Les réseaux sociaux et certaines plateformes vidéos, notamment YouTube, sont devenus des terrains de ralliement pour de nombreux gourous. (Image d'illustration)
Les réseaux sociaux et certaines plateformes vidéos, notamment YouTube, sont devenus des terrains de ralliement pour de nombreux gourous. (Image d’illustration) © Pixabay
Un rapport de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires rendu à Marlène Schiappa, la ministre en charge de la Citoyenneté, fait le lien entre la crise sanitaire et l’essor de gourous spécialistes autoproclamés en médecines alternatives. Désormais, la ministre entend faire de la lutte anti-sectes un combat politique.

ENQUÊTELe Covid-19 est un terreau favorable pour les dérives sectaires. C’est l’un des constats du rapport commandé par Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’Intérieur, en charge de la Citoyenneté, en octobre dernier. Certains gourous nient l’existence du virus, quand d’autres prétendent soigner leurs adeptes avec des prières. La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu plus de 3.000 signalements l’an dernier, soit une une hausse de 7% par rapport à 2019, qui s’explique en partie par les peurs que génère la pandémie mondiale.

Une contestation des mesures sanitaires mises en place face au Covid-19

En effet, près de 40% de ces signalements concernent le domaine de la santé et du bien-être. Plusieurs gourous, déjà installés dans le paysage de la médecine alternative, se prononcent aujourd’hui contre le port du masque ou contre la vaccination. C’est notamment le cas du Belge Jean-Jacques Crèvecœur, qui réunit 300.000 abonnés sur Facebook, et qui prétend dénoncer un complot autour de la 5G, à l’origine selon lui de l’apparition du virus.

Le repli que provoque ces organisations chez les adeptes est facilité par le fait que certaines personnes se sentent particulièrement vulnérables en ce moment, isolées par la crise sanitaire et ses répercussions économiques. Les méthodes et techniques pour les approcher ont évolué. Le porte-à-porte a laissé place à des lettres manuscrites, directement déposées dans les boîtes aux lettres. Des stages en visioconférence et des soins à distance sont parfois proposés, le tout à des tarifs exorbitants (jusqu’à 100.000 euros pour un coaching individualisé sur deux ans).

Des gourous dont l’audience s’élargit de plus en plus grâce aux réseaux sociaux

Autre particularité de la crise sanitaire, nous souligne une enquêtrice de la gendarmerie référente national « emprise mentale », c’est que la plupart de ces individus collaborent désormais en ligne. « En 2020, les gourous thérapeutiques se connaissent tous, s’envoient des patients, organisent des webinaires ensemble pour dénoncer le confinement, le port du masque ou la vaccination. »

L’audience toujours plus importantes de ces gourous est un autre élément d’inquiétude pour les autorités. Le youtubeur Thierry Casasnovas, aux 520.000 abonnés, a déjà dépassé le million de vues. Sans aucune formation médicale, ce Français incite ses adeptes à jeûner et à ne consommer que des aliments crus. Il est visé par une enquête pour mise en danger de la vie d’autrui

La réponse du gouvernement

Face à ce constat, le gouvernement entend faire de la lutte anti-sectes un combat politique. Pour le mener, Marlène Schiappa compte bien transformer ce qui était jusque-là un simple outil, la Miviludes, en une arme. « Ma volonté, c’est que dès qu’il y a un signalement à la Miviludes, désormais, il puisse donner lieu à une enquête de justice, si ce signalement est sérieux », a annoncé la ministre jeudi sur Europe 1.

La Miviludes, longtemps gérée par Matignon comme un dossier parmi d’autres sur le bureau du Premier ministre, a donc atterri place Beauvau. « La Miviludes est désormais placée sous mon autorité, au ministère de l’Intérieur. Nous la renforçons », a précisé Marlène Schiappa. « J’ai créé un conseil d’orientation de la Miviludes que j’installe avec des personnalités reconnues du sujet. Et je nomme une magistrate à sa tête, Hanène Romdhane, qui va avoir pour mission de diriger les services de la Miviludes et d’assurer un lien plus étroit avec la justice. »

Et pour muscler encore plus ce bras politique, la ministre promet plus de moyens et une meilleure collaboration entre ministères : des agents de Bercy lutteront par exemple contre les détournements d’argent, très pratiqués par les sectes. Dans une circulaire, Marlène Schiappa en appelle aussi à la vigilance des préfets pour qu’ils signalent les dérives. « Ça faisait des années qu’aucune instruction n’avait été donnée au préfet sur ce sujet. Désormais, nous leur demandons d’être très vigilants, notamment eu égard à la pandémie et aux dérives qui peuvent en découler. »

Politiquement, la Miviludes devient aussi un dispositif de lutte contre les séparatismes, alors que le texte de loi « confortant le respect des principes de la République » est toujours en cours d’examen au Parlement. « Dans ce projet de loi, nous avons adopté un motif supplémentaire de dissolution d’associations quand il y a atteinte à la dignité des personnes, ce qui est typiquement caractéristique des groupes sectaires. »

source :

Europe 1https://www.europe1.fr/societe/covid-linquietante-augmentation-des-derives-sectaires-depuis-le-debut-de-la-pandemie-4027495
Par Manon Dubreuil et Hélène Terzian, édité par Romain David