La salle de culte, à la décoration sobre, où est donnée la cérémonie de la sainte cène à la fin de la réunion dominicale.L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours compte autour de soixante-dix fidèles dans l’agglomération orléanaise. Ils se réunissent, chaque dimanche, à Saint-Jean-de-la-Ruelle, pour leurs classes et l’office.
Construit dans les années 1950, en même temps que les pavillons des sous-officiers américains de l’Otan du quartier de la Petite-Espère, à Saint-Jean-de-la-Ruelle, le bâtiment borde la nationale qui file, vers l’ouest, jusqu’à l’échangeur de l’A10. Seule, une plaque discrète, à côté de l’entrée, trahit son caractère religieux : « Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours » – l’appellation officielle du mouvement mormon.
À l’intérieur, des couloirs aux murs immaculés desservent les petites salles où les fidèles se retrouvent, le dimanche matin, selon leur âge et leur sexe, pour les classes qui précèdent l’office mixte. Gérard, retraité, a inscrit dans l’une d’elles l’ordre du jour sur le tableau noir : « Cultiver ses talents ». Le formateur en partage un à son groupe. Un air d’harmonica hérité du temps où il « gardait les vaches de (son) père invalide » ; bien avant de rejoindre l’Église mormone, « par amour du Christ ».
Une hygiène de vie
La réunion dominicale – trois heures au total – se poursuit par la cérémonie de la sainte cène, dans une salle de culte aussi sobre que l’assistance est attentive. « C’est un moment très fort spirituellement. On y renouvelle les promesses faites pendant le baptême », explique Dominique Penverne. Cadre en ressources humaines, il se dit, ici, en charge des relations avec la presse, qu’il accueille avec un mélange de méfiance et de reconnaissance polie. À ses côtés, Émile Bailly, un des anciens, garde la mémoire de la communauté orléanaise.
Elle se serait établie sur les ruines de la Deuxième Guerre mondiale, dans la voie tracée par un cheminot fleuryssois, Roger Picard. D’abord rue des Minimes, à Orléans, puis à Saint-Jean-de-la-Ruelle, depuis les années 1980. Rattachée au « pieu » (l’équivalent d’un diocèse) d’Angers, elle compte entre soixante et quatre-vingts membres.
Tous se distinguent par une hygiène de vie exigeante. Le café, le thé – « des excitants » -, l’alcool et les cigarettes leur sont proscrits ; le premier dimanche du mois est jeûné, la pratique sportive encouragée et la famille placée au centre du système.
L’importance de la famille
Cette importance de la cellule familiale est « un message bien entendu à l’extérieur », estime le président-évêque de la paroisse orléanaise, Jean-Luc Vannson, pour qui les Mormons ont « l’image de gens honnêtes et travailleurs ».
Sa cravate nouée sur une chemise blanche, le Vosgien d’origine, comme tous les membres du clergé de base, est laïc et bénévole. Il tient son autorité des « révélations » du grand président-prophète, héritier de l’Américain Joseph Smith, qui a fondé l’Église, en 1830, après une apparition divine lui dictant le livre de Mormon. Elle a aujourd’hui son siège à Salt Lake City, dans l’Utah, de nombreux temples à travers le monde et quelques dizaines de fidèles réunis, chaque dimanche, dans un grand bâtiment de plain-pied, à Saint-Jean-de-la-Ruelle.
Une doctrine « exigeante »
L’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours ne figure pas sur la liste des sectes établie par un rapport parlementaire de 1996, mais l’association de défense des familles et de l’individu victimes de sectes (ADFI) lui prête une doctrine « exigeante » et une certaine forme de « prosélytisme », via son activité missionnaire.
« Derrière un visage extrêmement accueillant se cachent certaines dérives, soutient Marie-Françoise Bardet, présidente de l’ADFI Touraine. Leurs jeunes ne fument pas, ne se droguent pas, ne couchent pas avant le mariage et sont propres sur eux. Ça peut rassurer. Mais le contrôle social est important, il y a beaucoup de suspicion mutuelle parmi les membres de l’Église, qui sont un peu en rupture avec l’extérieur. » Une ancienne mormone raconte avoir évolué « dans un monde parallèle ».
Un monde dans lequel on considère détenir « la seule vraie religion », explique Marie-Françoise Bardet. Elle sait que, « dans une société de plus en plus compliquée », le cadre fixé par la communauté peut séduire : « La liberté est quelque chose de très fatiguant. Certains préfèrent se faire dicter leur façon de s’habiller ou leurs principes alimentaires. »
10 % des revenus
Entré dans l’Église, en 1988, parce qu’il ne s’y « retrouvait pas dans la religion catholique », Dominique Penverne regrette l’amalgame souvent fait, selon lui, entre les Mormons, les Amish et les Témoins de Jéhovah. Le Chapellois joue la transparence, pose sur les photos, invite les amateurs de généalogie à consulter (trois jours par semaine) les microfilms de leur centre d’histoire familiale et reconnaît observer, comme les autres fidèles, la « loi de la dîme » : chacun verse à l’Église le dixième de ses revenus.
Sébastien Duval
LA REPUBLIQUE DU CENTRE / 11 octobre 2010