Les agissements passés de l’Église catholique se retrouvent une nouvelle fois montrés du doigt en Irlande. Une chercheuse a découvert qu’au moins 796 enfants morts entre 1925 et 1961 avaient été enterrés dans la fosse d’un ancien centre d’accueil pour enfants abandonnés dans la ville de Tuam, dans l’ouest du pays. Géré par les Sœurs du Bon Secours de Notre-Dame Auxiliatrice de Paris, une congrégation religieuse catholique française, le centre Sean Ross a fermé en 1961 avant d’être détruit. Des logements et des espaces de jeux pour enfants ont été construits sur son emplacement, mais la fosse est restée en place
À l’origine de la découverte, Catherine Corless, se souvient qu’« à l’école, nous nous moquions de ces enfants, a-t-elle raconté à la presse. Ils étaient toujours parqués au fond de la classe et les sœurs nous disaient : ‘‘si vous n’êtes pas sages, vous irez vous asseoir avec eux !’’ Je me suis toujours sentie mal à l’aise avec cet épisode de mon passé et je suis partie à leur recherche. »
Deux bébés mourraient chaque semaine dans le centre
Récemment, Catherine Corless apprend que deux enfants avaient découvert, en 1995, une petite tombe remplie d’os et de crânes, près de l’emplacement de l’ancien centre d’accueil. Les habitants du lieu pensaient qu’ils étaient morts pendant la grande famine du XIXe siècle et y avaient donc bâti un espace de recueillement avec une statue de la Vierge Marie. Elle a néanmoins demandé aux autorités locales combien d’enfants y avaient été enterrés. La réponse d’un responsable municipal est venue deux semaines plus tard, après examen des registres de décès. « Il m’a dit que le nombre était stupéfiant : des centaines et des centaines, pas loin de 800 enfants morts ! » assure-t-elle. Ce qui la choque, c’est que les responsables du centre « avaient placé les corps dans cette fosse, dans un simple linceul. Ils ne pouvaient pas payer des cercueils pour bébé ? »
Selon les registres municipaux, deux bébés mourraient chaque semaine dans le centre. À l’origine de cette mortalité infantile élevée, la négligence dont faisaient preuve leurs gardiennes, mais aussi la rougeole, la tuberculose et la pneumonie, signes d’un manque d’hygiène et d’alimentation. Une inspection menée dans le centre en avril 1944 décrit ainsi des enfants « misérables et émaciés ».
271 enfants et 61 mères célibataires
Cet état des lieux révèle une situation plus grave que la moyenne de l’époque : selon les données communiquées lors d’un débat parlementaire de 1934, un enfant sur trois né hors mariage mourrait pendant sa première année, soit un taux cinq fois plus élevé que les autres enfants.
Le rapport de l’inspection de 1944 indique également que 332 personnes logeaient dans le centre, prévu pour n’en héberger que 243 : 271 enfants et 61 mères célibataires. « Quand les filles tombaient enceintes, elles étaient totalement ostracisées, explique Catherine Corless. Les familles étaient effrayées que les voisins ne l’apprennent, parce qu’être enceinte hors mariage était la pire chose sur terre. C’était le pire crime qu’une femme puisse commettre, même si la plupart du temps, c’était à la suite d’un viol. »
Une fois leur bébé placé dans ce centre d’accueil, avant d’être adopté ou parfois « vendu », personne ne prenait de leurs nouvelles. Et personne ne venait évidemment chercher leur corps pour les enterrer.
Réaction du primat d’Irlande, Diarmuid Martin
L’archevêque de Dublin et primat d’Irlande Diarmuid Martin a rappelé ces derniers jours avoir déjà poussé pour « le lancement d’une enquête publique ou d’État » sur ces centres pour femmes célibataires et pour enfants. Car « il est important qu’un projet historique soit mené pour obtenir une image précise de ces centres (…) dont les problèmes de santé et le nombre des morts ont déjà été largement rendus publics ».
L’archevêque soutient d’ailleurs l’idée de l’ouverture de ces sépultures non identifiées tout en rappelant que ce processus est du ressort des autorités publiques. D’ici là, il rencontrera les responsables de la congrégation du Bon Secours afin d’organiser une levée de fonds pour émettre une plaque commémorative avec les noms de chacune des 796 victimes recensées.
source : la croix.fr par Tristan de Bourbon, à Londres