Un double constat est à l’origine du colloque international Les religions à l’école : pureté des principes, hybridation des pratiques ? qui se tiendra les 19 et 20 novembre 2013 : la domination de discours idéologiques, institutionnels ou prescriptifs sur la question des religions à l’école, d’une part ; la faiblesse relative de recherches empiriques, d’autre part. Par ailleurs, là où, en France, la question est rapportée à l’interprétation de la laïcité, elle est dominée au Québec par celle des accommodements raisonnables et dans d’autres pays par d’autres problématiques liées notamment la sécularisation croissante des sociétés. Dans tous les cas, à travers un débat public vif, les conditions du « vivre ensemble », les finalités de l’école, son organisation et les contenus d’enseignement sont réinterrogés.
La question des religions à l’école n’est pas nouvelle et a souvent été conflictuelle comme le montrent les travaux d’historiens de l’éducation : elle concerne aussi bien le calendrier (fêtes, congés), la place de l’enseignement religieux ou du ou des fait(s) religieux, de la morale, les contenus d’enseignement, les normes vestimentaires ou alimentaires. Les sociétés modernes, ouvertes caractérisées par la sécularisation et une pluralité des normes en lien notamment avec leur multiculturalisme croissant, sont confrontées à des demandes de reconnaissance de la part de religions auparavant ignorées ou traitées uniquement en cours d’histoire. Les revendications des religions minoritaires dans l’espace public politique (donc à l’école) interpellent les religions dominantes voire les stimulent dans le sens de la « reconquête » ou de la surenchère, vont à l’encontre de la logique de sécularisation et mettent en cause une laïcité heurtant les interprétations plus intégristes de chaque religion.
De plus, la massification des systèmes éducatifs aussi bien que les relations nouvelles des parents à l’école, plus volontiers perçue comme un service devant être adéquat à leurs attentes que comme l’émanation d’un ordre supérieur représentant l’intérêt général ou une entité transcendante, modifient les desiderata des parents, voire des élèves, à l’égard de l’école. Les professionnels de l’éducation sont pris entre des attentes contradictoires : celles de l’institution, des parents, des élèves, des groupes religieux sans parler de leurs propres convictions.
Les débats actuels sur les religions à l’école portent essentiellement sur deux dimensions : la vie scolaire (vêtements, nourriture, fêtes) et, avec une intensité plus basse, sur les contenus d’enseignement (sciences, sport, histoire, philosophie). Pour ces derniers, c’est l’enseignement du « fait religieux » ou les cours de morale et d’éthique qui, selon les contextes nationaux et les périodes, ont fait l’objet de débats publics et de quelques travaux de recherche. Ce qui se passe au quotidien dans les écoles et les établissements secondaires, dans les classes et dans les activités ou temps en dehors de la classe semble encore assez peu exploré.
Au moment où les modalités de présence du religieux dans l’espace public se renouvellent et se traduisent éventuellement par des revendications mettant en cause les accords existants sur ce qui peut se faire ou pas à l’école, interrogeant également ce qu’elle-même doit mettre en place ou pas pour respecter la liberté religieuse tout en assurant, selon les rhétoriques nationales, une « culture commune », un « socle commun », le « vivre ensemble », il semble opportun de faire un point sur la façon dont les acteurs s’emparent des débats liés à la place de la religion à l’école et les effets sur les pratiques des professionnels de l’éducation.
Cela nécessite d’adopter une perspective historique afin de ne pas prendre l’ancien pour du nouveau, mais aussi d’envisager comment les modèles politiques présidant aux choix nationaux structurent les arrangements effectués pour rendre compatibles des aspirations en tension (universalisme-s vs singularité) et pour comprendre les effets de ces arrangements sur les matrices nationales de la conception de la place des religions dans l’espace publique scolaire. Dans ce but, la perspective comparatiste est à encourager.
Le colloque se destine aux chercheurs mais il est aussi ouvert à des formateurs et à des enseignants particulièrement pour les séances portant sur les ressources pour enseigner et former.
{{Programme}} :
Mardi 19 novembre, matinée
9h-9h15: Accueil des participants.
Isabelle Lefort, Vice-présidente Recherche, Lyon 2, et Françoise Lantheaume, Directrice du laboratoire Éducation, Cultures, Politiques, Lyon 2 : Introduction.
Modèles politiques et religions à l’école
Micheline Milot, Département de sociologie, Université du Québec à Montréal et Directrice du Centre d’études ethniques des universités montréalaises : L’enseignement de l’éthique et de la culture religieuse au Québec : principes politiques et fondements juridiques.
