2011: «Ma famille est comme une secte»
le samedi 29 juin 2013
Corse-Matin
Entre Tout sur ma mère et Femme au bord de la crise de nerf, le tribunal correctionnel a revécu le film coloré des Truong, une famille « surprenante », autrefois fusionnelle aujourd’hui « éclatée », selon le mot de la présidente. Une famille marquée aussi par la séquestration et l’enlèvement de leur fille Marie « pour la soustraire à l’influence d’une secte », selon ce que disait alors la défense. Son scénario n’était pas exact…
La mère Danielle Truong a été condamnée à deux ans de prison avec sursis et obligation de soins. Son époux Jacques et son fils Joseph, tous deux absents lors du procès car restés en Polynésie, écopent d’un an avec sursis. Ces peines s’accompagnent de l’interdiction d’entrer en contact avec la victime.
« Le culte du père Antoine n’est pas une secte! »
C’est depuis le banc de la partie civile que Marie Truong a retrouvé sa mère, effondrée à la barre, en repoussant sur le pupitre son paquet de mouchoirs. Ceux-ci s’étalaient sur un« grand mot d’amour » en forme de cœur rouge écrit par Marie, alors adolescente. « Si je me suis trompée, je m’en excuse, je ne comprenais pas pourquoi ma fille s’isolait, j’avais peur pour sa santé, je n’avais aucune intention maléfique, je le jure devant Dieu, je voulais sauver mon enfant », dit entre les sanglots et les tremblements de sa maladie de Parkinson Danielle Truong. De quel danger ? De son compagnon, (devenu depuis un an son mari), José Abba et de ses parents, adeptes du culte du père Antoine.
« Cette association n’est pas du tout sectaire, ni classée comme telle », a rappelé la présidente Marie-Josèphe Muracciole qui ne croit pas au repentir d’une mère classée comme« psychorigide »par les experts. Une« mère abusive », résume le magistrat, avant de reprendre la genèse.
Les causes ? Le tribunal décèle un litige sans doute d’ordre commercial. Le refus de la relation. Mais dans la chronologie, les faits sont moins légers.
Fin août 2011, le père et son fils attendent Marie dans la rue à Auriol, l’attrapent par le bras et la conduisent de force dans une voiture en la menottant. La jeune fille est obligée d’avaler des tranquillisants. Direction Nice puis Bastia, où la famille embarque pour le ferry en plaçant la jeune fille sur un fauteuil roulant. Arrivés dans l’île, les Truong se rendent vers Cargèse. De l’autre côté de la Méditerranée, son compagnon signale sa disparition et c’est finalement à Ajaccio que Marie pourra se libérer de l’emprise de ses parents qui la conduisent au commissariat. Cette histoire, Danielle Truong, qui dit être persuadée avoir sauvé sa fille, ne peut l’entendre sans fondre en larmes. C’est pourtant au cœur de la procédure sa propre fille qui lancera : « C’est ma famille qui est comme une secte ». A la barre, cette jeune femme au visage grave dissimulé en partie derrière une mèche prune et des boucles d’oreilles ornées de plume, n’accable pas. Mais veut dépasser ses angoisses. Et « comprendre », enfin, même si elle a coupé les ponts avec sa mère. Son conseil, Me Jean Boudot, se voudra l’avocat de la raison. Il niera en bloc toute sincérité de la mère et du père. L’enlèvement ? Signe de manipulation et d’autoritarisme. « Avec une vraie repentance, j’aurais pu entrevoir la vérité », concède-t-il.
Le ministère public qui avait longtemps hésité dans ce dossier n’a pas ménagé ses réquisitions.
Le procureur Julie Colin qui n’a pas cru au « théâtre » joué par la prévenue, a demandé deux ans de prison à son encontre (dont 18 avec sursis) :« C’est aujourd’hui que les masques doivent tomber : on a mis des menottes à Marie on l’a droguée et conduite de force dans un esprit délirant, c’est très grave ».Écumant un dossier où la mère a voulu « tout contrôler », le procureur rappelle que la jeune femme voulait seulement son indépendance familiale. « Cette famille est comme une secte, ce n’était pas un acte d’amour », a-t-elle conclu avec fougue en demandant contre le père et le fils 18 mois dont 10 avec sursis.
Luttant contre les émotions de sa cliente, son avocat, Me Luc-Philippe Febraro a tenté avec classe de brosser la querelle des « classiques et des modernes » pour justifier le comportement de sa cliente, au bord de la crise de nerfs. Rejetant le scénario cousu par l’accusation, le conseil a minoré la manipulation et plaidé la bonne foi.« On ne peut diaboliser les mis en examen et angéliser la victime », a-t-il conclu. Le tribunal a opté pour un purgatoire judiciaire.
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