D'Eau et de boue offre une plongée vertigineuse dans une Amérique profonde meurtrie par le désarroi, l'alcool et les croyances occultes.

D’Eau et de boue offre une plongée vertigineuse dans une Amérique profonde meurtrie par le désarroi, l’alcool et les croyances occultes. Robinson

LA CASE BD – Le tandem américain Adam Smith au scénario et Matthew Fox au dessin transporte le lecteur au cœur d’une Amérique profonde pétrie de brutalité et de croyances occultes. Saisissant.

Les berges désolées du Mississippi abritent le Flatbed, café clandestin dont le jeune Myers vient d’hériter après le suicide de son père. Les habitués de ce débit de boissons pour la plupart amochés par la vie, entourent le jeune homme ébranlé de toute leur compassion. Car Myers n’a pas uniquement hérité du lieu sordide de son père. Il lui doit aussi de profondes crises d’angoisse que seules l’eau et la boue du fleuve parviennent à calmer. La méthode est infaillible : dès que l’anxiété le submerge, il plonge ses pieds dans le Mississippi se rappelant les paroles apaisantes de son père. «Ça va passer. Ça finit toujours par passer», lui disait-il. Face à ce marasme, sa mère qui l’a abandonné petit, refait surface. Avec son mari, elle dirige une congrégation religieuse au culte mystérieux. Perdu, Myers se tourne vers elle, pour le meilleur et surtout pour le pire…

Le tandem américain Adam Smith au scénario et Matthew Fox au dessin offre avec D’eau et de boue (éd. Robinson), une plongée vertigineuse dans une Amérique profonde meurtrie par l’alcool, la brutalité et les croyances occultes. Un monde propice aux dérives sectaires. L’ouvrage brosse un portrait terrifiant d’une communauté fanatisée qui, sous prétexte de croyance religieuse, s’autorise la transgression des lois humaines sans sourciller. Une congrégation peuplée d’âmes en peine, en constante communication avec les morts et perdant pied avec la réalité. Relayé par le trait semi-réaliste de Matthew Fox et rehaussé par une ambiance froide et saisissante, cet ouvrage illustre les méandres les plus détraqués de l’âme humaine.

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«J’ai tenu à redonner corps à cet échange subtil de vulnérabilité et de protection que nous recherchons tous dans la famille» Robinson

Cette planche se situe à un moment clé du récit. Quand Myers subit une attaque de panique, son esprit convoque son père d’entre les morts. «Pour moi, cette page pose les bases émotionnelles du livre», explique Matthew Fox.

Privé de la présence de son père pour affronter ses angoisses, Myers entretient un lien psychique avec lui qui reflète ce qui les liait dans la vraie vie : un rapport basé sur un soutien mutuel, les deux personnages souffrant des mêmes troubles.

«Pour transmettre la nature exacte de la relation de Meyers avec son père, j’ai redonné un caractère physique à ce soutien. Dans cette relation incarnée, Meyers s’accroche faiblement à son père avant de le tenir lui-même debout. J’ai souhaité redonner corps à cet échange subtil de vulnérabilité et de protection que nous recherchons tous dans la famille. Cette quête est le nœud de la tragédie qui conduit Meyers sur un sombre chemin.»

Tout au long du récit, la teinte bleutée de la planche accompagne chaque crise du jeune homme. Une ambiance volontaire pour le dessinateur : «Cette palette de couleurs froides et crépusculaires me permet d’effectuer un contraste avec le tumulte, la vague de panique contre laquelle se bat Meyers.» Comme un prélude à un noir destin.

source :

https://www.lefigaro.fr/bd/d-eau-et-de-boue-plongee-au-coeur-des-derives-sectaires-20220423