Jacqueline Gautherin, Université Lyon 2, ECP : Tensions dans le modèle républicain en France : entre logique civique et logique de la reconnaissance.
Roger Monjo, Université de Montpellier 3, LIRDEF : Laïcité et société post-séculière.
Approche historique
Yves Verneuil, Université Champagne-Ardennes, CEREP : L’école et les religions, de l’Ancien Régime à nos jours : enjeux du passé, enjeux dépassés ?
Mardi 19 novembre après-midi (14 heures)
Vie scolaire et religions
Florence Bergeaud Blackler, IDEMEC/CNRS Aix-Marseille Université : Droit et économie du halaldans les cantines scolaires en France.
Philippe Foray, Université Jean Monnet Saint Etienne, ECP : Les voiles islamiques à l’école : une question de justice.
Sébastien Urbanski, Lyon 2, Institut des sciences et pratiques d’éducation et de formation (ISPEF) : L’expression de croyances religieuses dans l’enseignement public : une comparaison France-Pologne.
Atelier : Des ressources pour enseigner et former en primaire : quels usages ?
Animé par Isabelle-Saint Martin, IESR, avec Marine Quenin et Danielle André, associationEnquête : autour du jeu l’Arbre à défis, Hubert Pharabet, IEN circonscription Lyon Vaise Tassin,Annie Torres, professeure des écoles, maitresse formatrice, école Édouard Herriot à Villeurbanne.
Discutante : Angelina Ogier-Cesari, formatrice en histoire, ESPE-Lyon 1.
Mercredi 20 novembre matinée (9 heures)
Deux ateliers en parallèle porteront sur Contenus d’enseignement et religions. Étude comparée.
Questions vives
Noëlle Monin, ESPE-Lyon 1, ECP : Religions à l’école et enseignement de questions socialement vives en SVT au collège : la professionnalité enseignante mise à l’épreuve.
Anna Van den Kerchove, IESR, Paris: L’enseignement laïque de l’islam.
Guillaume Lecointre, Muséum National d’Histoire Naturelle, département de recherche Systématique et Évolution, Paris : L’école laïque face aux créationnismes.
Nicole Durisch Gauthier, HEP Vaud, Lausanne : Les discours créationnistes au sein de l’école publique suisse.
Religions et enseignement
Anne-Claire Husser, ESPE de Paris, Université Paris Sorbonne-Paris 4 : Ferdinand Buisson et l’enseignement de l’histoire sainte à l’école primaire : esquisse d’une approche laïque du fait religieux ?
Stéphanie Tremblay, Ontario Institute for Studies in Education of the University of Toronto : La construction de la citoyenneté dans les écoles juives et musulmanes au Québec.
Denis Poizat, Lyon 2, ECP : L’école comme vecteur du renouveau du judaïsme. L’expérience française de Rachel Gordin.
Mercredi 20 novembre après-midi (13h30)
Formation des enseignants
Philippe Gaudin, IESR : Laïcité et enseignement des faits religieux : quelle formation initiale et continue des enseignants ?
Philippe Borgeaud, Université de Genève : L’enseignement laïc des faits religieux autour de « grands textes ». Exemple du canton de Genève.
Table ronde : Des ressources pour enseigner et former en secondaire : quels usages ?
Animée par Philippe Martin, ISERL, avec Jean-Pierre Chantin, professeur d’histoire en lycée,Isabelle Blaha, professeure d’histoire en lycée agricole, Jean-Yves Pennerath, professeur d’histoire en lycée en classe franco-allemande, Isabelle Bourdier-Porhel, professeure d’histoire-géographie en collège.
Françoise Lantheaume, ECP, Philippe Martin, ISERL, et Isabelle Saint-Martin, IESR :Conclusion : perspectives de recherche, enjeux de formation.
À l’issue du colloque un dossier sera publié par la revue HCM (Histoire, Monde et Cultures religieuses).
Le colloque est organisé par le laboratoire Éducation, Cultures, Politiques (Lyon 2, IFE-ENS, UJM Saint-Etienne) (ECP) (EA 4571), l’Institut supérieur d’étude des religions et de la laïcité (ISERL) et l’Institut européen en sciences des religions (IESR) avec le soutien de l’école doctorale EPIC.
Comité d’organisation:
Françoise Lantheaume (Lyon 2, ECP), Angelina Ogier-Cesari (ESPE, Lyon 1), Sébastien Urbanski (Lyon 2, ISPEF), Jean Rakovitch (Lyon 2, ISPEF).
Soutien logistique : Louisa Charfa (gestionnaire de l’ISERL), Marina Randriamiarisoa (Lyon 2, gestionnaire d’ECP).
source : 29 octobre 2013
Par Nicolas Champ