fustigé ces témoignages positifs relevant, selon lui, d’une « entreprise de cosmétique » destinée à masquer une « emprise ». Citant le dossier, l’avocat a évoqué les affirmations d’un prêtre qui a, en 2003, visité la communauté et acquis la conviction que sa fondatrice était « une manipulatrice ».
« L’ordre divin »
« On n’attrape pas les mouches avec du vinaigre », a poursuivi l’avocat, en qualifiant de « produit d’appel » ce qu’Éliane Deschamps décrit comme des apparitions de la Vierge. « Insidieusement », « l’obéissance » s’instaure, ainsi que la « dévotion », accuse Me Bosselut, balayant les très rares démentis de la prévenue.
Les récalcitrants ont « des claques », « doivent recopier sans fin des écritures », ou, par exemple, « laver le linge de toute la communauté, à la main »
Et les récalcitrants ont « des claques », « doivent recopier sans fin des écritures », ou, par exemple, « laver le linge de toute la communauté, à la main », poursuit le conseil. Les adeptes sont « des objets entre les mains » d’Éliane Deschamps, a abondé Loïc Duchanoy, autre avocat des parties civiles, évoquant un « conditionnement » au profit de celle qui dit : « J’ai une position dominante ; je suis celle qui voit la Vierge ; je parle pour le Christ ; j’ai une légitimité énorme. »
La femme gourou peut ainsi se permettre une « immixtion forte dans la vie privée » des adeptes. L’une reçoit « l’ordre divin de quitter son mari », ce qu’elle a fait. Une autre se voit interdire de demander une péridurale lors de son accouchement, poursuit Me Duchanoy. Privés de « leur vie normale », les adeptes forment la « cour » de la voyante, répondant à ses moindres caprices : ils doivent la « masser », « lui ramener 5 000 escargots », lui acheter « des centaines de chapeaux »… Et l’entretenir financièrement, selon l’avocat.
La prévenue est restée de marbre, assise dans un fauteuil roulant et reliée à une bouteille d’oxygène.
Il est probable que le jugement soit mis en délibéré.
source : Par SudOuest.fr avec AFP
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