Les charlatans ont adapté leur discours pour coller à la crise du Covid.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a reçu 70 signalements d’arnaques et dérivés liés au coronavirus. Un phénomène inquiétant.
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui a récemment été rapprochée du Secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), a reçu pendant le confinement 70 signalements d’arnaques et de dérives liées au coronavirus, a dévoilé hier FranceInfo. Une situation inquiétante mais pas surprenante : le mystère qui entoure le virus SARS-CoV-2, l’inquiétude – légitime – des Français pour leur santé et celle de leurs proches, la défiance qui s’est installée face à la parole publique en général et celle du gouvernement en particulier ont constitué un terrain fertile pour les charlatans.
40 % des signalements à la Miviludes ont trait à la santé
Eux se considèrent plutôt comme des adeptes de la « médecine alternative », de la « médecine douce », ou de la « médecine naturelle » et ont profité à fond de la crise sanitaire pour distiller leurs « recettes » sur les réseaux sociaux ou leurs chaînes YouTube, quand ils ne vendent pas des produits miracles via leurs boutiques en ligne. Colliers pour « ioniser l’air ambiant », lampes UV pour « assainir l’atmosphère », tisanes « anti-Covid-19 », conseils pour changer son régime alimentaire, etc. Un florilège de produits présentés sur fond de théories complotistes, qui n’est toutefois pas nouveau.
« Quatre Français sur 10 ont recours aux médecines dites alternatives, dont 60 % parmi les malades du cancer. Il existe plus de 400 pratiques non conventionnelles à visée thérapeutique. 4 000 psychothérapeutes autoproclamés n’ont suivi aucune formation et ne sont inscrits sur aucun registre. Et on évalue à près de 200 le nombre de bio-décodeurs, à plus de 800 le nombre de kinésiologues, à environ 3 000 le nombre de médecins qui seraient en lien avec la mouvance sectaire », liste la Miviludes sur son site internet.
L’épidémie de Covid-19 n’a donc fait qu’accentuer un phénomène déjà bien établi… et sur lequel les « gourous » ont adapté leur communication. « Nous nous attendions à ce que cette épidémie stimule les réflexes conspirationnistes puisque c’est le cas à chaque fois. Mais nous n’avions pas prévu que cet imaginaire complotiste se banalise aussi rapidement. De ce point de vue, on a clairement franchi un cap en 2020 », expliquait récemment à La Voix du Nord, Rudy Reichstadt, directeur de Conspiracy Watch, l’observatoire du complotisme.
« Tenter le tout pour le tout »
« Nos agents chargés de traquer les pratiques commerciales trompeuses en ligne n’ont jamais autant travaillé que pendant le confinement », confiait à L’Express en avril dernier Loïc Tanguy, directeur de cabinet à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
La difficulté pour contrer les discours complotistes autour de la santé vient aussi du fait que certains chantres des « médecines alternatives » ont une audience considérable sur internet (voir page suivante).
« On ne peut pas en vouloir à des gens qui souffrent de pathologies de vouloir tenter le tout pour le tout. Mais les faits d’actualité contemporains qui expliquent cet engouement et qui se traduisent par une déconsidération de la médecine conventionnelle sont d’abord les grands scandales sanitaires, comme le sang contaminé ou le Médiator ; il y a aussi le fait que la médecine a trop longtemps considéré le patient comme un malade organique, sans le considérer dans sa personnalité totale. Les pseudo-thérapeutes ont parfaitement compris cela, mettant au point des techniques qui prennent en compte la souffrance psychologique », expliquait à La Dépêche Georges Fenech, ancien magistrat et ex-président de la Miviludes, qui appelle dans son dernier ouvrage*à plus de vigilance de la part des pouvoirs publics.
Comment reconnaître les arnaques ?
La Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviliudes) donne des conseils pour « reconnaître un charlatan ou un pseudo-thérapeute sectaire ».
« Quelques éléments de discours véhiculés par des charlatans de la santé ou des pseudo-thérapeutes, issus de signalements parvenus à la Miviludes, permettent d’alerter sur la dangerosité des méthodes pratiquées et sur l’existence d’un risque de dérive de nature sectaire. Cette liste n’est pas exhaustive mais correspond aux propos les plus couramment observés », indique la Mission.
Quelques propos qui doivent alerter
Il convient dès lors d’être particulièrement vigilant dès lors que votre interlocuteur : dénigre la médecine conventionnelle ou les traitements proposés par l’équipe médicale qualifiée qui vous prend en charge ; vous incite à arrêter ces traitements ; vous promet une guérison miracle là où la conventionnelle aurait échoué ; met en valeur des bienfaits impossibles à mesurer, comme « améliorer son karma » ou « la circulation des énergies internes » ; vous demande de vous engager en réglant à l’avance un certain nombre de séances ; vous propose des séances gratuites pour essayer telle ou telle méthode ; vous recommande l’achat d’appareils censés capter les énergies négatives ou de produits présentés comme miraculeux, souvent à des prix exorbitants, non remboursés par la Sécurité sociale ; vous promet une prise en charge globale qui prétend agir par une même technique sur le mental, le physique, voire sur toutes sortes de troubles ; vous présente une nouvelle vision du monde en utilisant des termes tels que : ondes cosmiques, cycles lunaires, dimension vibratoire, purification, énergies, cosmos, conscience… utilise un langage pseudo-scientifique très complexe ou au contraire, prétend avoir découvert un principe d’action extrêmement simple ; vous incite à vous couper de votre famille, de votre médecin, de votre entourage, pour favoriser votre guérison.