{{Arte diffusera à partir d’aujourd’hui sa nouvelle émission, “Médecines d’ailleurs”. Dans chacun des 20 épisodes, un médecin est parti à la découverte des médecines traditionnelles encore pratiquées dans quelques coins reculés du globe. Ce médecin, c’est Bernard Fontanille, urgentiste à Chamonix.}}
Comment soigne-t-on une poussée de fièvre dans les steppes de Mongolie, là où le paracétamol est aussi répandu que les yacks en Haute-Savoie ? Quel est le secret des habitants de l’île japonaise d’Okinawa, qui compte le plus de centenaires au monde ? Ces questions, Bernard Fontanille, médecin urgentiste à Chamonix, se les est posées il y a quelques années, et a décidé de partager les réponses avec le plus grand nombre. D’où son idée de crééer une émission de télévision autour des médecines d’ailleurs.
Assurant la sécurité médicale sur des événements comme le tournage d’un James Bond dans le massif du Mont-Blanc, le Raid Gauloises ou l’émission « Rendez-vous en terre inconnue », le docteur Fontanille est entré en contact avec la société de production Bonne Pioche. Il a rencontré le producteur Alexandre Soullier : « J’ai pris une heure pour lui expliquer mon idée. Il a dit oui. C’est aussi simple que ça », s’étonne encore Bernard. On est en novembre 2011. Avec le journaliste Nicolas Cennac, ils proposent des sujets d’émission à Arte, qui souhaite redynamiser la tranche horaire de fin d’après-midi avec des concepts innovants.
« En Éthiopie, on demande l’avis du sorcier avant de prendre un médicament »
« En mai 2012, on est parti tourner un épisode pilote en Mongolie pendant 15 jours avec le réalisateur David Perrier. On a choisi ce pays qu’on connaissait bien tous les deux, parce qu’en Mongolie il suffit de mettre une caméra n’importe où, et c’est beau ». Bingo : Arte et Bonne Pioche sont emballés et commandent 20 épisodes de 26 minutes. Après mûre réflexion, Bernard Fontanille quitte son poste à l’hôpital de Chamonix pour se consacrer entièrement au tournage de « Médecines d’ailleurs ».
« Je ne suis pas parti avec l’idée de comparer la médecine occidentale et les médecines traditionnelles, mais plutôt d’aller à la rencontre de ceux qui les pratiquent encore. J’ai découvert des approches différentes de la médecine, de la maladie, de la mort. En Éthiopie par exemple, les gens demandent l’avis du sorcier avant de prendre un médicament. La médecine est aussi une question de culture », réalise alors le Dr Fontanille.
Dans les 17 pays visités (Chine, Kenya, Mongolie, Indonésie, Cambodge, etc), il a rencontré des soignants « isolés, sans équipe médicale derrière eux ». Chacun dans leur langue, avec l’aide de traducteurs qui ont disparu au montage, ils ont raconté leurs secrets à leur « confrère » français. Comme ces Japonais centenaires qui disent devoir leur longévité à l’exercice physique, à une alimentation saine, et une philosophie de vie tenace et optimiste. « J’ai vécu des rencontres très émouvantes. Chaque départ a été un déchirement, avoue le médecin chamoniard. Nous passions à chaque fois quatre à six jours en immersion totale chez un soignant ».
En allant à la rencontre de guérisseurs perdus au fond de la brousse, l’émission met en lumière ces gens ignorés des touristes et parfois même de leur propre peuple. Ils sont souvent mal vus, parfois assimilés à des sorciers. « Dans les pays que nous avons visités, les guérisseurs ont le même statut social que ceux qu’ils soignent, ils exercent souvent un métier à côté. Tous étaient très touchés qu’on vienne de si loin pour les rencontrer », se souvient Bernard.
« L’émission ne s’adresse pas à un public scientifique »
Certaines personnes qui ont déjà visionné les épisodes auraient aimé y trouver peu plus d’informations scientifiques. « Mais je ne voulais pas dresser un catalogue des techniques médicales, ce n’était pas le propos ! L’émission ne s’adresse pas à un public scientifique, j’ai préféré insister sur l’humain, répond Bernard. D’ailleurs, Arte ne souhaitait pas qu’on tourne des sujets anxiogènes. De toute façon, nous n’aurions pas pu : les pathologies les plus choquantes visuellement sont soignées à l’hôpital, pas par les guérisseurs. Une seule séquence, en Mongolie, n’a pas été gardée ; on y voyait un homme très malade et il aurait été trop compliqué d’expliquer de quoi il souffrait », détaille le Dr Fontanille.
De retour à Chamonix, le médecin aventurier a-t-il changé sa façon d’exercer la médecine ? « Ça n’a pas changé ma pratique, mais plutôt ma vision des médecines d’ailleurs. À Bali, je me suis rendu compte qu’on utilisait la même méthode pour détecter la fièvre, en observant les ongles, qui changent de couleur avec l’infection. En Indonésie, un soigneur utilisait la même technique que moi pour remettre une épaule en place. Je crois qu’il ne faut pas opposer les médecines, elles sont complémentaires”. Malgré un rythme de travail infernal à l’hôpital, “je suis peut-être plus à l’écoute de mes patients. Ces rencontres m’ont redonné de l’optimisme. Et j’ai encore beaucoup de choses à découvrir », conclut le médecin.
Une saison 2 s’impose !
source : http://www.ledauphine.com/haute-savoie/2014/03/02/du-massif-du-mont-blanc-aux-huttes-des-guerisseurs
Par PAULINE MOISY | Publié le 04/03/2014 à 06:06