S’il n’existe pas de profil-type du djihadiste violent, certains sujets attirés par ces thèses extrémistes sont des psychopathes lourds, qui y trouvent une justification à leur désir de passer à l’acte et un sens à leur vie, selon des experts.
Une expertise psychiatrique poussée des suspects soupçonnés d’avoir embrassé la cause de groupes radicaux, qu’ils soient ou non de retour de Syrie, pourrait permettre de mieux évaluer leur dangerosité potentielle, estiment-ils. « J’ai vu passer dans mon bureau des gens qui en droit commun commettaient des actes de torture et de barbarie, frappaient dès que quelqu’un les gênait », confiait récemment à la presse le juge antiterroriste français Marc Trévidic. « L’islam arrive et boum, ils trouvent une justification. On va pouvoir légalement, enfin légalement entre guillemets, légalement en Syrie, être violents ». « J’en ai croisé trois, quatre dont je me suis dit que de toute façon, ces gens là tueront. Au nom de l’islam ou dans une bagarre ou plus tard… Il y a des gens que vous croisez, vous savez qu’ils auraient été criminels même sans (le groupe) Etat islamique ».
Plusieurs experts-psychiatres interrogés par l’AFP, qui ont étudié les profils de djihadistes violents, estiment que certains relèvent avant tout de la psychiatrie. « Dans le recrutement, sur le plan de la psychologie individuelle, ça va de la personnalité la plus organisée (…) capable de jouer le jeu de la dissimulation, à l’autre extrémité, le psychotique délirant qui va se saisir de l’air du temps et alimenter son délire de la vision politique du terrorisme international. Il va commettre un crime en se revendiquant du djihadisme », explique l’expert-psychiatre Daniel Zagury. « Un certain nombre d’individus particulièrement instables, délirants ou pas, face à des instructions lancée sur l’internet demandant d’égorger les infidèles, vont s’en saisir et passer à l’acte », ajoute-t-il. « Ce qu’on appelle un loup solitaire, c’est parfois un malade mental qui va entendre cet appel. Des sujets qui ont des failles particulières vont mettre cet appel au service de leur désespoir ». Si elle estime, dans sa pratique qui la met en contact avec de nombreux cas de jeunes radicalisés dans le sud-est de la France, que les aspirants-djihadistes ne sont en général pas plus atteints de maladies mentales que le reste de la population, la psychologue clinicienne Amélie Boukhobza se « souvient d’un cas psychiatrique lourd, psychotique, qui ne tenait que grâce à ça. Il avait trouvé là-dedans le moyen d’arrêter son délire, de le canaliser vers quelque chose ». Le processus de recrutement au sein d’une filière djihadiste présente des similitudes avec celui qu’utilisent certaines sectes: isolement du sujet, pression psychologique intense, utilisation de films et d’images montées dans le but de le persuader qu’il a été élu pour faire partie d’une petite élite vertueuse, face à un monde extérieur hostile et malfaisant. Certains sujets présentant des failles psychologiques graves sont des cibles rêvées, ajoute le Dr Zagury. « Pour certains sujets faibles, tuer au nom de Dieu permet une inversion des valeurs: vous faites le bien, vous êtes dans le rachat, vous donnez du sens à votre vie, vous êtes dans la reconnaissance groupale. De surcroît vous allez aller au paradis où les vierges vous attendent… »
Le docteur Roland Coutanceau, psychiatre et criminologue, président de la Ligue française de santé mentale, ajoute que ces sujets « sont souvent en quête d’identité, avec une forme de problématique de l’égo. Ça leur donne une mission valorisante, ils deviennent des héros négatifs, qui se réalisent à leurs yeux dans un acte héroïque ». Face notamment à l’afflux d’apprentis-djihadistes rentrant des zones tenues en Syrie et en Irak par le groupe Etat islamique, qui menace de submerger sous le nombre de suspects à surveiller les services de police et de renseignement, les psychiatres peuvent apporter leur expertise, ajoute-t-il.
« Il faudrait tenter d’évaluer sur le plan psychiatrique ceux qui sont signalés comme radicalisés, pour établir une hiérarchie de dangerosité présumée », dit-il. « Il ne faut pas les mettre tous au même niveau. Il faudrait tenter d’établir une potentialité du risque, en sachant que c’est très difficile et que les risques d’erreur sont importants ».
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